Economie

Sans fleurs ni couronnes, la France enterre sa taxe sur les super riches

L'acteur Gérard Depardieu, au festival de Cannes, le 20 mai 2010

© Loic Venance

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Par AFP

Promise par François Hollande dans un meeting de campagne en 2012, édulcorée après son élection, cette "contribution exceptionnelle de solidarité" vit ses ultimes semaines: les entreprises qui la paient ont jusqu'au 1er février pour verser leur dernier écot.

La disparition de ce prélèvement controversé était programmée de longue date. Il était prévu dès le départ pour viser les rémunérations des seules années 2013 et 2014, et ne figurait plus dans le budget 2015 avalisé en décembre par le Parlement.

Le Premier ministre, Manuel Valls, avait lui-même annoncé dès octobre lors d'un déplacement à Londres que cet impôt, dont l'instauration avait fait grand bruit en France et à l'étranger, ne serait pas prolongé.

Cette confirmation, dans la capitale britannique où M. Valls était venu vanter sa politique "pro-business", revêtait un caractère symbolique: avant même de se concrétiser, la taxe avait suscité des tensions diplomatiques entre la France et la Grande-Bretagne.

A l'occasion d'un sommet du G20 au Mexique en juin 2012, le Premier ministre conservateur britannique, David Cameron, volontiers provocateur, s'était dit prêt à "dérouler le tapis rouge" aux entreprises françaises visées par le projet, au grand agacement de François Hollande alors au pouvoir depuis un mois et demi.

Dans une France à la fiscalité parmi les plus élevées d'Europe, aucun impôt n'a fait couler autant d'encre depuis les années 80 et l'instauration par un autre président socialiste, François Mitterrand, de l'impôt sur la fortune, jamais remis en cause depuis.

Lancée en février 2012 à la surprise générale, le coup politique de la taxe à 75% avait permis à François Hollande de doper sa campagne présidentielle, alors menacée par une montée en puissance de Jean-Luc Mélenchon, candidat de la gauche radicale.

Maintenue après sa victoire, la promesse avait suscité dans les mois suivant son accession à l'Elysée un tir de barrage des milieux d'affaires.

'Cuba sans le soleil'

La polémique s'était enflammée à l'automne 2012 après l'annonce que le milliardaire Bernard Arnault, première fortune de France et patron du numéro un mondial du luxe LVMH, avait "sollicité la double nationalité franco-belge".

En décembre, l'acteur Gérard Depardieu, l'un des artistes français les plus connus dans le monde, claquait la porte en accusant le fisc français de lui prélever 85% de ses revenus et en sollicitant la nationalité russe.

Retoquée fin 2012 par le Conseil constitutionnel, qui avait pointé la menace d'un prélèvement "confiscatoire", la taxe a finalement été validée en décembre 2013 dans une version remaniée, payée par les entreprises sur la part des revenus de leurs salariés excédant le million d'euros, avec un plafond fixé à 5% du chiffre d'affaires.

Parmi ses plus féroces adversaires, les clubs de football professionnel de Ligue 1 et 2 ont bataillé contre elle jusqu'au bout, brandissant même à l'automne 2013 la menace d'une grève des matches.

L'initiative avait tourné court, faute de rallier la sympathie du public pour la cause des stars multi-millionnaires de grosses formations comme le Paris Saint-Germain, dont une dizaine de joueurs étaient concernés par le prélèvement.

Selon les projections du gouvernement, la "taxe à 75%" aura rapporté en deux années d'existence un peu plus de 400 millions d'euros, un montant quasi anecdotique au regard des milliards du déficit de la France.

Sa non-prolongation coïncide avec le tournant réformiste pris l'an dernier par François Hollande, avec une politique axée sur l'allègement des charges des entreprises pour relancer l'investissement et l'emploi dans un pays confronté à un chômage record.

Ironie de l'histoire, le symbole de ce virage, Emmanuel Macron, ancien proche conseiller du président promu fin août ministre de l'Economie, avait lui-même brocardé en 2012 la taxe à 75% en affirmant qu'elle relevait de "Cuba sans le soleil".

AFP

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