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Climat, la cote d'alerte est dépassée

Sur l’eau, l’air, la faune et la flore, le réchauffement climatique aura des conséquences incalculables. La conférence de Paris, à partir du 30 novembre 2015, peut-elle encore inverser la tendance?

Juliette Demey , Mis à jour le
Inondations à Montpellier (Hérault), fin novembre. La hausse de la température pourrait amplifier ces phénomènes. (Photo: Franck Lodi/Sipa)
Inondations à Montpellier (Hérault), fin novembre. La hausse de la température pourrait amplifier ces phénomènes. (Photo: Franck Lodi/Sipa) © Franck Lodi/Sipa

Deux petits degrés. C'est la limite à ne pas dépasser d'ici à 2050. Car au-delà d'une hausse de 2°C de la température globale par rapport à celle de l'ère préindustrielle, le système climatique s'emballerait… Or notre crédit est déjà bien entamé. La planète s'est réchauffée de 0,85°C entre 1880 et 2012, selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Ces trois dernières décennies ont été les plus chaudes depuis 1850. Et 2014 a battu des records : la température de l'air à la surface du globe a été en moyenne supérieure de 0,57°C à celle de la période de référence (1961-1990). C'est l'une des trois années les plus chaudes en France depuis 1900. Paris n'a connu que deux jours de gel, contre 25 en moyenne. Selon les différents scénarios modélisés par le Giec, le thermomètre pourrait grimper de 0,3°C à 4,8°C au cours du siècle. Une hausse de 1°C entraînerait déjà des risques "considérables".

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Gaz à effet de serre : record depuis 800.000 ans

L'activité humaine est la principale cause du réchauffement, affirment les experts. L'un de nos rares leviers d'action, outre la protection de la couche d'ozone, consiste à réduire massivement les concentrations de gaz à effet de serre. Du CO2, mais aussi du méthane et du protoxyde d'azote, issus des énergies fossiles et de l'industrie. Pour limiter la hausse de la température à 2°C, il faudrait abaisser leurs émissions de 40% à 70% entre 2010 et 2050, et les éliminer d'ici à 2100. Or les concentrations n'ont jamais été aussi élevées depuis 800.000 ans! Les plus gros émetteurs sont la Chine (27%), les États-Unis (14%), l'Union européenne (9,6%), l'Inde et la Russie. Un accord signé en novembre prévoit pour les Américains une baisse de 42% d'ici à 2030 (par rapport au niveau de 2005), et un "plafonnement" en 2030 pour les Chinois. L'Europe s'est fixé pour cette date une réduction de 40% par rapport au niveau de 1990.

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Océans : plus hauts et plus acides

Le niveau moyen des océans a monté de 19 cm entre 1901 et 2010. Il devrait encore s'élever de 26 cm à 82 cm d'ici à 2100. La fonte de la calotte glaciaire pourrait même entraîner une hausse de 6 à 7 m à partir du XXIIe siècle. Dans tous les cas, des millions d'habitants vivant sur des terres peu émergées seraient contraints à l'exil. "Nous sommes tous dans la même pirogue!", a alerté en novembre le président des îles Kiribati, Anote Tong. S'ajoutent deux constats aggravants. La température à la surface des océans a grimpé de 0,11°C par décennie depuis 1971 ; et l'acidité de leurs eaux, qui absorbent des émissions de dioxyde de carbone, a bondi de 30% depuis la révolution industrielle. Cette acidité devrait tripler d'ici à la fin du siècle. L'impact sera multiple : modification de la répartition des espèces (plancton, poissons, mammifères), migrations, menace pour leur survie… et celle des hommes.

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Fonte des glaciers : plus rapide que prévu

La fonte des glaciers du Groenland et la contribution de l'Arctique à la montée des océans (à hauteur de 22 cm d'ici à 2100) ont été très sous-estimées, alertent deux études publiées mi-décembre. L'une, dans Nature Climate Change, s'est penchée sur les lacs supraglaciaires, ces poches d'eau formées à l'intérieur des glaciers. Jusqu'ici peu pris en compte, leur superficie va doubler d'ici à 2060. Or en s'infiltrant dans les glaciers, ils accélèrent leur glissement vers les océans. L'autre, publiée dans PNAS, a analysé 100.000 points de différentes altitudes sur l'ensemble des glaciers du Groenland entre 1993 et 2012. Elle livre une image bien plus complète que les projections habituelles, basées sur quatre grands glaciers (Jakobshavn, Helheim, Kangerlussuaq et Petermann). Conclusion, les glaciers du Groenland ont fondu de 243 milliards de tonnes par an entre 2003 et 2009, et fait monter le niveau des océans de 0,68 mm par an! Selon le scénario "noir" du Giec, le volume global des glaciers (hors Antarctique) pourrait baisser de 35 à 85%.

Météo : multiplication des extrêmes

La hausse de la température, en générant plus de vapeur d'eau dans l'atmosphère, va amplifier les phénomènes météo actuels. Pluies torrentielles, inondations, grands froids, sécheresses et canicules, incendies… Les régions tropicales seront les premières touchées. Mais selon une étude parue dans Nature Climate Change, les émissions de gaz à effet de serre multiplient désormais par dix le risque d'étés extrêmement chauds en Europe. Selon les chercheurs, "d'ici aux années 2040, un été aussi chaud que celui de 2003 sera très banal". Et si la tendance au réchauffement se poursuit au rythme actuel, "l'été 2003 sera considéré comme un épisode extrêmement froid d'ici à la fin du siècle". Des vagues de chaleur exceptionnelle toucheront 10% des terres de la planète dès 2020, et 20% en 2040. Ensuite? Tout dépendra de la concentration de gaz à effet de serre. Mais si la température grimpe de plus de 2°C, l'extrême pourrait devenir la nouvelle norme.

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Fin septembre, sur une plage d'Alaska, 35.000 morses se sont échoués à cause de la fonte des glaces de l'Arctique. (Reuters)

Flore : vers une crise alimentaire

En quinze ans, 270.000 km² de forêts de résineux des Rocheuses aux États-Unis ont été détruits. En cause, la hausse de la température, qui fait pulluler des insectes parasites, et un bond de la fréquence annuelle des grands feux de forêt. Si les émissions de gaz à effet de serre continuent de grimper au rythme actuel d'ici à 2060, la couverture de certains résineux (pin tordu latifolié, pin ponderosa, épicéa d'Engelmann et sapin Douglas) baisserait de 58% à 90%. Ce n'est qu'un exemple de l'impact actuel. Demain, la Banque mondiale craint des pénuries d'eau et la baisse des ressources alimentaires. Trois régions sont jugées à risque si la hausse des températures dépasse 2 °C : l'Amérique latine, le Moyen-Orient et l'Europe orientale. Au Brésil, le rendement des cultures de soja chuterait de 30 à 70%. En Amérique centrale ou en Tunisie, le rendement du blé baisserait de moitié.

Faune : des espèces menacées

La photo choque : 35.000 morses agglutinés sur une plage en Alaska, faute de banquise disponible, en septembre dernier. La surface de la mer de glace en Arctique, qui se réduit de près de 4 % par décennie, a alors atteint son point le plus bas jamais mesuré, selon l'Agence nationale océanique et atmosphérique américaine. Ailleurs, dans le Pacifique Nord, le blanchissement des coraux connaît une ampleur inédite liée aux "records de stress thermique". Sur terre, nombre d'espèces risquent de disparaître si elles ne s'adaptent pas assez vite au climat et à la modification de leur habitat. À titre d'exemple, plus de la moitié des espèces d'oiseaux d'Amérique du Nord sont ainsi menacées selon l'ONG américaine National Audubon Society.

Coût : 150 milliards de dollars par an en 2025

En 2013, 22 millions de personnes ont fui leur maison à cause d'une catastrophe naturelle. C'est trois fois plus que le nombre de déplacés à la suite d'un conflit. Or d'ici à la fin du siècle, la Terre comptera 9 milliards d'habitants. Comment les protéger et financer l'adaptation planétaire aux impacts du changement climatique? Selon l'ONU, les financements publics ont atteint entre 23 et 26 milliards de dollars en 2012-2013. Et demain? La dernière estimation des Nations unies, en décembre, anticipe des coûts de 150 milliards de dollars par an en 2025-2030, puis de 250 à 500 milliards par an en 2050… si le réchauffement ne dépasse pas 2°C. À ce jour, le Fonds vert de l'ONU pour le climat a capitalisé 10 milliards de dollars pour la période 2015-2018. Les pays du Sud réclament au Nord le respect de la promesse de parvenir à 100 milliards de dollars d'aide annuelle en 2020. Ce sera l'un des enjeux majeurs de la conférence de Paris.

Source: JDD papier

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