Nikos, penché sur le tronc de l’arbre, saigne l’écorce d’un geste vif. A 40 ans, ce professeur en lycée technique réapprend, avec l’aide des aînés de son village de Komi, sur l’île grecque de Chios, à récolter le précieux mastiha (ou mastic), une substance aromatique et résineuse utilisée dans l’industrie pharmaceutique, alimentaire ou cosmétique. « Il s’agit d’une tradition de famille, et d’une source complémentaire de revenus », explique-t-il.
Alors qu’en Grèce, le tourisme de masse s’est bien souvent substitué aux cultures et aux productions locales au nom du développement économique, l’île de Chios, située en mer Egée, juste en face de la ville turque d’Izmir, a su maintenir un développement durable grâce, notamment, à la culture du mastiha. Une tradition qui vient d’être inscrite sur la liste du Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.
« La culture traditionnelle du mastiha constitue un exemple exceptionnel de croissance viable qui perdure au fil des années », a décidé, fin novembre, le comité de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. « C’est une grande victoire et la reconnaissance de nos efforts de ces dernières décennies pour préserver à la fois notre savoir-faire et notre environnement, alors que cette industrie est la deuxième source de revenus de notre île après la marine marchande », se félicite Efthimis Moniarchos, le président de l’Association des cultivateurs de mastiha de Chios (APMC).
« Notre région est le seul endroit au monde où le tronc et les branches du lentisque pleurent », poursuit M. Moniarchos. Le mastiha suinte, sous forme de larme gluante et transparente, du tronc de cet arbre de la famille des Anacardiaceæ. Cet arbuste de deux à trois mètres de hauteur, qui peut vivre cent ans, commence à produire du mastic dès sa cinquième année. Le produit solidifié est récolté et nettoyé par les producteurs, en famille. En décembre, les hommes s’occupent de la fertilisation naturelle et de l’élagage des arbustes, et préparent la terre autour des lentisques, avant l’incision. Les femmes procèdent à la récolte, au nettoyage et à la sélection des « larmes », de juillet à octobre.
« En 2013, nous avons produit 147 tonnes, à raison d’environ 150 g par arbre, indique M. Moniarchos. Nous sommes vigilants sur les quantités que nous extrayons, car une bonne gestion permet une exploitation plus longue et permet des revenus au sein d’une même famille sur plusieurs générations. »
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