DOCUMENTAIRE«Homos, la haine»: Les coulisses du documentaire coup de poing sur l’homophobie

«Homos, la haine»: Les coulisses du documentaire coup de poing sur l’homophobie

DOCUMENTAIREFrance 2 diffuse ce mardi soir à 22h45 «Homos, la haine». Le réalisateur Eric Guéret raconte à «20 Minutes» les six mois de casting, la «peur de témoigner» rencontrée, et la détermination de France 2 à faire un «film coup de poing»…
Laurent Kérusoré, acteur de Plus belle La Vie, est l'un des neufs témoins d'
Laurent Kérusoré, acteur de Plus belle La Vie, est l'un des neufs témoins d' - Morgane/France 2
Annabelle Laurent

Annabelle Laurent

Un soir de 2006, Bruno Wiel est conduit dans un parc de Vitry où il est lynché et torturé en raison de son homosexualité. C’est par son témoignage, glaçant, que s’ouvre Homos, la haine, diffusé ce mardi soir sur France 2. Plus proche de nous, en avril 2013, Wilfred est brutalement agressé alors qu’il rentre de soirée avec son compagnon, et poste le lendemain de son visage tuméfié sur Facebook.

Quelques années séparent les deux drames, et quelque chose a changé: la haine homophobe s’est libérée. Depuis le début des débats sur le mariage en 2013, les agressions homophobes ont doublé, rappelle le documentaire. «Ce chiffre a été un point de départ, explique le réalisateur Eric Guéret. Quand tout à coup, la société désigne un bouc émissaire, il est de notre responsabilité de nous emparer du sujet.»

Six mois de casting

«Aujourd’hui, les gens traversent la rue pour me dire qu’ils sont contre moi, confie Laurent Kérusoré, Thomas Marci dans Plus belle La Vie. Avant, on était le couple préféré de la série». Emmanuelle, 26 ans, issue d’une famille catholique bourgeoise, raconte elle le sentiment d’ «harcèlement» vécu pendant le débat.

A leurs voix se mêlent celles d’Amina, Irène, Jean-Pierre, Martine, Samuel, tous victimes d’actes homophobes violents, et d'âge, de milieux sociaux et de confessions différents. «L’homophobie, c’est pas un truc d’homosexuels qui habitent dans le Marais à Paris», lance Eric Guéret, qui a cherché, avec Philippe Besson, co-auteur du film, «la diversité. Pour rencontrer des témoins, on a parcouru la France pendant des mois.»



Obtenir la confiance des témoins

A travers une forme très épurée, le documentaire repose intégralement sur la force des neufs témoignages, poignants. Comment les choisit-on, quand c’est à travers eux que sera dessiné si ce n’est «le», un visage de l’homophobie? «On a réalisé qu’on n’avait pas tant le choix de ça, répond Eric Guéret. Il y a une grande peur de témoigner à visage découvert, ça demande beaucoup de courage. Beaucoup ont refusé».

Bruno Wiel et Wilfred avaient déjà été exposés. «Pour les autres, on a ramé», explique le réalisateur. Martine, harcelée quotidiennement dans le supermarché où elle était magasinière, n’a «donné sa confiance» qu’au bout de trois visites. Laurent Kérusoré est la seule «personnalité publique» des neuf. «J’aurais bien aimé en avoir plus, dans le milieu du sport notamment, mais je n’en ai pas trouvé…»

La violence de la religion

Trois jeunes témoignent, pour illustrer une réalité alarmante: l’homophobie est la première cause de suicide chez les jeunes. Amina, d’une famille musulmane, mise à la rue par ses parents quand elle leur annonce sa relation avec une fille. Samuel, d’une famille juive orthodoxe, frappé par son père, mis à la rue, lui aussi. Emmanuelle, issue d’une famille catholique. «La religion n’est pas le seul motif à l’intolérance, mais elle est violente à l’égard des homosexuels. Avoir les trois religions n’était pas voulu, mais bienvenu, pour éviter de tomber dans la stigmatisation», explique Eric Guéret.

Autre choix, celui d’insérer des propos homophobes sans visage pour les prononcer, sans date pour les situer, simplement en voix-off. «On les a extrait d’archives des vingt dernières années, avec la volonté de déconnecter la parole du contexte, précisément parce qu’elle ne change pas. Vouloir repénaliser l’homosexualité, c’est une chose dite en permanence.»

Une «carte blanche» de France 2

Si ces propos sont isolés du contexte, les témoignages y sont très ancrés. Surtout celui d’Emmanuelle, hantée par «les images de millions de personnes qui crient que vous êtes une abomination». L’engagement de France Télévisions, qui a par ailleurs lancé une plateforme, est très net, et Eric Guéret dit avoir eu «carte blanche de France 2». «Ils avaient envie que ce soit un film coup de poing et n’ont jamais freiné. Au contraire.»

France Télévisions donne depuis le 28 novembre la possibilité aux internautes de partager anonyment leur histoire sur la plateforme francetv.fr/homoslahaine. Certains sont lus par des personnalités comme Roselyne Bachelot, Lilian Thuram ou Nolwenn Leroy.

Sujets liés