Trente ans, c'est grand ? Il est des anniversaires moins médiatiques et plus réjouissants que d'autres. Après la trentaine emphatique de Canal +, la trentième campagne des Restos du coeur, le Band Aid 30... c'est au tour du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse de Montreuil de souffler ses trois dizaines d'années d'existence.
Evénement. L'an passé, la littérature jeunesse s'est placée pour la première fois en seconde position des ventes de livres derrière la littérature, avec en prime une progression de 7% de la catégorie « éveil, petite enfance » là où chiffre d’affaires de l’édition globale reculait de 3%. Sylvie Vassalo, la directrice du Salon, souligne cette réussite : en trente ans, le Salon a beaucoup changé, pour les premières éditions 50 éditeurs prenaient part au Salon, ils sont désormais 450. Deux mille nouveautés étaient publiées, il y en a trois fois plus à ce jour. Et ce secteur, alors cinquième de l’édition, prend la place de second aujourd’hui.
Mais, en 2013 et 2014, le livre jeunesse s'est aussi retrouvé au coeur d'une bataille politique indigne des élus et des pseudo-penseurs qui l'ont menée : le genre (voir le dossier spécial de Mediapart) est devenu un cheval de bataille enfourché gaiement pour servir des idées discutables. N'hésitant pas à aller chercher des livres en librairie depuis déjà dix ans (Papa porte une robe, de Piotr Barsony, voir l'article de Mathieu Magnaudeix). Allant, tel Jean-François Copé avec le livre Tous à poil – livre de Marc Daniau, publié en 2011 – faisant part de ses « inquiétudes », jusqu'à récupérer des livres qui n'avaient rien demandé... Sylvie Vassalo avait répondu aux attaques de l'élu de Meaux en ces termes : « la littérature n’est pas un précis de “prêt à penser ” ».
Non, la littérature (et surtout la littérature jeunesse serait-on tenté d'ajouter), n'est pas un « précis » et encore moins un outil dont on peut user et abuser pour servir des intérêts partisans. La littérature éveille, enseigne, éduque. Dès le plus jeune âge, les mots, les images (les sons et l'animation désormais avec les possibilités techniques offertes par le numérique et le trans-média), permettent la représentation du monde, la compréhension de l'inexplicable, la découverte de l'inconnu. Pour Michèle Petit, anthropologue et chercheuse au CNRS, la littérature de jeunesse permet d’interposer tout un tissu de mots, d’histoires, de fantaisies, entre le réel et eux. De transformer l’étrange, l’inquiétant, en familier, et le familier en étonnant. Parce qu’elle nourrit leur disposition inventive, leur rêverie, leurs désirs, leurs pensées, leur finesse d’expression. Et le Salon de Montreuil, par son propos, sa vocation (et sa réussite) est à ce titre un vecteur important, contre les idées pré-conçues et pour l'ouverture sur le monde. Pour citer à nouveau Michèle Petit : la littérature de jeunesse permet aux enfants de fabriquer des souvenirs qu’ils pourront revisiter longtemps après, de remplir leur malle au trésor de mots, de récits, d’images, où puiser tout au long de la vie pour rendre le monde un peu plus habitable.
Du 26 novembre au 1er décembre, le SLPJ offre une série d'événements, de débats et de rencontres (plus de 150 auteurs, illustrateurs et dessinateurs sont invités), avec des expositions consacrées à Quentin Blake, Blexbolex, Carll Cneut, Serge Bloch... Le roman, la bande dessinée, le théâtre, les contes et le cinéma sont à l'honneur ; des parcours créatifs et des master classes sont ainsi proposés dans un seul but : accompagner les enfants vers la lecture, parce que la culture est un droit qu'on ne peut leur refuser. Parce que les jeunes visiteurs du salon d'hier et d'aujourd'hui sont les lecteurs de demain. En plus grands.
- 30e édition du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse. Espace Paris-Est-Montreuil, 128, rue de Paris – 93100 Montreuil - Du mercredi 26 novembre au lundi 1er décembre 2014
Informations pratiques ici
Entrée Gratuite pour les moins de 18 ans, les demandeurs d’emploi, les bénéficiaires du RSA, les handicapés et leur accompagnateur. Pour tous le vendredi 28 novembre à partir de 16h30 (nocturne). Pour les étudiants inscrits dans les filières Beaux-Art, Numérique, Design, Cinéma, Multimédias, Graphisme, Publicité, Vidéo, Web-concepteur;