Dans les rues de Béziers, Ménard révise la guerre d'Algérie

Dans les rues de Béziers, Ménard révise la guerre d'Algérie
Béziers : Robert Ménard, soutenu par le FN, arrivé en tête avec 44,88%. (PASCAL GUYOT/AFP)

Le maire souhaite rebaptiser la rue du "19 mars 1962", date des accords d'Evian, du nom d'un militaire ayant participé au putsch des généraux, en faveur de l'Algérie française.

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Robert Ménard joue-t-il au révisionniste ? Le maire de Béziers, élu avec le soutien du FN, veut rebaptiser la rue du "19 mars 1962", date des accords d'Evian qui ont marqué la fin de la guerre d'Algérie. Il veut en faire la rue du "Commandant Hélie Denoix de Saint-Marc", un militaire ayant participé au putsch des généraux, en faveur de l'Algérie française et contre la politique du général De Gaulle, un certain 21 avril 1961. 

Le changement de nom de cette rue proche du quartier de la Devèze, celui où Robert Ménard, né à Oran en Algérie, s'était installé avec ses parents à son arrivée à Béziers, sera présenté lors du prochain conseil municipal, le 11 décembre, a-t-on appris jeudi 4 décembre auprès de la mairie.

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Coauteur de "Vive l’Algérie française !", Robert Ménard présente ce choix comme "un hommage au courage et à l’héroïsme", contrairement à la date du 19 mars 1962. Il s'explique à "Libération" :

Dire que cela marque la fin de la guerre d’Algérie, c’est un pur mensonge historique ! Une pure fiction ! Il n’y a jamais eu autant de victimes de pieds-noirs et de harkis après. C’est du révisionnisme historique."

"Une faute politique et morale"

Pour les anciens combattants, et notamment ceux de la Fédération nationale des anciens combattant d'Algérie, Maroc, Tunisie (Fnaca), c'est pourtant bien cette date qui marque la fin des combats en Algérie. Depuis 1963, la fédération l'a même choisie pour rendre hommage aux victimes des combats dans toute l'Afrique du Nord, rappelle "Le Midi Libre".

"J'avale mal la couleuvre", lance le président du comité biterrois de la Fnaca, Jean-Pierre Labeur, abasourdi. "Ça ne fait pas plaisir tout ça ! C'est se foutre du monde", assène de son côté le président départemental de la Fnaca, Michel Martel. 

L’opposition socialiste de Béziers s’oppose également au projet : "Juridiquement, il a le droit de faire ça. Mais il s’agit d’une faute politique et morale. Le rôle du maire n’est pas de dresser les uns contre les autres. Il ne faut pas réécrire l’histoire au profit de la frange la plus radicale des partisans de l’Algérie française", déplore Jean-Michel du Plaa, président du groupe PS au conseil municipal auprès de "Libération". 

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"La colonisation a eu des effets positifs"

En débaptisant la rue du "19 mars 1962", le maire de Béziers se dit, selon le quotidien, satisfait d’avoir pu réaliser cette promesse faite aux harkis et aux pieds-noirs. "Je veux juste montrer que la colonisation française a eu aussi des effets positifs. Cela a permis aussi de construire des hôpitaux, des ports… et même de faire naître le sentiment national algérien."

L’argumentaire de Robert Ménard est habituellement utilisé par les partisans de l’Organisation de l’armée secrète (OAS), l'organisation clandestine qui s’opposait à l’indépendance de l’Algérie par tous les moyens, y compris terroristes, note "Libération".

Robert Ménard avait d'ailleurs prononcé un discours cet été, en mémoire des pieds-noirs tués lors des Massacres d'Oran du 5 Juillet 1962, devant une stèle érigée en hommage à quatre membres fusillés de l’OAS. Dont Bastien-Thiry, organisateur de l’attentat raté du Petit-Clamard contre Charles De Gaulle. 

Ancien résistant, putschiste et décoré par Sarkozy

Né à Bordeaux en 1922 et mort à La Garde Adhémar (Drôme) en 2013, le commandant Hélie Denoix de Saint-Marc, mis à l'honneur par Béziers, avait été résistant et déporté à Buchenwald. En avril 1961, il avait fait le choix de l'Algérie française et participé au putsch des généraux à la tête du 1er REP (Régiment étranger de parachutiste). L'opération échouera et lui se constituera prisonnier. Il sera condamné à dix ans de réclusion et effectuera cinq ans de prison avant d'être gracié par le général de Gaulle.

Réhabilité en 1978, il publie en 1995 une autobiographie "Les champs de braises, mémoires" et devient un personnage public à travers des conférences. Il avait été élevé en novembre 2011 au rang de Grand Croix de la Légion d'honneur par Nicolas Sarkozy.

R.F.

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