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ANGOLA

"La police angolaise n’hésite plus à torturer les femmes"

Cette photo est la preuve de la violence dont use la police angolaise : alors qu’elle filmait une manifestation en hommage à un manifestant mort il y a un an à Luanda, une activiste a été arrêtée et embarquée par la police. Ses proches ne la retrouveront que quelques heures après dans un état catastrophique, présentant des traces de torture. .

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Après avoir été torturée pendant deux heures par la police dimanche dernier, une jeune activiste était incapable marcher. Photo: Correntes do Kwanza sur Facebook.

Cette photo est la preuve de la violence dont use la police angolaise : alors qu’elle filmait une manifestation en hommage à un manifestant mort il y a un an à Luanda, une activiste a été arrêtée et embarquée par la police. Ses proches ne la retrouveront que quelques heures après dans un état catastrophique, présentant des traces de torture.

Le week-end dernier marquait en Angola le triste anniversaire de l’assassinat d’un jeune manifestant de 26 ans, Manuel Hilbert de Carvalho Ganga tué le 23 novembre 2013 par la garde présidentielle alors qu’il placardait des affiches demandant justice pour Cassule et Kamulingue, deux activistes également tués par la police quelques mois auparavant. La manifestation était également l’occasion de réclamer le départ du président Eduardo Dos Santos, au pouvoir depuis 35 ans en Angola.

Quelques jours avant la date anniversaire, les leaders de l’opposition avaient tenté de dissuader les jeunes angolais de manifester en expliquant que la police était prête à "tirer et tuer". Malgré cela, un groupe de militants a décidé de braver le danger et d’investir la place de l’indépendance de Luanda, fermée par la police en vue des manifestations.

Les manifestants dans les rues de Luanda le 23 novembre marchent en mémoire de Manuel Ganga, un activiste tué. Photo Jpa Luanda Facebook.

"Quatre activistes contre une brigade policière : le match était joué d’avance"

Luaty Beirão est défenseur des droits de l’Homme et membre du collectif Central Angola 7311, un groupe de journalistes citoyens qui tente de diffuser des informations censurées par le régime. Les jeunes activistes, dont la jeune femme torturée, font également partie de ce collectif.

 

La police avait fermé l’accès à la place de l’Indépendance car elle devait être le point de départ de la marche. Le périmètre entier était bloqué. Nos activistes ont réussi à rentrer sur la place, qui grouillait de policiers.

Ça n’a pas pris plus de 15 secondes aux policiers pour les neutraliser : quatre activistes contre une brigade de police, le match était joué d’avance. C’était davantage un acte de courage et de défiance qu’une réelle tentative de reprendre la place.

Lorsque la jeune femme a été arrêtée, elle était en train de filmer. La police a confisqué son matériel. Sur les quatre activistes, ils en ont arrêté deux. Le premier a été conduit en détention, a été battu, mais a réussi à s’échapper. La jeune femme a eu moins de chance : son calvaire a duré deux heures.

La jeune femme a raconté sa détention sur le blog angolais Maka Angola.

 

"La police nationale m’a conduite dans une école à l’institut commercial de Luanda. Six policiers et officiers des agents secrets de l’État en civil m’ont entourée et ont commencé à me torturer pendant que les autres regardaient. Le commandant de l’île de Luanda [une presqu’île de la capitale, NDLR], l’inspecteur Manuel, m’a dit "Oh toi, sale p***, tu es la pour mettre le bordel !". Il m’a frappée entre les deux yeux, puis les autres ont commencé à me battre. "

Selon la victime, l'un des officiers l’a menottée pour qu’elle ne puisse pas se défendre. Les policiers l’ont frappée à plusieurs reprises avec des battes, des bâtons et des cordes. La victime a uriné a trois reprises alors qu’elle était battue, et le commandant lui a dit "Tu ne vas pas juste pisser, tu vas aussi te chier dessus".

Photo de la jeune femme montrant les sévices qu'elle a subies durant sa détention. Photo Facebook Central Angola 7311.

 

Des bleus énormes sont visibles sur les jambes de la jeune activite. Photo Central Angola 7311.

La jeune femme s’est évanouie a plusieurs reprises durant cet épisode et a cru qu’elle allait mourir. Les policiers ont finalement jeté son corps en face de l’union des écrivains angolais, à 300 mètres de l’école où elle a été battue.

Beirao poursuit :

 

Quelqu’un l’a retrouvée évanouie sur le trottoir. Ils l’ont emmenée à l’hôpital public, où nous avons tenté de nous rendre. Mais là bas, il y avait également la police et les services secrets.

Les médecins l’ont laissée passer la nuit là, mais je ne pense pas qu’ils lui ont donné des antidouleurs. Au matin, ils lui ont dit de s’en aller, mais elle ne pouvait même pas marcher ! Nous avons finalement trouvé quelqu’un qui pouvait la conduire chez elle. Elle était toujours à l’agonie, et ce n’est que mercredi, 72 heures après avoir été battue, qu’un activiste a réussi à lui payer ses frais médicaux. Elle a été admise dans un hôpital privé pour des tests. On attend de savoir la gravité de ses blessures.

Sa famille est morte de trouille. La police, lorsqu’elle la battait, lui a clairement fait comprendre qu’elle savait où elle habitait et travaillait, et l’a menacée de revenir pour la tuer.

Les deux activistes torturés sont acheminés dans une ambulance. Photo Central Angola 7311.

La jeune femme n'était pas capable de marcher lorsqu'elle est sortie de l'hôpital. Photo Central Angola 7311.

"Il est clair que maintenant, peu importe que vous soyiez un homme ou une femme, vous serez battu si vous vous opposez aux autorités"

Dans la culture angolaise, les femmes et les personnes âgées sont généralement traitées avec respect. Je crois qu’elle était consciente de ça, et qu’elle s’en est servi par le passé pour aller au-delà de ce qu’un homme activiste pouvait normalement faire. Elle est plutôt réservée, mais elle a toujours été très courageuse lors des manifestations. C'est la quatrième ou cinquième fois qu’elle se fait frapper. Mais il est clair que maintenant, peu importe que vous soyez un homme ou une femme, vous serez battu si vous vous opposez aux autorités.

Sa photo a beaucoup circulé, mais je ne suis pas sûr que cela va changer grand-chose. Il faudrait que les auteurs des violences soient punis. Nous voulons engager de vraies poursuites judiciaires. Si quelque chose doit être fait, il faut que ça soit maintenant.

Les violences de ce type sont communes en Angola. La veille de la manifestation, d’autres manifestants avaient été battus par la police selon le groupe Maka Angola. Les forces de l’ordre utilisent régulièrement des gaz lacrymogènes, des canons à eau et des chiens pour réprimer les manifestations contre le gouvernement. De nombreux activistes ont été arrêtés, certains sont détenus pendant plusieurs jours. Au moins trois personnes sont mortes dans des circonstances troubles au cours de telles manifestations.

Cet article a été rédigé en collaboration avec Brenna Daldorph (@brennad87), journaliste à France 24.

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