POLITIQUE - Prendre de la hauteur quand tout le monde vous traîne dans la boue, la tactique est vieille comme le monde. Fonctionnera-t-elle en 2015? Au terme d'une année 2014 catastrophique sur tous les plans (économique, politique, et personnel), François Hollande est apparu plus déterminé que jamais pour ses troisièmes voeux adressés aux Français à l'aube d'une année 2015 pourtant tout aussi périlleuse que la précédente.
Renouant avec le décor fastueux de son bureau de l'Elysée, symbole d'un président concentré sur sa tâche, le chef de l'Etat s'est adressé à la nation pendant un peu moins de dix minutes ce mercredi 31 décembre 2014. Le visage ferme, le ton volontaire et le verbe rapide, François Hollande a visiblement cherché à faire mentir ses détracteurs en affichant sa confiance dans l'avenir, malgré les immenses difficultés que rencontre l'exécutif depuis deux ans.
Pas d'annonce majeure, contrairement à l'an dernier où il avait esquissé les contours du pacte de responsabilité. Mais en revanche un message politique, celui de la confiance, décliné à toutes les sauces et sous tous les refrains, et ce dès le début de cette allocution présidentielle. "C'est un message de confiance et de volonté que je vous adresse ce soir. Je veux en finir avec le dénigrement et le découragement", a-t-il prévenu d'emblée, s'érigeant comme le principal rempart "contre les conversatismes et les populismes" qui menacent la société française.
"La France n'est pas une nostalgie, elle est une espérance", a-t-il embrayé, dans une allusion voilée au polémiste Eric Zemmour et à son livre "Le suicide français", porté aux nues par Nicolas Sarkozy et surtout Marine Le Pen qui avaient diffusé dans la journée leurs propres voeux aux Français.
Des échecs esquivés, des réussites espérées
Dans cette bataille politique à trois qui se profile pour 2017, François Hollande a donc bien l'intention de jouer sa propre partition et ce malgré les maigres résultats obtenus sur le front du chômage. Souvenez-vous: en 2012, François Hollande en avait sa grande bataille, à remporter "coûte que coûte"; en 2013, l'emploi était même devenu son "seul objectif". On connait la suite.
Chômage: les engagements, c'était avantpar LeHuffPost
A défaut de pouvoir afficher des résultats tangibles à des Français au bord de la névrose, le président de la République a vanté sa "persévérance" et sa "constance" dans l'adversité. Manière de promettre des lendemains qui chantent pour faire oublier les couacs d'hier. Parmi ses réussites revendiquées, le président a cité la réforme territoriale, "mille fois abandonnée et votée en moins de six mois", tout comme le compte pénibilité, mesure sociale qu'il promet de rendre "la plus simple possible" pour les entreprises.
Si l'année 2014 a été "rude et jalonnée d'épreuves de toute sorte", allusion à ses démêlés personnels après l'affaire Gayet-Trierweiler, le président mise plus que jamais sur son virage social-libéral pour transformer l'essai du pacte de responsabilité en 2015. Seuls deux ministres ont eu l'honneur d'être cités et tous deux incarnent cette inflexion politique qui divise la majorité: Manuel Valls et Emmanuel Macron. Le jeune ministre de l'Economie, qui défendra dans quelques semaines la loi qui porte son nom, doit justement donner "un coup de jeune" à la gauche pour démontrer que, oui, "la France est capable de se réformer".
Des raisons d'y croire... et de s'inquiéter
Ce "come back" de François Hollande dans le jeu politique a-t-il des chances de réussir? Contrairement à ses voeux de l'an dernier, le président de la République entame cette nouvelle année sous de moins mauvais augures. Certes, le chômage a encore bondi en novembre et cette tendance haussière ne devrait pas se démentir en 2015.
Mais l'effet conjugué des libéralisations sectorielles de la loi Macron et du pacte de responsabilité, associés à une chute bienvenue du prix du pétrole (excellente nouvelle pour la balance commerciale et la compétitivité des entreprises) pourraient limiter la casse. D'un point de vue plus politique, François Hollande commence tout juste à recueillir les fruits de son tandem avec Manuel Valls. Désormais, la répartition des rôles est claire: au premier ministre de réformer dans l'impopularité, au président d'incarner la ligne de la justice sociale. D'où le très léger frémissement à la hausse de la cote de popularité du chef de l'Etat, qui a encore longuement insisté ce mercredi sur la priorité accordée à la jeunesse et aux Français peu aisés, avec la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu.
Pour autant, ce scénario idyllique demeure plus que fragile. La majorité est aujourd'hui au comble de sa fébrilité et ne manquera pas d'occasions d'imploser en 2015. Les départementales de mars, le congrès du PS de juin et les régionales de décembre s'annoncent comme autant de rendez-vous mortifères pour la gauche gouvernementale.
La faible croissance espérée pour les douze mois prochains n'est pas à l'abri non plus de chocs extérieurs, comme un embrasement du conflit avec la Russie de Vladimir Poutine et surtout le tremblement de terre que constituerait l'arrivée au pouvoir de la gauche radicale Siriza en Grèce. Une rupture d'Athènes avec ses créanciers ne manquerait pas de réveiller la crise des dettes souveraines alors même que la note de la France est régulièrement dégradée par les agences de notation.
Esquivant ces périls qu'il n'a même pas abordés, François Hollande veut voir plus loin en faisant de la Conférence climat, qui se tiendra en décembre prochain à Paris, l'objectif suprême de l'année qui s'annonce. "Une magnifique opportunité" d'"entraîner le monde pour qu'il puisse adopter une déclaration pour les droits de l'humanité pour préserver la planète", a-t-il vanté non sans lyrisme à la toute fin de son allocution.
Pari audacieux tant ces grands rendez-vous mondiaux accouchent généralement d'une souris. Mais en s'emparant à bras le corps de cette grande cause environnementale, François Hollande peut espérer se réconcilier avec les écologistes et incarner, à domicile et aux yeux du monde, une espérance qui dépasse les frontières nationales.