La dernière interview de Cabu

Par Philippe Minard (ALP)

Heureux de fêter le 40 ans du Beauf, le dessinateur de Charlie et du Canard nous confiait il y a quelques jours ses craintes sur la radicalité des religions. Mais ne redoutait qu'une chose, ne plus pouvoir dessiner…

La dernière interview de Cabu

>Quinze dessins en hommage aux victimes

"Je ne pense pas à la fin, à tout cela… Je ne suis pas en retraite ! Si un jour je n'ai plus d'idée, j'arrêterai. Le pire du pire pour moi, ce serait de me casser un bras, de ne plus pouvoir dessiner". C'était il y a quelques jours, et c'était sa dernière interview.

"Il y a aujourd'hui une légitimité à dire des horreurs"

Célébrant avec une joie, teintée d'amertume, les 40 ans du Beauf, Cabu contemplait l'étendue du "désastre": "Le Beauf, au départ, est un patron de bar de Châlons-sur-Marne. Je me suis toujours souvenu de ce moustachu, gueulard et pas très intelligent, qui répétait tout ce qu'il entendait. Je ne pense pas qu'il y en a plus qu'avant, mais je constate qu'ils osent tout ! Il y a trente ans Le Pen faisait 1%, aujourd'hui il en fait 25. Il y a aujourd'hui une légitimité à dire des horreurs".

Marqué par la guerre d'Algérie, il en est revenu avec la détestation des militaires, et la certitude qu'on en ressent toujours les conséquences: "Ils sont revenus en détestant les algériens. C'est ce qui fait dire aujourd'hui à un large public que tous les étrangers peuvent s'assimiler, sauf les musulmans." Sa vocation de dessinateur caricaturiste est née avec Dubout. Pour autant, il ne considérait pas qu'un dessin avait la force d'un article : "Dans un texte, vous pouvez faire apparaître plus de nuances. Caricaturer, c'est tordre la réalité pour la rendre plus réelle, pour faire plus vrai que vrai. Au Canard, ce sont des journalistes qui accueillent des dessinateurs, à Charlie c'est l'inverse. On est tous ensemble, et une fois que les dessins sont au mur, chacun donne son avis".

"Ce qui a vraiment changé ce sont les religions"

Et il n'y a bien sûr pas de sujet tabou : "Je pense sincèrement qu'on peut rire de tout. Ce qui a vraiment changé ce sont les religions, qui sont devenues trop radicales, extrémistes. La religion est pour moi une idéologie comme une autre, et il n'y a donc pas de raison qu'on ne critique pas une religion". Se définissant comme un "vieil écolo" Cabu s'avouait un peu perdu et déçu par "des Verts devenus notables qui oublient de parler d'écologie." Déçu aussi par son ami Cohn Bendit "qui soutient Zemmour ! (ndlr: dans son droit d'expression). Zemmour, c'est juste la xénophobie. Ce n'est pas une opinion qu'il diffuse, c'est un délit d'opinion!".

"On va passer l'hiver, ça c'est sûr !"

Légitimement inquiet par les difficultés rencontrées par la presse, il se voulait pourtant optimiste à propos de Charlie-Hebdo: " Nous n'en sommes pas à nous distribuer des dividendes. Nous avons même fait un appel au peuple, car ça va assez mal. Mais on va passer l'hiver, ça c'est sûr!" Alors qu'on lui souhaitait une bonne année en le charriant sur ce centième album du Beauf, "une institution digne de la Pléiade", Cabu éclatait de rire, une dernière fois, en nous suggérant "d'attendre sa mort pour cette célébration".

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