Inde : 30 ans après, les enfants paient le prix de la tragédie de Bhopal

La fuite massive de gaz toxique dans une usine de pesticides en décembre 1984 à Bhopal a tué 3 500 personnes en quelques jours et 25 000 sur le long terme.

Source AFP

La deuxième génération de victimes de la tragédie de Bhopal commémore l'accident, le 30 novembre.
La deuxième génération de victimes de la tragédie de Bhopal commémore l'accident, le 30 novembre. © AFP PHOTO/ INDRANIL MUKHERJEE

Temps de lecture : 4 min

Quand la petite-fille de Champa Devi Shukla est née avec une série de déformations du visage à Bhopal, théâtre il y a 30 ans de la pire catastrophe industrielle en Inde, les conseils n'ont pas manqué. "Beaucoup m'ont dit de la tuer. Ils disaient qu'elle ne servirait à rien et que je devrais lui remplir la bouche de tabac", raconte Devi Shukla. "Mais je me suis dit que je ne la laisserais pas mourir. J'ai déjà perdu trois fils dans cette tragédie et je ne veux pas perdre quelqu'un d'autre."

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La fuite massive de gaz toxique dans une usine de pesticides d'Union Carbide la nuit du 2 au 3 décembre 1984 à Bhopal, capitale du Madhya Pradesh (centre), a tué 3 500 personnes en quelques jours et quelque 25 000 sur le long terme. Mais les conséquences de cette tragédie sont sans fin pour les habitants des alentours de l'usine, nombre d'entre eux ayant donné naissance à des enfants avec des malformations. Leur nombre est impossible à établir, mais, dans les rues proches du site abandonné, beaucoup de familles ont eu, après 1984, des enfants morts prématurément ou souffrant de graves problèmes de santé. Le gouvernement n'a jamais établi de lien avec la catastrophe, une décision qui aurait pourtant d'importantes retombées pour les victimes, jusque-là faiblement indemnisées.

"Eau empoisonnée"

Devi Shukla a perdu son mari et trois fils en une nuit. L'une de ses filles, Vidya, a fini partiellement paralysée après avoir inhalé des fumées toxiques, son état s'étant cependant amélioré après de longues séances de kinésithérapie. La famille s'est réjouie de la grossesse de Vidya, mais sans se douter des difficultés qui s'annonçaient. Son fils aîné, Sushil, souffre d'un retard de croissance et mesure moins de 1 mètre 20 à 18 ans. Son deuxième fils est mort à cinq mois et Vidya a ensuite donné naissance à une fille, Sapna. "Elle est née avec une fente labio-palatine. Elle a subi trois séries d'interventions jusqu'ici", déclare Devi Shukla, et doit encore être opérée une fois pour la reconstruction de son nez. Sapna, une joyeuse adolescente de 13 ans, veut devenir médecin.

L'expérience familiale l'ayant convaincue du lien avec la catastrophe, Devi Shukla a aidé à la création d'une clinique pour les survivants ayant des problèmes de santé. Le Chingari Trust accueille 705 enfants, atteints notamment de surdité ou d'autisme, et offre des soins physiques, de l'orthophonie ainsi que des cours et des activités sportives.

Rasheda Bee, une associée de l'organisation, pense que la plupart des malformations proviennent de "l'eau empoisonnée qui a été bue". Sa détermination à aider ces enfants lui est venue après la mort de sa soeur et de trois de ses nièces en raison de difficultés respiratoires. Elle s'est renforcée après un voyage au Japon où elle a rencontré les enfants des victimes des bombardements atomiques d'Hiroshima en 1945. Rasheda a participé à des tests de lait maternel sur 20 mères, dont la moitié venait des alentours de l'usine et l'autre de la partie opposée de la ville. "Pour une moitié, les chiffres étaient normaux tandis que neuf sur dix vivant près de l'usine présentaient de hauts niveaux de mercure dans leur lait", dit-elle. Le mercure freine le développement du foetus.

Des problèmes de santé sur plusieurs générations

Une étude publiée il y a dix ans dans le Journal of American Medical Association a établi que les garçons nés de familles exposées au gaz toxique étaient en moyenne 3,9 cm plus petits que ceux nés ailleurs dans Bhopal. Le patron d'Amnesty International, qui mène le combat pour l'augmentation des indemnisations, estime qu'il y a des preuves de l'empoisonnement. "Nous faisons face à des problèmes de santé sur plusieurs générations", dit-il à l'AFP à l'occasion des cérémonies commémorant les 30 ans de la tragédie. "Il y a de multiples études sur des années (...) Il est très clair que l'eau a été contaminée", ajoute-t-il, précisant que l'empoisonnement des sols et de l'eau avait même commencé avant l'accident. Devi Shukla raconte que les enfants "ont peur de boire l'eau" encore maintenant, en dépit du changement des canalisations.

Pour le médecin d'un institut financé par l'État étudiant la santé des enfants à Bhopal, il est pourtant trop tôt pour établir un lien entre l'usine et les maladies congénitales. "Cela n'a été ni établi ni démenti", affirme-t-il à l'AFP, sous le couvert de l'anonymat. Shetty reconnaît que la cause exacte de certaines maladies est toujours contestée, mais que la responsabilité en revient aux autorités. "Pourquoi le gouvernement indien ne parvient-il pas à conduire les recherches adéquates ? Ce n'est pas comme si l'Inde n'en avait pas les capacités. Les victimes attendent depuis 30 ans, c'est trop long."


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Commentaires (4)

  • papaoutai

    Je souhaite juste a tous ces gens... Qu'ils soient indemnisés au plus... Car ces gens malades et ou decedes... Ont une une ecourtées... Ou semer d'embuches... Quand vous n'etes pas gravement malades ou handicapés... Vous ne pouvez pas savoir ce que sait de devoir et savoir se battre chaque... Jour pour survivre... Pour avoir non seulement les medicament et le materiel... De plus en plus deremboursé... Mais aussi se battre... Pour trouver de bons spes ou generaliste qui veulent bien acceptes de se battre avec... Vous et c'est d'autant plus vrai si vous avez une pathologie lourde... Il faut se battre aussi chaque jour contre sa maladie et les algies... Qu'elle occasionne et cela H24 et 7/7 aussi il faut se battre chaque jour contre son moral... Pour ne pas sombrer... Sinon votre moral et votre corps vont vous lachez... Et tout cela pour une malheureuse AAH... En compensation... Je suis parvenue a garder le moral 7/7 car j'y suis habituée a voir les choses positivves depuis gamine... Mais cela reste usant de devoir lutter... Et a toutes celles et ceux qui oseraient me regarder dans les yeux et me parler d'assistanat... Comme j'ai pu voir ecrit betement... Je leur dis ok je prends ta place, tu me donnes ta santé je vais bosser avec le sourire mais tu n'auras qu'une miserable AAH comme j'ai... Et bonjour a moi la belle vie je pourrais TOUT manger TOUT boire me promener faire du shooping aller en vacances avoir une vie de famille des enfants etc. Pendant ce temps toi tu resteras alitee tu ne pourras presque plus rien manger ni boire tu resteras couchee h24 en regardant le plafond... Tu ne pourras plu jamais t'eclater avec tes potes ou faire du shooping partir en vacances ou meme un week end etc. Notre situation est a enviée n'est ce pas... ? Alors vous etes d'accord honnetement pour prendre notre place... ? Et en + ac la petite allocation que l'on a on ne peut meme pas payer ts les medocs et ou matos ! Je ne sais pas mais pour ceux qui cause d'assistanat... Dans ces cas precis reflechissez 2 mn !

  • nefertiti0151

    Et ça ne les arrête pas : actuellement, stérilisation des sols avec des OGM, et des pesticides, etc. Si on souhaitait affamer des populations, on ne s'y prendrait pas autrement.

  • Papy Georges

    Depuis cette catastrophe, il ne faut surtout pas dire qu'Union Carbite n'a rien faut.
    Si vous ne voyez plus dans le commerce de piles ou batterie au nom d'UCAR...
    papy georges