Ce sont les hasards d’un reportage à Melilla qui ont, il y a un peu plus de six mois, forcé la rencontre. Un vent glacial balaye l’enclave espagnole frontalière du Maroc ce 24 avril. L’air de la mer s’engouffre par tourbillons réguliers à travers les mailles du grillage de 12 km barricadant cette porte d’entrée vers l’Europe rêvée par des milliers de migrants chaque année.
Seule la silhouette d’un jeune homme en chaussettes trouées et pantalon rouge, suspendu à bout de bras à l’impossible frontière, semble vouloir défier la nuit qui approche ce soir-là : celle d’Hassan Adam. Il est 19 heures et une centaine de candidats à l’exil viennent de tenter un assaut désespéré – une « frappe », disent-ils entre eux. Il y a encore quelques minutes, Hassan Adam faisait partie d’un petit groupe agile qui a réussi à escalader le mur plus vite que les autres. Tous ont pu échapper aux forces de l’ordre. Sauf lui.
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Le jeune homme, qui se déclare âgé de 18 ans, est désormais bloqué à mi-hauteur, côté espagnol, coincé par des policiers qui l’attendent de pied ferme au bas du grillage. Malgré ses doigts gelés, ses bras tétanisés, il refuse obstinément de descendre. Préfère parier sur la lassitude des agents qui n’ont pas le droit de le déloger. Trois heures vont lui être nécessaires pour accepter son échec et l’échelle qu’on lui tend. Trois longues heures, avant d’être refoulé en quelques minutes à travers l’une des discrètes portes grillagées qui jalonnent le mur sur toute sa longueur. L’interpellation est brutale. Roué de coups, menotté, Hassan Adam est rejeté aux policiers marocains postés de l’autre côté de la frontière. Un refoulement exécuté dans un parfait flou juridique mais devenu extrêmement courant à Melilla.
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