On les croyait enterrés par les échecs thérapeutiques et les scandales. Les voilà de retour. Vendredi 19 décembre, l’Agence européenne du médicament (EMA) a donné son feu vert à la commercialisation d’un nouveau médicament anti-obésité. Baptisé Mysimba, il est fabriqué par Orexigen Therapeutics, une « biotech » basée à La Jolla, près de San Diego, en Californie. Il s’agit de l’unique médicament de cette start-up, dont la capitalisation boursière dépasse déjà 700 millions de dollars (572,4 millions d’euros).
Le Mysimba est une combinaison de deux principes actifs, le naltrexone, utilisé pour traiter la dépendance à l’alcool et aux opiacés, et le bupropion, prescrit comme antidépresseur et pour arrêter de fumer. Après plusieurs années d’hésitations liées à la crainte d’éventuels risques cardiaques, l’agence américaine du médicament, la FDA, a finalement approuvé le médicament en septembre.
Des incertitudes subsistent en ce qui concerne les résultats cardio-vasculaires
Dans son communiqué, l’Agence européenne précise que le Mysimba ne sera disponible que sur prescription et qu’il est réservé à des adultes obèses ou en surpoids dès lors qu’ils ont un ou plusieurs autres facteurs de risques comme de l’hypertension ou un taux élevé de cholestérol. L’agence reconnaît que « des incertitudes subsistent en ce qui concerne les résultats cardio-vasculaires à long terme ». En conséquence, les patients mis sous Mysimba par leur médecin devront être revus au bout de seize semaines et le traitement arrêté dans le cas où ils n’auraient pas perdu au moins 5 % de leur poids initial.
En 2012, l’EMA avait rejeté la demande d’autorisation d’un autre médicament anti-obésité, le Qsiva, du laboratoire américain Vivus, en raison de ses effets cardio-vasculaires à long terme. Un seul traitement médicamenteux anti-obésité est autorisé en France, le Xenical, produit par le laboratoire Roche. A base d’orlistat, une substance qui limite l’absorption des graisses, il ne peut être délivré que sur ordonnance.
« Une recommandation inacceptable »
La commercialisation d’Alli, une autre spécialité à base d’orlistat, vendue sans ordonnance en France à partir de 2009, a, en revanche, été discrètement arrêtée par son fabriquant, le laboratoire britannique GlaxoSmithKline (GSK), en 2012. Selon les données de Celtipharm, ce médicament avait bénéficié d’un bref engouement au moment de son lancement, avec plus de 186 000 boîtes vendues en mai 2009, puis ses ventes avaient constamment décliné. En trois ans, un peu de moins de 900 000 boîtes ont été écoulées. Le Xenical suit le même chemin : il s’en vendait 220 000 boîtes par mois en 2008 et moins de 50 000 par mois cinq ans plus tard.
L’échec le plus retentissant reste celui de l’Acomplia. Ce médicament lancé par Sanofi en 2006, et dont les ventes devaient se chiffrer en milliards, a finalement été retiré du marché dès 2008, à la demande de l’EMA. Les données examinées par l’agence révélaient que l’Acomplia doublait les risques de voir apparaître des troubles dépressifs par rapport à un placebo. Des effets secondaires certainement liés à son action sur le cerveau, au niveau des récepteurs cannabinoïdes, étaient craints.
La revue indépendante française Prescrire a réagi à l’annonce de l’Agence européenne du médicament en déplorant « une recommandation inacceptable qui doit être rejetée » portant sur un médicament contenant du bupropion, une molécule proche des amphétamines. « Les autorités de santé doivent tirer les leçons des catastrophes sanitaires passées, notamment celles portant sur des coupe-faim interdits par la suite sur le marché européen en raison d’effets indésirables graves », a souligné la revue.
Elle a notamment rappelé le scandale du Mediator (benfluorex, également une molécule dérivée de l’amphétamine), un médicament largement prescrit pour ses propriétés de coupe-faim, avant d’être retiré du marché en 2009. A l’origine de graves lésions des valves cardiaques, le Mediator pourrait être responsable à long terme de 2 100 décès, selon une expertise judiciaire.
Il en faudra davantage pour décourager les laboratoires, pour qui l’obésité est d’abord un gigantesque marché. Selon le Centers for Disease Control, l’équivalent américain de l’Institut nationale de veille sanitaire, 80 millions de personnes sont obèses aux Etats-Unis, soit près d’un tiers de la population. Le coût pour le système de santé était estimé à 147 milliards de dollars (120,2 milliards d’euros) en 2008. A l’échelle mondiale, le nombre de cas d’obésité a doublé depuis 1980, indique l’Organisation mondiale de la santé, qui comptabilise 1,4 milliard de personnes en surpoids.
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