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Mesure de la croissance : le PIB ne suffit plus

Le produit intérieur brut ne suffit plus à estimer la croissance et le bien-être d’un pays. Le Royaume-Uni, l’Australie ou l’Allemagne, entre autres, travaillent à de nouveaux indicateurs de prospérité. La France doit à son tour les prendre en compte.

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Les indicateurs complémentaires quittent aujourd’hui les annexes des rapports et les séminaires de statisticiens pour commencer à irriguer et à transformer la vie politique de nombreux pays.

Par Lucas Chancel (Chercheur Croissance et Prospérité à l'IDDRI), Damien Demailly (Coordinateur du programme nouvelle prospérité à l'Iddri)

Publié le 29 déc. 2014 à 16:14

Pionnière en matière de réflexion sur les indicateurs complémentaires au PIB avec la commission Stiglitz à partir de 2008, la France prend du retard par rapport à d’autres pays en ce qui concerne leur adoption officielle au plus haut niveau de l’Etat et leur utilisation effective.

La France compte, certes, de nombreuses initiatives régionales en matière de nouveaux indicateurs de bien-être, et l’Insee publie chaque année des indicateurs de développement durable, mais ces indicateurs sont cachés dans les annexes d’un rapport technique de plusieurs centaines de pages, de telle sorte qu’il passe inaperçu du grand public et des responsables politiques. Au-delà de la production de nouveaux indicateurs, il s’agit de les faire vivre dans le débat politique. Tel est l’objet d’un projet de loi déposé à l’automne dernier à l’Assemblée nationale, qui doit être débattu à partir du mois de janvier.

Plusieurs pays ont commencé à le faire. En Australie, où des indicateurs ont été mis en place dès le début des années 2000 sur quatre dimensions (société, économie, environnement et gouvernance), les dirigeants politiques sont régulièrement interpellés par les médias pour les commenter. Au Royaume-Uni, David Cameron a fait du développement de nouveaux indicateurs l’un des axes phares de son programme politique. Le tableau de bord britannique, qui accorde une importance particulière au bien-être subjectif, comme par exemple l’état d’anxiété des individus, est piloté depuis le cabinet du Premier ministre. La Wallonie a déjà adopté cinq indicateurs qui comptent notamment l’empreinte écologique et un indice de santé sociale, et il est prévu que ceux-ci fassent l’objet d’un débat au Parlement chaque année. En Allemagne, le Bundestag suit la même voie : ce dernier a planché sur des indicateurs et des seuils d’alertes économiques, sociaux et environnementaux.

En bref, les indicateurs complémentaires quittent aujourd’hui les annexes des rapports et les séminaires de statisticiens pour commencer à irriguer et à transformer la vie politique de nombreux pays. Notons également que les indicateurs complémentaires sont soutenus à droite et à gauche de l’échiquier politique. Même si tous ne prônent pas les mêmes types d’indicateurs : ceux portés par le gouvernement de la gauche-écologiste wallone ne sont pas les mêmes que ceux privilégiés par la droite britannique.

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En proposant de débattre chaque année, au Parlement, de l’évolution d’indicateurs sur l’environnement, les inégalités et la santé sociale, la proposition de loi qui a été déposée en France pourrait remettre notre pays à la pointe des nouvelles mesures du progrès. Mais serait-il judicieux de changer de boussole au milieu de la tempête ? Si le gouvernement s’engageait officiellement à compléter l’indicateur PIB, pourrait-on l’accuser de vouloir détourner l’attention de ses difficultés en matière de politique macroéconomique ?

Tout d’abord, force est de constater que le PIB n’a pas permis de prévoir la crise que nous traversons. Pour cela, il aurait fallu prendre en compte l’évolution de l’endettement et des patrimoines des ménages américains ou espagnols. D’autres indicateurs comme l’évolution des inégalités ou la dépendance des pays développés aux énergies fossiles auraient mis en lumière des déséquilibres profonds, qui ont généré ou amplifié la crise actuelle.

Surtout, de nouveaux indicateurs permettraient de mettre en débat des stratégies de sortie de crise qui prennent en compte une pluralité d’objectifs, en plus de celui d’une reprise de l’activité économique et de l’emploi. Cette pluralité d’indicateurs est indispensable alors qu’il n’y a pas une mais des crises, qui se traduisent sous forme de souffrance au travail, de précarité ou de qualité de vie amoindrie. De nouveaux indicateurs sont aussi nécessaires pour révéler les arbitrages et éviter qu’on ne sacrifie au nom de la croissance – volontairement ou non – nos ambitions environnementales et sociales.

Pour ces raisons, les indicateurs complémentaires au PIB font leur chemin, et s’inscrivent progressivement dans le débat politique. Ce n’est qu’avec le recul que l’on pourra en apprécier l’importance réelle. Le PIB – développé, d’ailleurs, en temps de crise – a lui-même mis plusieurs décennies à s’imposer comme indicateur phare.

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