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Tribune

Participation des citoyens : volonté politique ou enfumage médiatique ?

Le président de la République a dit vouloir réformer la participation des citoyens à la définition des grands projets. Mais la première discussion sur le sujet commence... en excluant les principaux mouvements concernés !

Le 27 novembre dernier devant la conférence environnementale, le Président de la République déclarait : « Sivens exige donc d’accomplir des progrès supplémentaires dans la participation des citoyens dans l’élaboration de la décision publique. ... Tout doit être fait pour que, sur chaque grand projet, tous les points de vue soient considérés, que toutes les alternatives soient posées, que tous les enjeux soient pris en compte, mais que l’intérêt général puisse être dégagé... J’ai demandé au gouvernement d’engager un chantier sur la démocratie participative de manière à ce que, sur les grands projets, nous puissions avoir toutes les garanties, et qu’il ne puisse plus y avoir de contestation avec des formes inacceptables de violence. ... Les parties prenantes seront entendues et le Conseil national de la transition énergétique (sic) sera associé à cette réflexion. »

Il ajoutait : « Cette transparence est la première condition de la démocratie participative. Permettre aux citoyens d’entrer dans une forme d’égalité d’arguments, ce qui ne veut pas dire que toutes les idées se valent et que les opinions sont équivalentes. Non, il y a de l’expertise, de la science ! Mais il doit y avoir aussi de la contradiction. »

Cette déclaration a été interprétée comme une volonté politique d’associer les citoyens au processus de décision et d’imposer la nécessaire transparence.

Ce mardi 6 janvier, se réunit le Conseil national de la transition écologique (CNTE) avec à l’ordre du jour une discussion « sur la démocratie participative dans le domaine de l’environnement. »

Mais où est l’étape de l’écoute des "parties prenantes" ? Les discussions s’engagent alors que les mouvements citoyens d’opposition aux projets inutiles n’ont même pas été contactés.

Pire encore, les signes envoyés par l’État n’ont rien à voir avec les propos tenus par M. Hollande. Lundi matin sur France Inter, le Président de l’écoute déclarait à propos de Notre Dame des Landes : « Quand les recours seront épuisés, le chantier sera lancé ».

En Savoie, cinq opposants ayant déployé une banderole dénonçant le "Lyon-Turin Aberrant, Inutile, Coûteux et Dangereux" se sont retrouvés au poste de gendarmerie pour deux heures avec menaces de poursuites judiciaires du procureur de la République.

Les condamnations prononcées à Nantes sont d’une sévérité exceptionnelle, pour accréditer l’idée que l’opposition est le fait de quasi terroristes, violents et voyous.

Le refus de l’expertise citoyenne

- Contre le Lyon Turin, en 2013 -

En réalité, les déclarations sur la libre expression, le droit à la contestation et à l’opposition sont contredites par le refus de rouvrir les dossiers sur le fond. Refus de l’expertise citoyenne, refus de reconnaître les conflits d’intérêts, refus de revenir sur les erreurs voire les manipulations qui ont amené à déclarer « l’utilité publique ». Le silence des autorités ne peut que mener à la désespérance et à ses expressions quelles qu’en soient les formes. Car c’est le refus du débat sur le fond qui a entraîné la nécessité de résistance sur le terrain, à Notre-Dame-des-Landes, à Sivens, à Roybon. Le mépris est une arme aussi implacable que la répression.

Nous sommes pour la transparence de la décision publique dans l’intérêt général et sans conflit d’intérêts.

Si la volonté politique exprimée par François Hollande est réelle, alors il faut rompre avec les pratiques actuelles, alors il faut que la transparence, l’indépendance et l’impartialité soient affirmées comme des règles incontournables.

-  Les conflits d’intérêts doivent être déclarés par la publication in extenso des curiculum vitae des membres des commissions.
-  Les mouvements citoyens doivent être présents à tous les niveaux de l’élaboration de la décision, et leur expertise reconnue.
-  Chaque question doit faire l’objet d’une réponse étayée,
-  Chaque dossier doit être passé au crible d’analyses poussées pour éviter a posteriori les surestimations de fréquentation ou les sous-évaluations de coûts comme l’a montré la Cour des Comptes pour les grands investissements de transports.
-  Chaque élu doit voter en ayant été pleinement éclairé, y compris sur les hypothèses économiques et financières qui fondent « l’intérêt socio-économique » d’un projet.
-  Les marchés avec des agences de communication et de lobbying, financés par l’argent public doivent être proscrits, car l’utilité publique ne se démontre pas par de la communication mais par la preuve de son intérêt social.

Ce sont de premières pistes, mais la règle est simple : le doute ne peut pas exister sur les conflits d’intérêts et sur le processus de décision. C’est là d’ailleurs, la stricte application des recommandations du ministère de la justice, de la communauté européenne et du Conseil d’Etat.

Les mouvements d’opposition doivent être reconnus comme légitimes, pas seulement dans les déclarations mais dans les faits : cela implique leur participation à la définition des objectifs, le libre accès à toutes les informations, et la confrontation honnête de leurs propositions alternatives avec les projets des maîtres d’ouvrage. A l’heure où, au nom de l’emploi et du développement, on parle surtout simplification du droit de l’environnement (y compris par ordonnance avec l’article 28 de la loi Macron) nous affirmons que les mouvements citoyens sont porteurs de véritables alternatives, créatrices d’emplois et d’intérêt général et que rien n’est possible sans eux.

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