Si les « poussins » français ont vu le statut d’autoentrepreneur épargné et si la marque de vêtements Camaïeu a indemnisé les victimes de l’effondrement du Rana Plaza, c’est un peu grâce à Change.org. En 2014, défendre une cause – et la gagner, comme ce fut le cas pour les deux exemples cités – passe de plus en plus souvent par une pétition lancée sur cette plate-forme, lancée en 2007, et qui totalise 80 millions d’utilisateurs pour 800 000 pétitions. Pour financer son expansion, la start-up a annoncé, mardi 9 décembre, avoir bouclé sa deuxième levée de fonds. En 2013, la plateforme avait lancé un premier tour de table et levé 15 millions de dollars (12,2 millions d’euros) auprès de Pierre Omidyar, le fondateur du site de distribution en ligne eBay. Celui-ci, ainsi que vingt-quatre autres investisseurs, est encore au rendez-vous cette année : Change.org vient de lever 25 millions de dollars supplémentaires.
La liste des investisseurs, qui le sont à titre philanthropique et ne toucheront pas de dividende, ressemble à un Who’s Who de la nouvelle économie. Bill Gates, fondateur de Microsoft, les cofondateurs de Twitter et de Yahoo, Arianna Huffington, patronne du Huffington Post, l’acteur Ashton Kutcher, Reid Hoffman, le cofondateur de LinkedIn, ou encore Sam Altman, président du puissant incubateur de start-up californien Y Combinator, sont, entre autres, de la partie. La plupart investissent à titre personnel. « Nous enregistrons des victoires chaque semaine, explique Jennifer Dulski, présidente et directrice des opérations, de son bureau sur la Côte ouest, et les investisseurs souhaitent mettre leur argent dans des entreprises capables de prendre de l’ampleur. »
L’argent levé servira intégralement à financer la croissance de la plate-forme, garantit Jennifer Dulski. L’augmentation des capacités de traitement informatique ainsi que le passage au mobile, liés à la croissance des usages sur smartphone et tablette, sont notamment au cœur de son développement. « Nous devons offrir aux internautes les moyens de lancer une action de la façon la plus immédiate possible », pointe-t-elle.
Une entreprise sociale
Très internationale, avec ses vingt-trois bureaux dans dix-huit pays, la plate-forme est déjà disponible en une vingtaine de langues, mais souhaite en proposer de nouvelles. Forte de son succès – « Nous voulons construire la plus importante plate-forme d’émancipation citoyenne » –, Change.org travaille sur de nouveaux outils, mentionne Jennifer Dulski au passage, qui seront dévoilés courant 2015.
Change.org n’est ni une ONG ni une association, mais a pris le statut de « B Corporation » (entreprise sociale en langage juridique américain) pour rassurer et attirer les investisseurs. Elle ne demande aucune participation financière aux lanceurs de pétition mais leur propose de promouvoir s’ils le souhaitent une pétition à travers un don (de 5 à 1 000 dollars). Le site se rémunère également sur des campagnes de publicité menées par des ONG et des associations. Mais l’exploitation des données collectées sur le site (par défaut, l’adresse e-mail du signataire d’une pétition sponsorisée est envoyée à son auteur, une transaction qui rapporte de l’argent à Change.org) est le sujet de critiques récurrentes outre-Atlantique : ses détracteurs l’accusent de s’être transformé en Google de l’humanitaire et dénoncent l’utilisation de l’extension .org par une entreprise, fût-elle dédiée au bien social.
Audrey Fournier
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