“Charlie Hebdo”, le blasphème pour religion

Menacé depuis la publication des caricatures de Mahomet en 2006, “Charlie Hebdo” était régulièrement l'objet de polémiques à cause de sa dénonciation de l'islam radical.

Par Olivier Tesquet

Publié le 07 janvier 2015 à 17h48

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h26

Cette journée tragique de mercredi 7 janvier marque un virage ultime dans la longue bataille menée contre l’islam intégriste par Charlie Hebdo. Journal « engagé, de gauche, antireligieux, surtout athé, laïque, militant parfois », comme le définissait son directeur Charb, décédé dans la fusillade.

En février 2006, Charlie Hebdo publie les douze caricatures de Mahomet parues quelques mois plus tôt dans un journal danois Jyllands-Posten. La une de ce numéro déclenche une énorme polémique : un Mahomet qui soupire « C’est dur d’être aimé par des cons ». Dessin signé Cabu, décédé lui aussi dans l'attentat. Plusieurs organisations musulmanes attaquent l’hebdo en justice, les ventes dépassent les 600 000 exemplaires, dix fois plus que d’habitude. Les journalistes de l’hebdo ne cesseront depuis de recevoir des menaces et bénéficieront de protection policière.

En 2011, après un numéro spécial intitulé « Charia Hebdo » et contenant notamment une autre caricature de Mahomet, l'hebdomadaire est la cible de cocktails Molotov. L'incendie contraint alors la rédaction à trouver refuge durant plusieurs jours dans les locaux de Libération.  

En 2012, de nouvelles caricatures de Mahomet sont publiées. Nouvelle polémique. De nombreux journaux s'interrogent, Charlie est aussi accusé d’user de cette ficelle pour relancer ses ventes, de faire  du marketing éditorial. Des membres du gouvernement prennent leur distance.

En 2013, Charlie Hebdo fait de nouveau parler de lui en grimant Christiane Taubira en guenon sous le titre : « Rassemblement bleu raciste ».  Amalgamé avec une presse d’extrême-droite qu’il critique en la singeant, l’hebdo satirique réplique. « Faire passer un journal antiraciste pour un journal raciste, ça sert à qui, à part les racistes ? », s’interroge Charb. « Banaliser le racisme ne sert pas l’antiracisme. Si tout est raciste, plus rien ne l’est vraiment… » Il cosigne même une tribune dans Le Monde avec son journaliste Fabrice Nicolino : « Charlie Hebdo a mal aux tripes et au coeur [...] Nous avons presque honte de rappeler que l’antiracisme et la passion de l’égalité entre tous les humains sont et resteront le pacte fondateur de Charlie Hebdo [...] Même si c’est moins facile qu’en 1970, nous continuerons à rire des curés, des rabbins et des imams, que cela plaise ou non. »

Quelques semaines plus tard, les rappeurs Nekfeu et Disiz La Peste se paient Charlie Hebdo dans une chanson enregistrée pour le film La Marche. Le premier « réclame un autodafé pour ces chiens de Charlie Hebdo » quand le second récidive sur son compte Instagram : « Même si vous étiez muets, je vous couperai la parole, vous voulez savoir comment je ferai. Et bien je vous couperai les mains. Fuck Minute, Fuck Charlie Hebdo ». Charb dénonce une chanson « communautaire, fasciste, écrite par des branleurs millionnaires ».

Obsédé par l’islam, Charlie Hebdo ? « Combien de pages sur l’économie en vingt-et-un ans de Charlie ? Bien plus que de pages sur l’islam, et pourtant aucun doctorant ne vient nous reprocher d’être obsédés par l’économie » répond Charb en décembre 2013 dans Libération.

Le 7 janvier 2015 : des hommes cagoulés entrent dans la rédaction avec des armes de guerre. Tirent sur le policier qui assurait la sécurité de son directeur, Charb, montent dans la rédaction et assassinent méthodiquement. Charb, Tignous, Cabu, Wolinsinki… selon les témoins, ils crient « Dieu est grand », « nous avons vengé le prophète »... Et aussi « On a tué Charlie Hebdo ».

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