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« Face à l’Etat islamique, ne cédons pas à la confusion des esprits », par Gilles van Kote

Editorial. Les agressions de Joué-lès-Tours, Dijon et Nantes sont des événements bien distincts , qui n’ont rien à voir avec les tueries perpétrées par Mohamed Merah ou Mehdi Nemmouche.

Publié le 24 décembre 2014 à 01h04, modifié le 19 août 2019 à 13h57 Temps de Lecture 3 min.

Des patrouilles sur le marché de Noël de Nantes, le 23 décembre.

Les événements survenus ces derniers jours à Joué-lès-Tours, Dijon et Nantes suscitent l’inquiétude, ce qui est normal, mais aussi des amalgames regrettables. Islamistes et musulmans, terroristes et déséquilibrés, djihadistes : tous les mêmes ? Bien évidemment non.

Doit-on qualifier de terroriste l’homme qui a fauché treize passants à Dijon sous prétexte qu’il l’a fait au cri d’« Allahou akbar ! » (« Dieu est grand ! »), alors qu’il est un habitué des consultations psychiatriques depuis près de quinze ans ? Dispose-t-on d’éléments permettant de penser que l’automobiliste qui a foncé dans la foule du marché de Noël de Nantes – un homme de 37 ans placé sous curatelle – a voulu s’attaquer à un symbole, d’ailleurs tout relatif, de l’Occident chrétien ?

D’après les informations délivrées de sources judiciaires, aucun des deux agresseurs n’a été en mesure de tenir un discours articulé pour expliquer ses actes, aucun n’appartenait à une mouvance islamiste radicale, aucun ne correspondait avec des réseaux djihadistes.

Le cas de Bertrand Nzohabonayo, abattu après s’en être pris délibérément à des représentants de l’Etat, est de nature différente. Mais le caractère apparemment improvisé de l’insupportable agression qu’il a commise dans l’enceinte du commissariat de Joué-lès-Tours le distingue d’un Mohamed Merah ou d’un Mehdi Nemmouche, les auteurs des tueries de Toulouse, Montauban et Bruxelles, en 2012 et 2014. Pour ceux-ci, le passage à l’acte avait constitué l’aboutissement méticuleusement préparé d’une radicalisation établie.

Il ne s’agit pas de minimiser ces actes ni la réalité de la menace terroriste que l’Etat islamique (EI) fait planer sur la France, ne serait-ce qu’à travers des vidéos comme celle appelant à s’en prendre à ses ressortissants, mise en ligne vendredi 19 décembre, à la veille de la première de ces agressions. Cette menace est réelle, et sans doute plus forte que jamais, avec le départ pour la Syrie de 700 djihadistes et le retour en France de près de 200 d’entre eux.

Il s’agit bien de ne pas céder à la peur et à la psychose collective. De ne pas confondre malades mentaux et fous de Dieu. Tenants d’un islam rigoriste et terroristes. De ne pas voir derrière chaque geste d’un déséquilibré l’ombre de l’Etat islamique. Car ce serait concéder à ce dernier une terrible victoire dans la guerre des esprits qu’il mène contre les pays de la coalition qui s’est constituée pour stopper sa progression. Ce serait faire nôtre la notion de l’ennemi intérieur, constitutive depuis un siècle de la pensée d’extrême droite, ce serait dresser les uns contre les autres, ce serait se perdre en croyant se sauver.

Le premier objectif de l’Etat islamique est d’établir un califat en Syrie et en Irak, ce qu’il tente actuellement de faire en s’en prenant aux minorités chrétienne et yézidi, mais également au prix – il est important de le rappeler – de la vie de milliers de musulmans dont il ne partage pas les conceptions. Devant ce déferlement de haine et de violence, l’inaction serait une défaite morale. Mais le combat n’est pas seulement militaire. Face aux pays de la coalition, l’EI recourt à des techniques modernes de déstabilisation au moins aussi efficaces que celles utilisées par Al-Qaida par le passé.

La maîtrise des outils de communication, l’utilisation des réseaux sociaux ou la mise en scène de vidéos glorifiant la figure du combattant, entre autres, font pénétrer au cœur de notre société un imaginaire morbide et violent, qui n’est pas sans analogie avec l’univers de certains jeux vidéo. Cet imaginaire peut provoquer la fascination chez des individus déboussolés, aux repères brouillés et à la recherche d’un cadre dans lequel se construire une image de soi valorisante, qu’ils croient trouver dans une caricature d’islam.

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Cette fuite en avant de quelques-uns et l’écho qu’elle trouve chez des milliers de jeunes gens auxquels notre société n’offre pas d’espoir de s’accomplir réellement doivent nous conduire à nous interroger sur notre difficulté à relever le défi de l’intégration, mais surtout sur les valeurs en la force desquelles nous croyons toujours aujourd’hui et que nous voulons transmettre aux générations futures.

Ce n’est pas en reniant ces valeurs que nous trouverons une réponse, ni en cédant à la peur de l’autre, au repli sur soi, ce qui aboutirait à un effondrement et à la victoire de l’intolérance et de l’ignorance. C’est en assumant ce qui fonde notre société, de la reconnaissance de l’altérité à la défense de la laïcité – mais en ayant le courage de questionner et de revisiter ces valeurs –, qu’il sera possible d’emporter la bataille des esprits et de ne pas laisser le champ libre à des groupes terroristes comme l’Etat islamique.

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