Pourquoi le FN est encore très loin d'être "républicain"

Pourquoi le FN est encore très loin d'être "républicain"
Marine Le Pen (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Le FN, qui a réélu Marine Le Pen lors de son congrès à Lyon, ne méritera le qualificatif de "républicain" que s'il change de programme. On en est loin...

Par Pascal Riché
· Publié le · Mis à jour le
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Il y a deux ans et demi, Nicolas Sarkozy avait choqué en déclarant que le FN était "compatible avec la République". Le quotidien "Libération" avait fait de cette petite phrase sa "une", illustrée (d'une façon un brin dramatique) du visage en noir et blanc du chef de l'Etat, de l'époque, le regard dur et sombre comme les angles d'une svastika.

La dédiabolisation du FN était déjà en marche, et deux ans plus tard, elle a encore fait du chemin : Marine Le Pen assène l'idée qu'elle est républicaine - ce que ne faisait jamais son père, fier d'incarner la synthèse des différents remugles extrémistes du XXe siècle : pétainisme, royalisme, Oeuvre française, intégrisme, poujadisme, paganisme européen...

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Aujourd'hui, Sarkozy n'est plus le seul à trouver Marine Le Pen "compatible". Même Thomas Legrand, l'intelligent chroniqueur de France inter, considère qu'il n'y a désormais plus de différence de nature entre le FN mariniste et la droite classique : il n'y aurait qu'une différence de degré, une "distance" rendant possible une recomposition de la droite.

Ce serait une très bonne nouvelle, Thomas Legrand, si c'était vrai : après tout, on a assisté à un recentrage spectaculaire en Italie, celui du mouvement de l'ex-néo-fasciste Gianfranco Fini. Mais avec le FN, on n'en n'est vraiment pas encore là. Et il ne faut pas se laisser abuser par les appels du pied aux républicains souverainistes de Chevènement ou de Dupont-Aignan : sans changement programmatique majeur, ils ne sont que poudre aux yeux.

Certes, Marine Le Pen a tourné la page de Jean-Marie Le Pen. La poussière pétainiste du XXe siècle a été soigneusement balayée sous les tapis, les fantômes chassés petit à petit. Il en reste quelques uns - un bras tendu ici, une horreur raciste là - mais Marine Le Pen veille à contenir ces derniers spasmes de l'époque paternelle.

Pourtant, si le FN "nouvelle formule" embrasse officiellement l'idée de République, il n'a pas renié les racines idéologiques du parti : l'essence du FN reste nationaliste, xénophobe, liberticide. En retournant les mots du nouveau vocabulaire frontiste, comme des pierres à marée basse, on retombe toujours sur les crabes d'antan.

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Sous le mot "laïcité", le rejet des musulmans

Prenez le mot "laïcité". Quand le FN vante celle-ci, ce n'est pas pour prendre ses distance avec son culte des "racines chrétiennes de la France" qu'il continue à vouer avec ferveur : c'est seulement pour dénoncer la prétendue "islamisation de la société".  Selon Marine Le Pen, l'Etat doit d'ailleurs "distinguer entre les religions" : par exemple, interdire les prières musulmanes dans les rues, mais pas les processions du Saint-Sacrement, qui relèvent de "traditions très anciennes chez nous". Voici pour ce qui est de la laïcité sauce frontiste...

Idem pour ce qui est du mot "Liberté", un principe dont Marine Le Pen se considère comme l'ultime rempart. Le FN, dans ses discours, dans ses programmes, parle peu de liberté, beaucoup d'ordre, de répression, d'interdictions... Il entend ainsi interdire aux magistrats de se syndiquer ou encore aux défenseurs des sans-papiers ou des fumeurs de cannabis de manifester, ou encore d'avoir deux nationalités, ou encore de porter certains habits dans les transports en commun... Quand à la liberté d'informer, elle est, au FN, très relative...

Autre mot mis en avant, la "citoyenneté". Un mot magnifique, détourné pour ne parler que de discrimination entre nationaux et résidents étrangers. La "préférence nationale", cette vieille obsession de Le Pen Père, a été rebaptisée "priorité citoyenne". Rien n'a changé de ce côté là : comme son père, Marine Le Pen entend réserver en priorité les aides sociales, les allocations familiales, les logements, les soins, l'éducation à certains habitants au détriments d'autres. Telle est l'idée qu'elle se fait de l'égalité républicaine...

Un parti sourd au principe de fraternité

Un parti républicain ne diffuse pas un discours de rejet de l'autre, il diffuse un discours fraternel. Il ne prône pas le "droit du sang" (pour le FN, un enfant ne devrait pouvoir être français que si l'un de ses parents au moins est français). Il refuse de penser le peuple en de tels termes ethniques, il se montre bienveillant et humain vis-à-vis de toutes les personnes vivant sur le territoire.

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Le FN de Marine Le Pen est loin d'être un de ces partis. Le vernis républicain dont elle couvre ses discours ne doit pas faire illusion : le FN, même s'il est différent de celui de son père, reste un parti d'extrême droite classique, qui prospère en offrant des boucs émissaires à des gens qui souffrent de pertes de toutes sortes : emplois, équipements publics, logements, lien social, repères...

Avec la droite classique, une différence de nature existe toujours. Quand le FN abandonnera la préférence nationale et le droit du sang, on pourra reparler de différence de degré.

Pascal Riché
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