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Le sort funeste de 1181 femmes autochtones

Les voix se multiplient pour réclamer une commission d’enquête sur ces femmes assassinées ou disparues depuis 30 ans



Les femmes autochtones disparues ou assassinées sont surreprésentées par rapport à la population canadienne, signalait au printemps dernier un rapport accablant de la GRC. Depuis, des voix se multiplient pour réclamer la tenue d’une commission nationale d’enquête visant à faire la lumière sur ce tragique phénomène.

La toute dernière à se faire enten­dre est Rinelle Harper, cette survivante de 16 ans attaquée à deux reprisesle mois dernier par ses agresseurs et laissée pour morte dans les eaux froides de la rivière Assiniboine, au Manitoba. «À titre de survivante, je vous demande, en tout respect, d’exiger une enquête nationale sur les meurtres et les disparitions de femmes autochtones», a-t-elle déclaré mardi, lors d’une réunion de l’Assemblée des Premières Nations.

Enquêtes policières

Le gouvernement Harper rejette l’idée d’une commission d’enquête et dit plutôt privilégier les enquêtes policières pour résoudre les cas de disparitions ou d’assassinats. Il a d’ailleurs annoncé certaines mesures dans ce sens.

La présidente sortante de l’Association des femmes autochtones du Canada, Michèle Audette, fait aussi partie de ceux qui exigent du fédéral la tenue d’une telle enquête accompagnée d’un plan d’action national.

«Elle n’est pas juste physique, la violence chez les femmes autochtones. Elle est systémique, législative, économique, etc. Alors, soit on reste témoins de cette situation pour en devenir des complices ou, collectivement, on fait une pause et on se dit que oui, l’enquête et le plan d’action sont importants», dit Mme Audette.

Cette commission, croit-elle, ne doit pas tant se pencher sur les causes de cette violence envers les femmes autochtones, mais plutôt, dit-elle, chercher à savoir pourquoi les recommandations des nombreux rapports des 20 dernières années n’ont pas été appliquées.

Dialogue brisé

L’Association milite aussi pour qu’une table ronde réunissant les premiers ministres provinciaux, territoriaux et fédéral soit organisée afin de «rebâtir le dialogue brisé». Cette initiative, à laquelle, dit-elle, les provinces ont donné leur appui, permettrait dans l’intervalle d’évaluer l’impact de l’ensemble des programmes et services auxquels les Premières Nations ont droit.

L’organisme Femmes autochtones du Québec réclame aussi la tenue d’une commission d’enquête et d’un plan d’action national.

«Une commission d’enquête obligerait les gouvernements à faire face aux résultats de leur inaction et donnerait aussi une plateforme aux familles des victimes (...) pour que leurs voix et leurs histoires soient entendues», explique la coordonnatrice de la justice et de la sécurité publique de FAQ, Alana Boileau.

Pointe de l’iceberg

Selon la porte-parole, les données policières ne sont que «la pointe de l’iceberg», raison pour laquelle l’association québécoise réalise présentement une «étude qualitative» sur le triste sort qui guette les femmes autochtones.

Selon Mme Boileau, dans un milieu où tout le monde se connaît, plusieurs femmes craignent de dénoncer auprès de la police autochtone la violence dont elles sont victimes. Selon elle, un «protocole» pourrait, par exemple, être mis en place en cas de conflit d’intérêts afin d’adresser les plaintes à un agent de la police autochtone d’une autre nation.


« Elles sont surreprésentées dans ces quartiers pauvres et violents »

Toute proportion gardée, les 1181 femmes autochtones assassinées ou disparues au cours des trois dernières décennies représentent l’équivalent de 30 000 Canadiennes ou encore de quelque 8000 Québécoises sur une même période.

Le rapport de la GRC rendu public au printemps dernier répertorie les cas survenus de 1980 à 2012. Les 1017 femmes autochtones assassinées représentent 16% des cas d’homicides, alors qu’elles ne représentent que 4,3% de la population.

Cette surreprésentation des femmes autochtones parmi les victimes est, d’après l’enquête de la GRC, un phénomène constaté dans l’ensemble des provinces. Il s’agit aussi d’une situation qui a pris de l’ampleur avec les années puisque les femmes autochtones représentaient 8% des victimes en 1984, mais 23% en 2012.

C’est pour donner des visages à ces chiffres et «crever l’indifférence» que la journaliste indépendante Emma­nuel­le Walter, a écrit le livre Sœurs volées: enquête sur un féminicide au Canada, sorti le mois dernier en librairie.

«Hantée» par cette situation, l’auteure y raconte entre autres, à l’aide de témoignages, l’histoire des Québécoises Maisy Odjick et Shannon Alexander, disparues en 2008 près de Maniwaki, en Outaouais.

Exposées

«Les femmes autochtones sont très exposées puisqu’elles sont en danger permanent et elles sont hypervulnérables. Et ce que j’essaie de faire comprendre dans ce livre, c’est que le quotidien qui est le leur n’est pas le nôtre», dit-elle.

Au Canada, les femmes autochtones sont 718 500, sur les 1,4 million d’Autochtones au pays.

«Elles sont surreprésentées dans ces quartiers pauvres et violents, et cette violence et cette pauvreté s’expliquent par toute l’histoire de la colonisation», pense-t-elle.

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