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MALDIVES

Les Maldives, un paradis à court d’eau potable

Les habitants de Malé, la capitale des Maldives, n’ont plus d’eau potable depuis bientôt une semaine après l’incendie le 4 décembre d’une usine de désalinisation. Pour notre Observateur, cette crise révèle au grand jour les problèmes de gestion du gouvernement maldivien.

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Des bénévoles de la compagnie de téléphonie Dhiraagu aident à la distribution d'eau potable. Photo @dhiraagu.

Les habitants de Malé, la capitale des Maldives, n’ont plus d’eau potable depuis bientôt une semaine à la suite de l’incendie d’une usine de désalinisation. Pour notre Observateur, cette crise révèle au grand jour les problèmes de gestion du gouvernement maldivien.

Connu comme étant un paradis touristique où des centaines de milliers de personnes se pressent chaque année, les Maldives ont été touchées, jeudi 4 décembre, par un incendie qui a détruit les principales infrastructures de désalinisation permettant d’alimenter en eau potable Malé, la capitale la plus dense au monde (près de 18 000 habitants au kilomètre carré). Plus de 100 000 Maldiviens se sont retrouvés sans accès à cette ressource vitale.

L’accès à l’eau est une problématique majeure sur cet archipel, où les poches d’eau souterraines sont les seules sources d’eau fraiche. Le pompage frénétique de cette eau combiné à la pollution et la montée des eaux de mer rendent ces nappes peu à peu impropres à la consommation. Certaines îles des Maldives – qui en comptent 199 – sont d’ailleurs dépendantes de l’importation d’eau en bouteille et leurs habitants dépensent une grande partie de leur salaire dans cet achat.

Depuis le début de la crise, des files de personnes faisant la queue pour récupérer de l’eau sont visibles dans les rues de Malé (Photo Twitter par @Aieshas)

"La pénurie est loin d’être sous contrôle"

Abdalla Fathyn habite à Malé.

Juste après l’incendie de la semaine dernière, beaucoup de gens ont paniqué et se sont rués dans les épiceries pour faire des réserves d’eau. Certains se sont mêmes battus au début.

La pénurie est loin d’être sous contrôle. [L’interview a été réalisée lundi, mais les problèmes persistaient encore mardi matin, ndlr]. La plupart des services étatiques sont fermés à cause de la crise. Cependant, le secteur privé fonctionne encore. La police et l’armée distribuent de l’eau toutes les 24 heures à des points bien précis. La chose la plus difficile pour certaines familles est de venir chercher l’eau et d’avoir les moyens de la ramener chez eux [certains groupes, comme l’Association maldivienne d’aide aux autistes, ont mis en place des services d’aide aux plus vulnérables, notamment ceux qui ne peuvent pas attendre plusieurs heures dans les files, ndlr].

 

Une application créée via Kickstarter quelques jours après le début de la pénurie localise les différents points de distribution à Malé.

 

Des stocks d’eau en bouteille sont distribués par des bénévoles aux familles les plus vulnérables. Photo Twitter par @maldivesautism.

Les entreprises de gestion de l’eau ont réussi à réparer un panneau de contrôle en 48 heures. Grâce à ça, ils parviennent à pomper environ 3 000 tonnes d’eau par jour… mais il en faudrait plus de 20 000 pour que chaque foyer puisse être alimenté.

Là où j’habite, nous avons pour le moment quelques heures d’eau par jour, mais la pression n’est pas suffisante pour que l’eau jaillisse des robinets aux étages. J’habite au deuxième étage et j’ai de l’eau depuis le début de semaine, mais au départ, on devait remplir des bouteilles au rez-de-chaussée. Les gens qui habitent dans des immeubles de huit ou dix étages doivent faire ce manège tous les jours pour avoir de l’eau potable.

Lors de cette pénurie, les Maldiviens s’unissent malgré les divisions politiques [la situation est tendue politiquement entre le gouvernement et l’opposition aux Maldives, le second accusant le premier d’utiliser violence et oppression à l’encontre de la démocratie ; l’islamisme extrémiste est également en progression, ndlr]. Dans notre immeuble, la solidarité est aussi visible, et nous nous organisons pour apporter gratuitement de l’eau aux plus vulnérables.

"À Malé, il n’y a pas de mécanismes pour collecter l’eau de pluie"

Malheureusement, même l’eau qui vient de l’usine n’est pas forcément bonne pour la consommation. Si tu peux te le permettre, il vaut mieux acheter de l’eau en bouteille. Les plus pauvres n’ont pas d’autres choix que de faire bouillir l’eau qui sort du robinet. Mais la crise ne fait pas que des malheureux : des sans-papiers bangladais qui travaillent dans l’industrie du bâtiment sont plutôt contents de la pénurie car ils bénéficient des distributions gratuites.

Environ 90 % des immeubles sont équipés de canalisations d’eau souterraines, mais en général, celle-ci est salée, et utilisée principalement pour les toilettes. Nous sommes cependant obligés depuis quelques jours d’utiliser cette eau, notamment pour les tâches ménagères. Je suis sûr que si quelqu’un a essayé d’en boire, il est tombé malade.

 

Un habitant récupère de l’eau de pluie récoltée dans son jet ski, probablement pour l’utiliser dans des tâches ménagères. Photo prise par notre Observateur.

Certains postent leurs astuces pour récupérer de l’eau sur les réseaux sociaux : ici, un Maldivien a trouvé un système de filtrage de l’eau coulant d’un tuyau.Photo @Aieshas.

Il pleut chaque jour, mais il n’y a pas de mécanisme de récupération de l’eau de pluie à Malé. Sur d’autres îles du pays, ce système de collecte de l’eau existe, mais dans la capitale, nous sommes devenus trop dépendants des usines de désalinisation.

“Une guerre de l’eau entre l’Inde et la Chine”

Selon les autorités officielles des Maldives, le retour à la normale n’interviendra pas avant la fin de la semaine.

Le gouvernement a d’ores et déjà appelé à l’aide internationale, un appel auquel l’Inde a répondu dès le 7 décembre en envoyant environ 1 000 tonnes d’eau par bateau ainsi que des équipements de traitement de l’eau. La Chine a également envoyé 1 000 tonnes d’eau et des équipements le lendemain. Pour notre Observateur, la pénurie d’eau aux Maldives est devenue un enjeu politique pour les deux superpuissances qui tentent d’étendre leur influence dans l’océan Indien.

L’Inde essaie à tout prix de soigner ses relations historiques avec les Maldives, et la Chine, qui n’a pas vraiment établi de relations diplomatiques avec notre pays, essaie d’utiliser cet événement pour en mettre en place. C’est une guerre de l’eau entre eux pour s’attirer la sympathie des Maldiviens. C’est assez logique, car notre pays est dans un espace stratégique en ce qui concerne le commerce et les questions militaires [80 % du pétrole chinois, et 65 % du pétrole Indien est acheminé dans des bateaux qui traversent l’océan Indien en passant par les eaux maldiviennes, NDLR].

Les Maldives sont un des exemples les plus frappants des effets du changement climatique : chaque année, les îles disparaissent peu à peu à cause de l’élévation du niveau de la mer. Cela explique en partie que les nappes phréatiques propres à la consommation soient de plus en plus imprégnées d’eau salée. Les eaux deviennent également de plus en plus chaudes et acides, causant l’érosion des structures de corail, catastrophiques pour l’écosystème local. Certains scientifiques n’hésitent pas à affirmer que les Maldives seront englouties par la mer d’ici 50 ans.

Ce billet a été rédigé en collaboration avec Brenna Daldorph (@brennad87), journaliste à FRANCE 24.

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