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Un attentat qui va mettre la France « face à ses pires fantômes »

Au-delà des nombreux messages de soutien à « Charlie Hebdo », beaucoup de médias étrangers mettent en garde sur les conséquences politiques de cette affaire.

Par , , et  (Istanbul, correspondante)

Publié le 08 janvier 2015 à 04h43, modifié le 08 janvier 2015 à 15h10

Temps de Lecture 5 min.

Rassemblement en soutien à Charlie Hebdo à Union Square, New York.

L'annonce de l'attaque de la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo par trois hommes armés, mercredi 7 janvier, a fait réagir la presse internationale. Au-delà des nombreux messages de soutiens en faveur de la liberté d'expression, beaucoup mettent en garde sur les conséquences politiques de cette affaire.

Dans un éditorial, le New York Times salue ainsi la « féroce détermination » dont ont fait preuve les Français pour « défendre leurs libertés », après ce massacre. Le quotidien américain souligne dans le même temps, que « ce n'est pas le moment pour les colporteurs de xénophobie d'essayer de salir tous les musulmans en les décrivant comme des terroristes ».

L'éditorial s'emporte notamment contre les propos de Marine Le Pen, et estime que « c'est une honte » que la présidente du Front National ait transformé le drame en fonds de commerce électoral. Le New York Times estime qu'en parlant de « déni et d'hypocrisie » à propos du fondamentalisme islamique, elle « attise les craintes anti-immigrés et anti-musulmanes ». Et le quotidien d'insister sur le fait que « cette attaque est une agression contre la liberté, où que ce soit ».

Dans une tribune intitulée « Le terrorisme islamiste vote Le Pen », le journaliste Luis Matias Lopez du quotidien espagnol Público déplore « une attaque brutale à la liberté de critique et de satire »« L'hebdomadaire français a toujours utilisé ces instruments inhérents aux valeurs républicaines (...). Il se moque autant de Mahomet que de Jésus-Christ », poursuit-il. A ses yeux, l'attentat de mercredi va mettre la France « face à ses pires fantômes »« Cela n'était sans doute pas l'intention des terroristes, mais la première conséquence de son acte est de jeter l'opprobre sur les immigrants et les étrangers » et de conduire à une nouvelle montée de l'extrême-droite. 

« DE NOMBREUSES VALEURS VONT ÊTRE MISES À L'ÉPREUVE »

Dans les colonnes du Guardian, Natalie Nougayrède (ancienne directrice de la rédaction du Monde) loue le « courage » de Charlie Hebdo. « À une époque où le dogmatisme et l'intolérance de toutes sortes semblent prospérer, de nombreuses valeurs – celles de pluralisme, de diversité, de l'État de droit et la liberté d'exercer ses droits fondamentaux – vont être mises à l'épreuve. » Et si de nombreuses manifestations de soutien ont été organisées un peu partout en France, « des mouvements populistes, dont celui de Marine Le Pen, vont tenter d'instrumentaliser cette tragédie pour alimenter plus de ressentiment à l'encontre l'islam et des populations immigrées »

Même son de cloche pour The Daily Telegraph qui évoque dans son éditorial le risque des retombées de l'attentat. Il cite ainsi dans ce contexte le nouveau livre de l'écrivain français Michel Houellebecq, dans lequel un musulman devient président et introduit la charia en France : « Une telle paranoïa peu facilement être attisée par les meurtres de Paris. Il faut y résister, sinon les terroristes auront vraiment gagné. »

Lire l'éditorial du Monde des LivresHouellebecq et le spectre du califat

Lire aussi l'enquête : Article réservé à nos abonnés L’emballement (autour) de Michel Houellebecq

LES CARICATURES DU PROPHÈTE MAHOMET

Voix « discordante » dans ce concert de solidarité, celle du journal turc d'opposition Cumhuriyet. Celui-ci a choisi de publier, à la « une » de son site, les tweets de personnes favorables aux attaques en les qualifiant de « preuves de la mort de l'humanité ».

L'un d'eux, émanant d'un certain Ibrahim Yöruk, montre le journal satirique turc Penguen et dit : « Vous avez vu ? On ne peut pas faire de la satire en humiliant les croyants. Inch Allah j'espère que ça sera bientôt le tour de Leman (autre hebdomadaire satirique turc), car il y a à Leman beaucoup plus que douze têtes à couper. » Dans un tweet, Kerem Cenk, écrit : « Leman, un jour toi aussi tu paieras ton islamophobie ». Sur le site de Akit, journal progouvernemental, l'attentat de Paris est évoqué sous le titre : « Attaque contre la revue qui a insulté notre Prophète ».

Dans une tribune publiée sur le site du Financial Times (FT), un journaliste dénonçait la ligne éditoriale « irresponsable » et « stupide » de Charlie Hebdo. Dans un article d'opinion mis en ligne en début d'après-midi mercredi, Tony Barber, rédacteur-en-chef du département Europe estimait qu'« il ne s'agit pas de suggérer que la liberté d'expression ne devrait pas s'appliquer à la représentation satirique de la religion », mais fustigeait des publications « qui prétendent remporter une victoire pour la liberté en provoquant des musulmans ».

Lire aussi le post de blog : Le « Financial Times » critique « Charlie Hebdo » puis revoit sa copie

Face aux critiques des lecteurs, le papier a été actualisé et amendé dans la journée. L'éditorial de jeudi du quotidien économique défend cependant sans réserve Charlie Hebdo et le principe de liberté d'expression : « L'assaut sanglant (...) ne peut que provoquer la répulsion la plus profonde. »

Dans un éditorial publié sur son site Internet, la radio espagnole Cadena Ser souligne que « les caricatures ne sont coupables de rien, ni les blagues, ni le dernier livre de [l'écrivain français Michel] Houellebecq qui pronostique une France islamiste en 2022. » « Non, affirme le texte, ne nous trompons pas de remède : la solution n'est pas de mutiler les libertés, mais de combattre le fanatisme, la haine irrationnelle, l'obscurantisme et l'ignorance. »

REPRODUIRE LES CARICATURES ?

Alors que le Guardian se demandait quelles répercussions une telle attaque pouvait avoir sur les choix pris dorénavant au sein des rédactions européennes, des médias ont fait savoir dès mercredi qu'ils allaient republier les caricatures du prophète Mahomet, parues dans le journal danois Jyllands-Poste en 2005 et reprises par Charlie Hebdo quelques mois plus tard.

C'est le cas du danois Berlingske, comme l'a indiqué sa rédactrice en chef : « Nous allons les reproduire afin de montrer quel genre de magazine a été la cible de ces événements tragiques. » Elle a indiqué que la décision de son journal de republier ces caricatures n'étaient pas une forme de protestation. Une initiative prise également par l'italien, Corriere della Sera, ou des sites d'informations en ligne américains Daily Beast et Slate. En revanche, les principaux médias du pays, comme le New York Times, le Wall Street Journal, les agences de presse Reuters ou Associated Press ont choisi de ne pas suivre cette voie.

Sur le site du quotidien Estadao de Sao Paulo, une sélection des dernières unes de Charlie a très vite été le document le plus recommandé du site, suivi par les séquences filmées de l'attentat. Marqués par une forte tradition de caricaturistes, les journaux du pays ont largement donné la parole à leurs collaborateurs. Un hommage qui s'est retrouvé dans de nombreuses rédactions latino-américaines, de l'argentine La Nacíon à la colombienne El Tiempo

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