Les uns la qualifient d’« héroïne », d’autres d’« ange ». Pour Joachim Gauck, le président de la République, « Tugce est un exemple pour nous tous ». Depuis quelques jours, le destin de Tugce Albayrak, 23 ans, morte pour avoir défendu deux adolescentes agressées par des voyous, bouleverse l’Allemagne.
Les faits restent assez confus. Dans la nuit du 14 au 15 novembre, vers 4 heures du matin, des jeunes gens s’en prennent à deux jeunes filles dans les toilettes situées au sous-sol d’un McDonald’s situé à Offenbach, en périphérie de Francfort (Hesse). Tugce cherche alors à s’interposer. Quelques minutes plus tard, sur le parking du restaurant, Senal M., un jeune de 18 ans, la frappe à la tête. Son crâne heurte le sol : la jeune fille ne reprendra jamais connaissance. Vendredi 28 novembre, jour de son 23e anniversaire, ses parents font débrancher les appareils qui la maintiennent artificiellement en vie. On apprend alors que Tugce avait fait don de son corps à la médecine.
Courage civique
Depuis plusieurs jours, l’émotion est grande dans la Hesse, mais aussi dans le reste de l’Allemagne. Plusieurs rassemblements, auxquels ont participé des centaines de personnes, ont été organisés, tant devant le fast-food que devant l’hôpital où elle était soignée. Des bougies ont été déposées devant celui-ci, un piano y a même été transporté pour que des proches puissent jouer ses airs préférés.
Dimanche, à Berlin, bravant le froid, plus de 200 personnes se sont recueillies pour honorer sa mémoire. Sur Internet, plus de 100 000 personnes ont déjà signé une pétition réclamant que Tugce soit récompensée à titre posthume pour son courage civique. Une proposition que le président de la République va étudier, comme le veut la procédure. « Cette jeune fille mérite notre reconnaissance et notre respect. Elle restera toujours un exemple. Tout notre pays s’associe à votre peine », a écrit M. Gauck aux parents de Tugce. L’affaire fait également la « une » des journaux turcs. « Des milliers de personnes en Allemagne disent merci à une jeune fille turque », raconte le grand quotidien Hürriyet.
« Connu des services de police »
Si l’on en sait peu sur l’origine du drame, c’est notamment parce que les deux jeunes filles, premières victimes de l’agression, ne se sont pas manifestées immédiatement auprès de la police. La police est cependant parvenue à les identifier. Elles auraient 13 et 16 ans, seraient blondes et étaient, semble-t-il, ivres au moment des faits. Lors des rassemblements de ces derniers jours, nombreux ont été les appels lancés pour qu’elles se rendent à la police afin de donner leur version des faits. Rapidement identifié grâce aux caméras de surveillance placées sur le parking, puis arrêté, Senal M., « connu des services de police », n’est pas sorti de son silence. On ne sait donc rien de ses éventuels comparses.
En revanche, sa page Facebook révèle son admiration pour le rappeur Aykut Anhan, plus connu sous le pseudonyme de Haftbefehl (« mandat d’arrêt »). Une photo montre même le jeune homme photographié au côté de son idole. Or Aykut Anhan, âgé de 28 ans, a confié au Spiegel connaître la famille de la victime. Résultat : ce rappeur connu pour la violence de ses textes se remet en question. « Je dois réfléchir si je peux continuer à faire cette musique », a-t-il confié à l’hebdomadaire. Son dernier album vient de sortir. Son nom : Roulette russe.
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