La mort d'un jeune Noir, Michael Brown, abattu par la police le 9 août aux Etats-Unis, et la vague de manifestations déclenchées par la décision d'un grand jury, lundi 24 novembre, de ne pas poursuivre le policier en cause, pose la question des violences policières et de l'usage d'armes à feu par la police, aux Etats-Unis comme ailleurs.
La France, récemment secouée par le cas de Rémi Fraisse, manifestant écologiste opposé au projet de barrage de Sivens, tué par une grenade offensive lancée par un gendarme mobile, n'est pas particulièrement bien classée en la matière : Amnesty International avait dénoncé, dans un rapport en 2009, « l'impunité » dont bénéficieraient les forces de l'ordre.
Mais il est extrêmement difficile d'établir une échelle de ces violences, d'évaluer le nombre de personnes blessées ou tuées par des policiers, ou la légitimité de ces violences : il n'existe en France aucune source officielle qui les recense.
Les statistiques établies par l'observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP) comptabilisent les violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique – en hausse depuis 2008, passant de 22 332 à 24 250 –, mais aucune autorité ne compte le nombre de personnes tuées ou blessées par la police ou la gendarmerie.
Si on sait que huit gendarmes sont morts « dans l'accomplissement de leur devoir » en 2013, on ne trouve pas de comptabilité officielle des policiers tués en opération ni des causes de décès. Selon un site officieux, « victimes du devoir », on compterait également huit décès en opération l'an dernier. Mais on ne connaît pas les circonstances de ces décès.
Aux Etats-Unis, la Cour suprême comptabilise les morts dues à des policiers. En Allemagne, les autorités locales de plusieurs Länder recensent également l'utilisation des armes des policiers. Rien de tel en France.
80 On peut trouver une statistique, très partielle, au hasard d'un rapport parlementaire de 2012 : en 2011, les gendarmes ont déclaré avoir usé d'arme à feu à 80 reprises au total, contre 98 fois en 2010. Dans la moitié des cas, il s'agissait d'une situation de légitime défense. Dans 13 cas, les gendarmes ont fait usage de leur arme pour empêcher un suspect ou un véhicule de s'enfuir.
Les seules données qu'on peut retrouver sont partielles et émanent de sources non officielles, comme l'ONG Amnesty International, ou le site Basta Mag, qui évoque, en s'appuyant sur des sources de presse et sur des travaux d'historiens, 18 décès impliquant des policiers en 2012, et une moyenne de 10 à 15 morts liées à la police par an, et les recense dans une base de données chronologique.
Pour 2014, outre le cas Rémi Fraisse, on peut citer Thimothée Lake, un braqueur tué par des policiers à Toulouse ou, en octobre, un homme non identifié, souffrant de troubles psychiatriques, abattu par la police dans des circonstances encore peu claires, alors qu'il frappait sa mère âgée. En août, un détenu en cours de transfèrement vers une prison a été tué alors qu'il aurait tenté d'attraper l'arme d'un policier. Une enquête a été ouverte.
Toujours en août, un Algérien est mort dans des circonstances non éclaircies, au cours de son expulsion, d'une « asphyxie et régurgitation gastrique ». Le même mois, on peut encore évoquer un voleur de voiture tué par balle à Marseille en réplique à ses propres tirs sur des policiers. En juillet, dans l'Essonne, un Roumain de 42 ans a été atteint d'une balle tirée dans des circonstances encore floues par un policier et meurt.
Des enquêtes sont ouvertes quasi systématiquement dès lors qu'un policier fait usage de son arme ou qu'une personne meurt des suites d'une intervention policière. Néammoins, ces cas interpellent généralement peu l'opinion, et le devenir des enquêtes reste bien souvent obscur. Il a fallu six ans à la justice pour conclure dans l'affaire de la mort de deux jeunes à Villiers-le-Bel (Seine-Saint-Denis) à la suite d'une course-poursuite, qui avait occasionné des émeutes. Le fonctionnaire de police a écopé de six mois de prison avec sursis.
Autre affaire, autre condamnation : en octobre 2013, un policier était condamné à un an avec sursis pour des violences sur un gardé à vue.
1. Aucune statistique disponible
2. Une dizaine de tués par an ?
3. Des enquêtes et des jugements
4. Légitime défense et armement de la police
Dans quel cadre un policier ou un gendarme peut-il utiliser son arme en France ? La loi est assez précise et restrictive. Les policiers n'ont en réalité pas de privilège juridique : les seuls cas où un policier peut tirer sans subir une enquête par la suite sont s'il se trouve en situation de légitime défense ou qu'une personne est directement menacée.
Plus précisément, un policier ne peut pas être responsable pénalement si, « devant une atteinte injustifiée envers [lui]-même ou autrui, [il] accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense [...] sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte ». Il est également irresponsable pénalement si « face à un danger actuel ou imminent qui menace [lui]« face à un danger actuel ou imminent qui menace [il] « face à un danger actuel ou imminent qui menace
Il faut donc qu'un policier soit dans une situation de péril ou constate qu'une tierce personne est menacée pour faire usage de son arme.
Cette question de la « présomption de légitime défense » avait fait débat en 2012. Des députés UMP ont rendu un rapport sur la question fin 2012, plaidant pour que la police bénéficie des mêmes prérogatives.
Les gendarmes, eux, bénéficient, en raison de leur statut, d'un article de loi dédié datant de 1903 (mais modifié depuis). Ils ont le droit de « déployer la force armée » :
– Comme les policiers, lorsqu'ils subissent des violences « ou lorsqu'ils sont menacés par des individus armés » ;
– Mais aussi lorsqu'ils ne peuvent « défendre autrement le terrain qu'ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu'elle ne puisse être vaincue que par la force des armes » ;
– Ou encore si, après plusieurs sommations, des personnes continuent à chercher à échapper à leurs investigations ou à leur garde, et que ces personnes ne peuvent être arrêtées que par l'usage d'armes. La règle vaut aussi pour les véhicules.
Outre la police et la gendarmerie, les policiers municipaux sont de plus en plus nombreux à être armés : selon une récente réponse du ministère de l'intérieur à la question d'un député UMP, on compte près de 20 000 fonctionnaires de police municipale, dont 7 815 disposent d'une arme à feu.
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