"Charlie Hebdo" : la presse mondiale à l'unisson

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Les Unes papiers de la presse internationale
Les Unes papiers de la presse internationale
© Radio France

Quand les faits sont au-delà des mots, restent les dessins. Un en particulier illustre ce matin la solidarité de toute la presse internationale. Il est signé du dessinateur hollandais Ruben. On y voit deux crayons dressés, à l'assaut desquels un avion s'apprête à se lancer tragique parallèle entre l'attentat des tours jumelles en 2001 et l'attentat ou plutôt l'assassinat perpétré, hier, en pleine conférence de rédaction de Charlie Hebdo. Regardez le ci-dessous > 

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Quand L’AVENIR en Belgique se présente lui comme un ultime numéro de Charlie Hebdo dont la Une serait entièrement recouverte d’encre noire, la revue satirique espagnole EL JUEVES publie de son côté en première page de son site internet le dessin d’un encrier renversé, dont s’échappe du sang surmonté de ces mots : sale temps pour l’humour. A Londres, THE INDEPENDENT a lui aussi choisi de représenter l'hebdomadaire gisant sur le sol, maculé de sang après qu’un encrier rouge eut été renversé. Quand soudain surgit une main, tenant un pinceau, le majeur fièrement dressé, une main qu’on imagine bien entendu être celle des dessinateurs assassinés livrant ainsi une réponse sans ambigüité aux auteurs de ce massacre.

Aux Etats-Unis, peu de médias reproduisent les caricatures de Mahomet
Et puis, pour prendre la défense du magazine controversé, certains mais ils ne sont pas nombreux ont choisi, courageusement, à l'instar du GUARDIAN britannique ou de son confrère danois BERLINGSKE de republier les fameuses caricatures du prophète Mahomet. En revanche et à quelques exceptions près, en particulier les sites d'informations en ligne SLATE ou THE DAILY BEAST, la très grande majorité des médias américains, eux, ont préféré ne pas reproduire ces caricatures. La direction du NEW YORK TIMES, notamment a décidé qu'une description de ces dessins donnerait suffisamment d'éléments aux lecteurs pour comprendre la situation. Idem pour son confrère de Philadelphie INQUIRER, pour qui l'idée d'insulter gratuitement des dizaines de millions de musulmans plutôt que de décrire quelque chose avec des mots ne se pose même pas. Quant au WALL STREET JOURNAL s'il a, certes, choisi lui de publier certaines des caricatures de Charlie Hebdo se moquant des religions, en revanche, aucune représentation ce matin du prophète.

Et puis au-delà des dessins, il y a bien sûr les mots, des titres tout d'abord : quand THE TIMES parle d'attaque contre la liberté, ses deux confrères DAILY MAIL et DAILY TELEGRAPH vont plus loin et n'hésitent pas à parler de guerre contre la liberté.

Enfin les commentaires et ils sont nombreux ce matin. On passera rapidement sur le rétropédalage maladroit du FINANCIAL TIMES, le quotidien économique qui dans un premier temps s'était montré critique hier envers Charlie Hebdo, jugeant stupide et insensée l'attitude de provocation de l'hebdomadaire français envers les musulmans. Le journal a finalement choisi d'actualiser cette tribune dans une version en ligne édulcorée et dans laquelle on peut lire que les journalistes doivent pouvoir exprimer leur opinion quels que soient ceux que cela pourrait offenser.

La satire devrait même toujours trouver une place dans une société démocratique a notamment lancé hier, sur la radio publique danoise, le dessinateur Kurt Westergaard, l'auteur des caricatures de Mahomet publiées en 2005 et qui a lui même échappé à une tentative d’attentat en 2010.

La nationalité des terroristes ? L'inhumanité
Bien sûr, la satire ou le ridicule est sans doute la plus dévastatrice et la plus blessante des armes, capable d'atteindre des parties de la psyché que la raison ne peut pas toucher, l'une des armes les plus efficaces de la démocratie. Mais surtout, rappelle le quotidien britannique THE GUARDIAN, si la satire fait mal, en revanche, elle ne provoque pas de blessures physiques. La satire s'en prend certes aux vaches sacrées, mais elle ne les abat pas. Ou dit autrement, si la satire blesse, elle ne tue pas. Et voilà pourquoi, ce crime n'a pas manqué et ne manquera pas de susciter encore et encore la vague d'indignation et de protestation que mérite toute victime innocente.

Quant à nous, musulmans, écrit l'éditorialiste du magazine tunisien LEADERS cité par le Courrier International, que de supposés coreligionnaires soient effectivement impliqués ou non dans ce crime, cette abomination est une énième et même ultime interpellation, mettant l'accent sur l'absolue urgence de clarifier nos valeurs, sortir de la confusion que l’on entretient à dessein et à tort. On doit ainsi toiletter nos lois, nos actes et nos discours, de la moindre manifestation de barbarie susceptible de nourrir les amalgames, les intolérances et les horreurs.

Enfin s'agissant des lâches criminels qui seraient des terroristes intégristes et que l'impertinence du journal ne pouvait que déranger, sont-ils des islamistes ou des fascistes, profitant des turpitudes d'un certain islam mis en évidence par Daech ? Peu importe, en réalité, leur foi ou leur nationalité, écrit l'éditorialiste, car s'agissant de la religion, tout d'abord, elle ne saurait être que fausse, la foi musulmane authentique condamnant le plus sévèrement ce genre de forfait horrible. Quant à leur nationalité, ils ne peuvent quoi qu'il en soit représenter aucune nationalité de l’humanité, la leur relève plutôt de celle de l'inhumanité, bien plus encore même que de l’espèce inférieure qu’est la bestialité.

Par Thomas CLUZEL

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