Réalité virtuelle : retour en force au CES. Hype ou décollage ?

Par Jérôme Derozard, consultant pour France TV Editions Numériques, et entrepreneur 

Le CES qui ouvre mardi à Las Vegas sera l’occasion pour les fabricants d’électronique de démontrer leurs nouveaux produits, « wearables », TV 4K et incurvées, équipements pour la maison connectée, robots, mais aussi casques de réalité virtuelle. Ce dernier secteur a pris une toute nouvelle dimension en 2014 après le rachat de la société Oculus VR par Facebook et devrait être encore cette année l’une des stars du show.

Parmi les exposants, Sony donnera quelques nouvelles de son projet Morpheus pour PS4 qui doit être lancé cette année, tandis que Samsung pourra compter sur la Samsung Gear VR, en vente depuis le 8 décembre dernier aux Etats-Unis, et que son partenaire Oculus VR démontrera son dernier prototype Crescent Bay en attendant son premier produit grand public.

De son côté Microsoft devrait attendre le salon E3 en Juin pour annoncer son propre casque de réalité virtuelle, n’étant pas présent au CES tout comme Google et son casque de réalité virtuelle «low cost » Cardboard (dont plus de 500.000 exemplaires ont déjà été distribués depuis son lancement).

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En parallèle des grands noms de l’électronique de nombreux autres exposants présenteront leurs propres modèles de casques «low cost » (nécessitant un smartphone pour fonctionner) comme le Français Homido, tandis que d’autres proposeront une multitude d’accessoires (manettes, détecteurs de mouvement…) pour casques virtuels complets. On pourra enfin compter sur de nombreuses démonstrations de caméras vidéo à 360° permettant de créer facilement des contenus vidéos immersifs, comme le Project Beyond de Samsung, la Pixpro de Kodak, la 360 Cam du français Giroptic ou même le drone-caméra Bebop de Parrot.

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Face à cette avalanche d’annonces il convient de noter que les premiers essais du premier casque de réalité virtuelle de nouvelle génération en vente libre, le Gear VR, bien qu’encourageants, mettent en avant le manque de contenus disponibles et déplorent son caractère « asocial » qui rend difficile son utilisation au quotidien, dans le métro par exemple. Au final ce produit est encore réservé aux « early adopters » prêts à débourser près de 200$ pour l’acheter, en sus des 800$ du téléphone Galaxy Note 4, indispensable pour le faire fonctionner.

Nouveau Hype ou enfin produit grand public ?

Après tout le concept est loin d’être nouveau. Les premiers prototypes de casques sont apparus dès les années 60, les bornes d’arcade immersives dans les années 80-90 en même temps que les premiers films explorant le potentiel de la technologie, comme Tron en 1982, Le Cobaye en 1992 et bien sûr Matrix en 1999. A l’époque la réalité virtuelle n’a jamais réussi à être au niveau des attentes qu’elle générait, et les premiers produits grand public comme la Virtual Boy de Nintendo lancée en 1995 furent des échecs commerciaux. Outre le manque de contenus, les capacités matérielles limitées rendaient l’expérience peu immersive, voire provoquaient la nausée chez leurs utilisateurs du fait de résolutions et de vitesses de rafraichissement trop faibles.

Après ces premiers échecs la réalité virtuelle entama sa « traversée du désert » et il faudra attendre le début des années 2010 et la campagne Kickstarter du désormais célèbre Palmer Luckey, puis la sortie du premier Oculus Rift et le rachat de la même société Oculus VR par Facebook pour 2 milliards de dollars pour que la réalité virtuelle revienne sur le devant de la scène.

Qu’est ce qui est différent cette fois ci ? Le « hype » autours de la réalité virtuelle ne risque-t-il pas encore une fois de s’écraser sur le mur de la réalité technologique?

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3 facteurs déterminants

Tout d’abord la montée en puissance du smartphone, qui par son adoption massive a provoqué un saut technologique au niveau des processeurs, des cartes graphiques, des capteurs et des écrans. Un smartphone embarque aujourd’hui autant de puissance qu’un ordinateur d’il y a quelques années, pour un coût (financier, énergétique, volumétrique) beaucoup plus faible. La résolution des écrans mobiles est aujourd’hui similaire voir supérieure à celle d’une Télévision Full HD, les premiers écrans mobiles 4K sont déjà en cours de production. Les capteurs (de mouvement, d’accélération, d’orientation) se sont également généralisés et améliorés, avec une meilleure précision, une miniaturisation et des coûts réduits. Ces différents composants permettent aujourd’hui de créer des casques de réalité virtuelle immersifs, portables et ergonomiques comme les prototypes Oculus à coûts raisonnables. La pénétration massive des smartphones auprès des utilisateurs rend également possible des approches hybrides comme la Gear VR ou le Cardboard de Google, qui permettront au plus grand nombre d’avoir accès à la réalité virtuelle.

En parallèle un écosystème de développeurs de jeux et d’applications est apparu, familiers des possibilités offertes par les nombreux capteurs des plateformes mobiles et de concepts comme la réalité augmentée. L’avancement de moteurs 3D comme Unity 3D ou Unreal Engine rendent le développement d’applications immersives accessibles à un plus grand nombre de développeurs, hors des grands studios de développements de jeux vidéos.

Enfin la dématérialisation de l’industrie du logiciel et du divertissement avec la généralisation des boutiques d’applications, des plateformes de streaming vidéos et plus généralement de l’informatique distribuée (cloud computing), simplifie aujourd’hui la création et la distribution de de contenus compatibles VR ainsi que leur monétisation, même en présence d’une base d’équipements encore diffuse. Les fabricants des premiers appareils de réalité virtuelle l’ont bien compris en proposant leurs propres plateformes de distribution, comme le service Milk de Samsung ou la boutique Oculus Share. Dans son ensemble le marché du logiciel pour casques de réalité virtuelle devrait décoller rapidement, le cabinet KZero estime que d’ici à 2018 il représentera 4,6 milliards de dollars au niveau mondial.

Quel défi pour l’industrie des médias ?

Outre le jeu vidéo, les premières applications des casques de réalité virtuelle concernent la vidéo. Depuis la « simple » application de réalité virtuelle permettant de recréer l’expérience d’une salle de cinéma avec des vidéos 2D ou 3D, jusqu’aux retransmissions de concerts filmées à 360° de nombreuses options s’offrent aux producteurs de contenus qui souhaitent expérimenter autour du sujet en passant par des expérimentations de journaux d'informations. Pas étonnant dès lors que de nombreux films en réalité virtuelle soient annoncés au festival du film de Sundance, le rendez-vous annuel du cinéma indépendant.

VRcinema

Nous reviendrons sur ces différentes expérimentations des médias dans le domaine de la réalité virtuelle dans un prochain article. D’ici là pour recevoir une sélection régulière de tweets sur la réalité virtuelle au cours du CES : https://twitter.com/search?f=realtime&q=%23tvr%20from%3Aderozard