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François Hollande remet la pression sur la taxe Tobin

Le chef de l’Etat s’est engagé à mener à son terme projet d’une taxe sur les transactions financières. Il propose une assiette large, avec un taux faible. Un vrai changement de cap par rapport à la proposition initiale de Bercy.

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François Hollande a souhaité l’introduction d’une taxe Tobin au plus tard en 2017.

Par Marina Alcaraz

Publié le 5 janv. 2015 à 17:59

La taxe est morte, vive la taxe ! Alors que l’on aurait pu croire la taxe sur les transactions financières (TTF) enterrée, après l’échec des négociations des 11 pays européens en décembre, la date butoir qui avait été fixée, le projet renaît de ses cendres. François Hollande a indiqué, ce matin, sur France Inter, souhaiter l’introduction d’une taxe, en la dotant d’une « assiette la plus large possible ». « Mieux vaut prendre tous les produits de la finance avec un taux faible pour qu’il n’y ait pas de désorganisation des marchés et qu’en même temps il puisse y avoir cette correction et cette répartition », a expliqué le chef de l’Etat. Aucune précision n’a été donnée par ce que l’Elysée entendait par « taux faible », par rapport au texte initial de la Commission européenne.

Un vrai revirement par rapport à la position défendue ces derniers mois par Bercy, qui ne proposait de taxer les actions et qu’une petite partie des produits dérivés - les CDS (1) qui ne passent par des chambres de compensation-, laissant de côté un large pan de l’industrie financière. « C’est une volonté de reprendre le sujet sous un autre angle afin d’aboutir à quelque chose », dit-on dans l’entourage du Ministère des finances. Michel Sapin doit rencontre les ONG dans le courant du mois. Et, les discussions sur la TTF pourraient être à l’ordre du jour du prochain Ecofin du 27 janvier.

Les ONG, qui poussent à une large taxe Tobin, se frottent les mains.  « C’est une vraie inflexion qui montre que l’Elysée reprend enfin ce dossier. Michel Sapin était soumis au lobby bancaire, ne proposant qu’une taxe a minima », se félicite ainsi Alexandre Naulot, chez Oxfam.

Risque de délocalisations

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En revanche, c’est un revers pour les milieux financiers, vent debout contre la taxe et qui agitent depuis des mois le spectre des délocalisations. « L’Etat joue un jeu politique dangereux. On fait miroiter aux ONG des rentrées d’argent alors qu’il n’y aura aucune recette: toute l’activité dérivée va partir à Londres, fustige Pierre de Lauzun, délégué général de l’Amafi, représentant courtiers et banques. Chacun des pays impliqués dans les discussions sait qu’une taxe sur les dérivés sera un échec, mais personne ne veut l’admettre, d’où ces propositions irrationnelles ».

Même son de cloche du côté de la FBF (Fédération bancaire française) : « Il est évident que plus la taxe sera conçue sur une assiette large, plus elle aura un effet totalement déstructurant de la Place financière de Paris, qui joue pourtant un rôle dominant en Europe continentale. Les conséquences en termes de perte de compétitivité, d’emplois, et de financement de l’économie française seraient tout simplement désastreuses ».

« Nous avons du mal à comprendre pourquoi on revient sur le sujet d’une taxe qui va renchérir de façon significative les coûts de financement pour les entreprises, regrette de son côté Arnaud de Bresson, délégué général de Paris Europlace représentant la place parisienne. La réouverture de cette démarche limitée à 11 pays vient, en outre, en contradiction totale avec le nouvel objectif d’Union des marchés de capitaux européens. Enfin, cela risque de refroidir les ardeurs des investisseurs financiers qui commencent à s’engager dans les thématiques climat : on ne peut pas, en même temps, les taxer et leur demander de participer activement ».

Lettre de 140 députés

La déclaration de François Hollande intervient après une lettre signée par 140 députés et envoyée courant décembre au Premier ministre Manuel Valls. Ils appellent le gouvernement à respecter « l’ambition initiale du projet qui inclut toutes les transactions financières ». La première proposition de la France avait été retoquée lors de la dernière réunion des Ministres des Finances de la zone euro, en décembre, illustrant la difficulté de parvenir à un compromis en Europe.

Pour les ONG, la France aurait crispé ses partenaires en défendant un modèle préservant les intérêts des banques françaises, car le projet épargnait les dérivés sur les actions, domaine dans lequel les établissements hexagonaux sont en pointe. Michel Sapin avait ainsi répété à plusieurs reprises qu’il ne souhaitait pas que Paris soit plus pénalisé qu’une autre place. La France s’était clairement mise en avant s ur ce sujet épineux depuis plusieurs mois.

Affecté au climat

Les propos de François Hollande précisent, par ailleurs, l’affectation de ce nouvel impôt. Cette taxe « devrait être mise au service du climat, de la lutte contre le réchauffement climatique », a prôné le chef de l’Etat alors que Paris accueillera en décembre prochain la conférence sur le climat. « Beaucoup de pays émergents ne sont pas prêts à signer un accord sur le climat à la fin de l’année » car ils n’ont pas les moyens d’investir. « Il faut trouver 100 milliards de dollars pour un fonds vert. Et bien, une partie, peut-être la totalité de la taxe sur les transactions financières, devrait être mise au service de ce fonds vert », a-t-il indiqué.

Précision de taille, le chef de l’Etat souhaite que la TTF soit mise en place « en 2016, au plus tard 2017 », ce qui dans ce dernier cas de figure prolongerait d’un an le délai initialement prévu. Le dossier taxe Tobin est donc loin d’être clos.

(1) Credit Default Swap, des produits s’apparentant à un contrat d’assurance contre un défaut de l’émetteur.

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