
ÉCONOMIE - Si les partis nationalistes européens brillent par leurs différences, il semblerait que l'attrait de l'or soit un vecteur de rapprochement. Dimanche 30 novembre, les Suisses ont donné leur avis sur une initiative populaire baptisée "Sauvez l'or de la Suisse". A 76%, ils ont dit "non" au texte. Les citoyens pouvaient décider en partie de la stratégie de la Banque nationale suisse (BNS). Le vote portait sur trois points: rapatrier l'or de la Suisse conservé à l'étranger, interdire à la BNS toutes ventes futures d'or et enfin, si le "oui" l'emportait, celle-ci aurait dû détenir au moins 20% de ses actifs en or physique.
Cette initiative n'avait de toute façon que peu de chance d'aboutir, mais elle a eu le mérite d'avoir donné des idées au Front national. Lundi, Marine Le Pen a adressé une lettre ouverte à Christian Noyer, le gouvernement de la Banque de France, lui demandant un audit des réserves nationales. La présidente de FN réclame un inventaire complet des quantités d'or physique, tout en appelant "en fonction de la situation que nous découvrirons" à toutes sortes de mesures.
Pêle-mêle, elle cite le rapatriement urgent sur le sol français de la totalité des réserves d’or se trouvant à l’étranger, ou encore l’interruption immédiate de tout programme de cession d’or. "Avant même le déclenchement de la crise de 2008", écrit-elle, "le Front National avait anticipé et informé les institutions politiques de l’aggravation à venir du contexte macro-économique et géopolitique". Pour Marine Le Pen "la mise en œuvre de ces mesures est décisive pour l’avenir de la France face aux troubles socio-économiques qui risquent de se produire".
Un pays qui adosserait au maximum sa devise à l'or limiterait les dérives inflationnistes, ainsi que la perte de sa valeur. Il est d'ailleurs utile de rappeler que le Front national appelle à la sortie de la France de l'euro...
Où et combien d'or pour la France ?
Mais faut-il s'inquiéter pour notre stock d'or actuel ? En théorie non, car 91% des 2435 tonnes d'or de la Banque de France sont conservées sous l'édifice parisien, à 28 mètres de profondeur. Sise au huitième sous-sol, dans le Ier arrondissement de Paris, "la Souterraine" est une spectaculaire salle-bunker de 11.000 mètres carré.
Au cours actuel de l'or, le magot national s'élève à plus de 110 milliards d'euros. Après les Etats-Unis et l'Allemagne, la France est, au coude à coude avec l'Italie, le troisième détenteur d'or au monde.
La Suisse est en revanche davantage exposée. Si la BNS assure que 70% de son or est conservé à Zurich, le solde restant est réparti entre Grande-Bretagne (20%) et le Canada (10%). Par ailleurs, l'or représente moins de 10% de ses actifs contre plus de 60% pour la France, l'Allemagne ou les Etats-Unis. La BNS rappelle toutefois que le pays détient les réserves d’or les plus élevées par habitant, à savoir 4,2 onces, contre 1,2 once par Français et 0,8 once par Américain.
"La BNS a fait un réel matraquage", lance aux Echos Dominique Casaï, fondateur de la société d’investissement suisse Uram. Il rappelle que la part de l’or dans les réserves de change de la Suisse a beaucoup baissé ces dernières années. "A la fin des années 1990, la Suisse avait 2.590 tonnes d’or. Entre 2000 et 2005, la BNS a vendu 1300 tonnes, alors que l’or ne dépassait pas 400 dollars. C’est un énorme manque à gagner", s’agace l’expert, avant d’ajouter que parmi les grandes monnaies, la couverture or du franc suisse est désormais extrêmement faible.
Sarkozy avait lancé un programme de vente d'or en 2004
Les réserves françaises avaient été sous le feu des projecteurs en 2004, quand Nicolas Sarkozy, alors ministre des Finances, avait décidé de vendre plus de 580 tonnes d'or. Le but était alors de dynamiser le portefeuille en devises de l'Etat. Exécuté entre 2004 et 2009, ce programme a néanmoins été épinglé par la Cour des comptes. Motif: en 2007, la crise financière a provoqué l'envolée du cours de l'or et aurait nécessité l'arrêt des ventes. Sauf que le programme de vente a été mené jusqu'à son terme en 2009. Selon la Banque de France, les dollars achetés à bas cours auraient été profitablement placés.
Vous l'aurez compris, les réserves d'or sont devenues un véritable sujet politique. Et la récente soi-disant mésaventure de l'Allemagne ne va pas faire mentir cette affirmation... Berlin aurait eu des difficultés avec la Réserve fédérale américaine, qui stocke ses réserves depuis la guerre froide. La chaîne Russia Today, proche du Kremlin, a ainsi diffusé une information comme quoi les représentants allemands se seraient vu interdire de visiter les coffres de la Fed. Il n'en fallait pas plus pour raviver la flamme de certains conspirationnistes, dont les thèses ont fait florès sur Internet. "L'Allemagne, qui y a entreposé près de la moitié de ses réserves en or, a de bonnes raisons de s'inquiéter, les institutions financières américaines sont connues pour vendre ce qui n'existe pas vraiment", menaçait le site Internet de Russia Today.