Comment Marine Le Pen a fait la cour aux gays

Depuis 2011, la patronne du FN multiplie les clins d'oeil aux électeurs homosexuels de droite. Une stratégie de conquête qui porte aujourd'hui ses fruits.

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Marine Le Pen a confié à Sébastien Chenu un collectif consacré à la culture qui sera rattaché au Rassemblement bleu marine.
Marine Le Pen a confié à Sébastien Chenu un collectif consacré à la culture qui sera rattaché au Rassemblement bleu marine. © AFP

Temps de lecture : 3 min

"En ralliant Marine Le Pen, j'ai l'impression de faire un second coming out." À 41 ans, Sébastien Chenu vient de franchir un pas important : cet ancien secrétaire national UMP vient de rejoindre Marine Le Pen. Déçu par l'UMP et Nicolas Sarkozy, ce chef d'une entreprise de communication a annoncé jeudi 11 décembre son adhésion au Rassemblement bleu marine, un mouvement affilié au FN. Le premier "coming out" dont Sébastien Chenu parle, c'est la révélation de son homosexualité. Fortement engagé pour la reconnaissance de l'égalité des personnes LGBT, Chenu avait créé en 2001 GayLib, une association gay de l'UMP, aujourd'hui rattachée à l'UDI.

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Pour Marine Le Pen, cette prise de guerre est de taille. "Cela prouve qu'il y a de tout au FN : des gaullistes, des homosexuels, des femmes de ménage, des ouvriers... Le FN, c'est la France !" s'est réjoui le président d'honneur du FN Jean-Marie Le Pen. C'est un fait : qu'ils affichent ou non leur homosexualité au grand jour, les gays sont les bienvenus au FN. Florian Philippot, vice-président en charge de la stratégie et de la communication, qui vient de se faire "outer" par le magazine people Closer, a ainsi été soutenu de façon unanime par les frontistes. Comme le disait Jean-Marie Le Pen, "il n'y a pas de surveillance des braguettes au FN". "Notre parti n'a jamais été homophobe", répète le député européen Louis Aliot.

Marine Le Pen, la diva

Pourtant, pendant longtemps, les gays n'étaient pas vraiment accueillis les bras ouverts au FN. Patron du parti entre 1972 et 2011, Jean-Marie Le Pen apparaissait comme l'homophobe numéro un à abattre. Même s'il a toujours été très entouré de conseillers homosexuels, le Menhir a multiplié les dérapages sur le besoin d'enfermer les "sidaïques" et sur la chasse au "chapons du Marais". Des propos provocateurs qui ont scandalisé bon nombre de gays.

Mais, lorsque Marine Le Pen succède à son père en janvier 2011, le ton est à l'apaisement. En plaidant pour l'abrogation du mariage gay qui serait remplacée par une union civile, Marine Le Pen - qui n'a pas défilé lors des Manifs pour tous - ménage à la fois ses électeurs de gauche et les "gay friendly". De quoi achever de convaincre les homos très à droite qui hésitaient encore à glisser un bulletin de vote FN. À tout cela s'ajoute aussi la peur du musulman supposé homophobe. "L'homosexuel est devenu une figure emblématique de l'imaginaire du FN pour témoigner qu'il défend les valeurs libérales face au totalitarisme islamiste", nous expliquait récemment le sociologue Sylvain Crépon. Marine Le Pen n'hésite d'ailleurs pas à jouer sur cette peur quand, en 2010, elle pointe du doigt "certains quartiers où il ne fait pas bon être femme, ni homosexuel, ni juif, ni même français ou blanc". Didier Lestrade, fondateur d'Act Up, abonde dans ce sens. "Le FN capitalise sur les griefs de la communauté LGBT envers les partis de droite et de gauche. Il encourage un mouvement continu depuis plusieurs années de droitisation du milieu LGBT sur fond de crise économique et de racisme anti-noirs ou anti-arabes", explique-t-il dans une tribune publiée sur Slate.

Marine Le Pen est même devenue une diva pour une partie de la communauté arc-en-ciel. "Marine est à la politique française ce que Brigitte Bardot, Dalida, Madonna ou Lady Gaga mises ensemble sont à la chanson. Elle met des mots sur les maux, a le don de verbaliser ce qui nous révolte et nous chagrine", nous expliquait récemment au Point Thierry Rostoll-Méric, un déçu de l'UMP encarté au FN depuis 2011.

"Lobby gay"

En revanche, l'image d'un FN "gay friendly" ne plaît pas à une poignée d'élus conservateurs. Via les réseaux sociaux, ces derniers ont encouragé militants et sympathisants opposés à l'arrivée de Chenu à téléphoner au siège du parti à Nanterre (Hauts-de-Seine) pour dénoncer une "erreur politique, morale et culturelle". "Il existe un lobby gay autour de Marine Le Pen et au sein du parti. C'est insupportable", s'est même agacé le député européen Aymeric Chauprade lors du bureau politique du FN vendredi matin 12 décembre. En vain. Marine Le Pen n'a pas cédé à la pression. Sébastien Chenu animera avec le député Gilbert Collard un collectif consacré à la culture et sera candidat aux élections départementales.


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Commentaires (63)

  • onréfléchit

    Ce peut être réconfortant pour un minoritaire de se voir accepté par un parti extrémiste qui lui fait les yeux doux pour obtenir sa voix. Mais attention ! Une fois le pouvoir obtenu ce parti extrémiste fera le ménage car il n'aura plus besoin de lui. C'est un classique du discours populiste ; il semble que ce piège fonctionne encore.

  • isabelleA

    C'est plutôt qu'il n'y a pas fait la carrière qu'il espérait. Il change donc de râtelier par pur opportunisme.

    On notera ainsi que le FN, cherchant à tout prix à grossir ses rangs, accueille nombre d'aigris, loosers d'autres partis de tous bords. Lire à ce sujet l'excellent article du Point, signé Charles Consigny.

    Il n'est pas sûr qu'à ce petit jeu, le FN gagne en cohésion.

  • loloauchocolat

    Je ne vois pas en quoi le FN se protituerait parce qu'il accueillerait en son sein de nouveaux visages. Je rappelle à Muriel06 que nous devons faire 50% + 1 voix pour gagner la prédidentielle et les législatives suivantes. Le Front National n'est plus un simple parti politique mais un grand mouvement, c'est la nuance que vous ne semblez pas vouloir voir ou accepter. Depuis plus de 25 ans que je suis au FN, nous avons toujours eu des "transfuges". Vous et moi Muriel06, sommes nous aussi des transfuges car nous venons bien d'une autre formation politique ! Pourquoi refuser aux autres ce que nous fûmes à un moment T ?
    Serrons les rangs derrière Marine Le Pen, ma Présidente de la République une et indivisible.