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Après trois semaines, qui sont les médecins encore en grève ?

Médecins généralistes et spécialistes protestent contre plusieurs mesures contenues dans le projet de loi santé. Ils ont été rejoints lundi par les spécialistes de blocs opératoires.

Par  et

Publié le 23 décembre 2014 à 15h31, modifié le 06 janvier 2015 à 11h54

Temps de Lecture 7 min.

Depuis le 23 décembre et à quelques jours d'intervalle, plusieurs professions médicales ont entamé des grèves pour se faire entendre du gouvernement, dont le projet de loi santé est inscrit à l'agenda 2015. Le mouvement entre dans la troisième semaine de mobilisation. Les Décodeurs font le point sur les revendications des urgentistes, des généralistes, des spécialistes et des cliniques privées afin d'y voir plus clair.

Les généralistes

Un médecin généraliste s'entretient avec un patient

Pourquoi la grève ?

Les médecins généralistes protestent contre plusieurs mesures contenues dans le projet de loi santé, présenté par Marisol Touraine en octobre 2014 et qui sera inscrit à l'agenda du Parlement pour avril 2015.

  • La généralisation du tiers payant

Le tiers payant consiste à dispenser le patient d'avancer des honoraires à la fin d'une consultation, que ce soit la partie remboursée par la Sécurité sociale ou celle prise en charge par la mutuelle. Il est déjà accessible aux publics les plus défavorisés (bénéficiaires de la couverture maladie universelle, de la CMU-complémentaire et de l'aide médicale d'Etat).

Conformément à une promesse de campagne de François Hollande, la loi santé vise à généraliser ce mode de paiement par étapes d'ici à 2017 pour faciliter l'accès aux soins et éviter que les patients n'y renoncent pour des raisons pécuniaires.

Les médecins, opposés à 95 % à cette mesure, craignent qu'elle conduise à une « déresponsabilisation du patient » et à un « consumérisme de l'acte médical devenu banal ». En outre, ils redoutent de pâtir d'une multiplication des retards de paiement par l'Assurance-maladie et de devoir consacrer plus de temps à la paperasserie administrative.

Lire : Article réservé à nos abonnés Tiers payant généralisé : les raisons du blocage
  • La délégation de la vaccination aux pharmaciens

Médecins et infirmiers font front commun pour s'opposer à l'ouverture de la vaccination aux pharmacies. Les premiers estiment que leur présence est indispensable lors des premières vaccinations (pour la grippe, par exemple), tandis que les seconds souhaitent continuer à pouvoir assumer seuls les piqûres des patients déjà vaccinés.

A l'inverse, Marisol Touraine estime que sa réforme pourrait combattre la tendance à moins se faire vacciner observée ces dernières années chez les patients.

  • Le pouvoir accru des agences régionales de santé (ARS)

Dans le cadre du « service public territorial de santé », il est prévu d'accroître les prérogatives des ARS. Les médecins refusent de leur déléguer un trop grand pouvoir administratif qui, selon eux, renforcerait une certaine centralisation et une « étatisation » au détriment des acteurs professionnels locaux. Ils craignent qu'à terme leur liberté d'installation soit menacée.

  • La revalorisation du prix de la consultation

Enfin, les généralistes réclament au ministère de la santé une revalorisation de 23 à 25 euros du prix de la consultation.

Où en est la grève ?

Grève en cours

Les généralistes grévistes ont fermé leur cabinet du 23 au 30 décembre. MG France, syndicat majoritaire, a appelé à une nouvelle mobilisation mardi 6 janvier et sans doute le 21. Le Syndicat des médecins libéraux a lui appelé à une nouvelle fermeture des cabinets lundi et mardi.

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En attendant, les principaux syndicats appellent en outre à une grève administrative, visant notamment à remplacer une partie des télétransmissions de feuilles de soin (via la carte Vitale) par un retour au papier, afin d'engorger les services de l'Assurance maladie.

Marisol Touraine a promis aux médecins de discuter du tiers payant « à la rentrée ». Elle doit recevoir le 12 janvier des représentants de généralistes. La ministre a toutefois prévenu qu'il n'était pas question de revenir sur la légitimité de ce moyen de paiement, largement approuvé par les Français, mais seulement de discuter des modalités de sa généralisation, pour « garantir bien sûr que les paiements interviendront rapidement et simplement ».

La ministre ne semble pas non plus prête à augmenter le tarif de la consultation, contraintes financières obligent – la Sécurité sociale aurait 2 euros de plus à prendre en charge.

SOS-Médecins

Un centre médical du réseau SOS-Médecins à Lille, le lundi 29 décembre. Les médecins ont été appelés à cesser toute activités du lundi 29 décembre 8 heures jusqu'au mercredi 31 à 8 heures.

Pourquoi la grève ?

Les membres de l'association SOS-Médecins sont opposés aux pouvoirs accrus qui doivent être accordés aux directeurs des agences régionales de santé et protestent contre un projet en test, à Lille et à Roubaix, de les retirer des dispositifs des gardes de nuit entre minuit et 8 heures, orientant de fait les malades vers les urgences.

« Cette politique locale va contribuer à engorger encore plus les urgences pour n'importe quoi, et tout ça à des coûts exorbitants », déplore Dominique Ringard, président de l'association. « Qu'on nous laisse travailler H 24 comme on le fait depuis quarante-huit ans maintenant », plaide-t-il.

SOS-Médecins veut aussi conserver son numéro de téléphone, alors que « la loi projette de faire réguler SOS-Médecins par le 15, comme les autres services d'urgences », dénonce l'association.

Et comme les médecins libéraux, l'association est également opposée à la généralisation du tiers payant.

Où en est la grève ?

Grève suspendue

Le millier de médecins des associations du réseau ont été invités à cesser toute activité du 29 au 31 décembre. Toutefois, les 64 structures ont été réquisitionnées pour faire face au risque de pénurie et à l'afflux de patients aux urgences, note le docteur Ringard, selon qui « les urgences sont, malgré ce que dit la ministre Marisol Touraine, hyper débordées ».

Le Dr Serge Smadja, secrétaire général du réseau, a annoncé au Monde lundi que le mouvement allait être relancé et « durci dans les jours qui viennent ».

Les spécialistes

Un observatoire dénonce des dépassements illégaux et une tendance à privilégier les actes les plus rentables

Pourquoi la grève ?

A peu près pour les mêmes raisons que les généralistes : tiers payant ou encore « organisation bureaucratique de la médecine de ville ».

Où en est la grève ?

Grève en cours

Les médecins spécialistes ont emboîté le pas aux généralistes le 24 décembre, jusqu'au 31 décembre, à l'appel de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Selon un communiqué du syndicat, la participation a dépassé 80 %, tant en métropole que dans les DOM.

Le mouvement se poursuit via la grève administrative et le refus de la carte Vitale. Le syndicat n'exclut pas non plus des « actions coups de poing spectaculaires  en direction des ARS et de caisses ».

Par ailleurs, le BLOC, syndicat de chirurgiens, anésthésistes et obstétriciens, a annoncé faire grève à partir du 5 janvier. Les spécialistes de blocs opératoires, praticiens du secteur libéral qui refusent d'être exclus du service hospitalier public, reconduisent leur mouvement mardi 6 janvier.

Les cliniques privées

La Clinique du Parc, à Castelnau-le-Lez (Hérault).

Pourquoi la grève ?

La Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) réclame tout bonnement le retrait du projet de loi santé, qui condamne selon elle le secteur privé. Les cliniques redoutent d'être exclues du futur service public hospitalier défini dans la loi, notamment des urgences.

La réorganisation, qui donne plus de pouvoirs aux ARS, se fera sur « des critères arbitraires qui excluent d'emblée les cliniques » et les privera « du financement des missions de service public », craint la FHP. Selon elle, les agences régionales de santé pourraient ainsi retirer aux établissements privés l'autorisation d'activités de soins ou fermer un service d'urgence pour favoriser des hôpitaux publics en manque de patients.

En réalité, le projet de loi santé prévoit que pour bénéficier de l'étiquette « service public hospitalier » (et des financements afférents), les établissements privés devront se soumettre à certaines obligations :

  • assurer les quatorze missions de service public (urgences, soins palliatifs, recherche, permanence des soins…), et plus seulement certaines d'entre elles, à la carte, comme c'est le cas actuellement ;
  • proposer ces missions de service public au tarif de la Sécurité sociale, c'est-à-dire sans dépassements d'honoraires.

Où en est la grève ?

Grève avortée

Le « mouvement illimité de cessation d'activité » de la FHP, qui regroupe onze cents cliniques, devait débuter le 5 janvier et être maintenu « tant que le projet de loi ne sera pas retiré ».

Marisol Touraine ne semblait pas très sensible aux arguments des cliniques privées, trop gourmandes, selon elle. Elle a toutefois ouvert la voie à un compromis : les établissements privés qui proposent un service d'urgences sans dépassement d'honoraires pourraient bénéficier d'office du statut « service public hospitalier », même s'ils pratiquent ces dépassements dans leurs autres services.

Finalement, la FHP a annoncé, mardi 30 décembre, qu'elle renonçait à la grève. Selon Lamine Gharbi, président de la FHP : « Les discussions denses que nous avons menées depuis un mois et demi ont été constructives et permettent de lever nos plus vives inquiétudes. »

Les urgentistes

Les urgences de l'hôpital Cochin, dans le 14e arrondissement de Paris, le 20 février 2014.

Pourquoi la grève ?

Les médecins urgentistes se sont mis en grève le 22 décembre à l'appel de leur association nationale, l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF), pour réclamer :

  • une réduction de leur temps de travail à quarante-huit heures maximum par semaine (la limite prévue par la législation européenne) ;
  • une rémunération de leurs heures supplémentaires travaillées entre trente-neuf et quarante-huit heures.

Où en est la grève ?

Grève avortée

L'AMUF a décidé le 23 décembre d'annuler son appel à la grève, au lendemain d'un « accord historique » conclu avec Marisol Touraine. La ministre de la santé a accédé aux deux principales exigences des urgentistes sur le temps de travail, qui pourraient entrer en vigueur dès le premier semestre 2015.

Selon la Fédération hospitalière de France, hostile à la grève, ces mesures « catégorielles » représenteront un « surcoût » de 90 millions d'euros pour les hôpitaux, déjà lourdement déficitaires (environ 400 millions d'euros par an).

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