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Libres, debout, ensemble

Dans l’épreuve, la France doit se rassembler, faire bloc, prévenir tout amalgame entre les auteurs de l’attentat et l’ensemble des musulmans, entre le fanatisme et la foi.

Publié le 08 janvier 2015 à 08h55, modifié le 19 août 2019 à 13h52 Temps de Lecture 4 min.

Un homme tient une pancarte

Editorial du Monde Emotion, sidération, mais aussi révolte et détermination : les mots peinent à exprimer l’ampleur de l’onde de choc qui traverse la France, au lendemain de l’attaque terroriste perpétrée contre Charlie Hebdo. Un choc qui nous renvoie, toutes proportions gardées, à celui éprouvé le 11 septembre 2001 par la planète entière.

En plein jour, en plein Paris, de sang-froid, des fanatiques ont assassiné lâchement des journalistes, des dessinateurs, des employés ainsi que des policiers chargés de leur protection. Douze morts, exécutés au fusil d’assaut, pour la plupart dans les locaux mêmes de ce journal libre et indépendant.

Et, au milieu du carnage, victimes de cette infamie, des collègues, des camarades : Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski, ainsi que l’économiste Bernard Maris. Depuis des années, des décennies, ils résistaient par la caricature, l’humour et l’insolence à tous les fanatismes, pourfendaient les intégrismes, dénonçaient les imbécillités, brocardaient les institutions.

Depuis dix ans, ils étaient menacés et le savaient : des fous de Dieu islamistes poursuivaient de leur haine ces « blasphémateurs » qui osaient moquer leur Prophète. L’équipe de Charlie Hebdo n’avait pas reculé, pas cédé, pas cillé. Chaque semaine, armée de ses seuls crayons, elle continuait son combat pour la liberté de penser et de s’exprimer.

Certains ne cachaient pas leur peur, mais tous la surmontaient. Soldats de la liberté, de notre liberté, ils en sont morts. Morts pour des dessins. A travers eux, c’est bien la liberté d’expression – celle de la presse comme celle de tous les citoyens – qui était la cible des assassins. C’est cette liberté d’informer et de s’informer, de débattre et de critiquer, de comprendre et de convaincre, cette indépendance d’esprit, cette nécessaire et vitale audace de la liberté que les tueurs ont voulu écraser sous leurs balles.

Cet attachement aux libertés est au cœur de la démocratie. Mais le sinistre commando djihadiste nous rappelle cruellement que pour certains, aujourd’hui, la liberté de pensée et d’expression est une menace intolérable contre la loi de Dieu qu’ils rêvent d’imposer.

« C’est la République tout entière qui a été agressée », comme l’a dit le chef de l’Etat, François Hollande, mercredi soir. Agressée dans sa devise, « Liberté, Egalité, Fraternité », et dans les valeurs qu’elle exprime. Récusée dans son principe de laïcité et dans son engagement à « respecter toutes les croyances » religieuses ou philosophiques. Attaquée dans sa volonté de faire vivre le pluralisme des convictions et des consciences – à condition qu’elles respectent la République.

Agressée, encore, dans son ambition d’être indivisible. Car l’attentat commis contre Charlie Hebdo n’est pas seulement un crime, il ne cherche pas seulement à semer la peur dans l’esprit public. Il est également un piège : il veut attiser les divisions, les soupçons, les méfiances qui traversent la société française, et, selon l’expression de l’ancien ministre de la justice, Robert Badinter, « creuser un fossé de haine entre les communautés qui composent la République française ».

C’est enfin la France qui est visée, car elle est en première ligne, seule ou avec ses alliés, dans la guerre engagée contre le djihadisme international. C’est le cas au Mali et dans le Sahel depuis deux ans, en Irak et aux confins de la Syrie contre la barbarie de l’Etat islamique depuis quelques mois. Depuis vingt-quatre heures, les innombrables messages de soutien parvenus d’Europe, des Etats-Unis et de bien au-delà, ainsi que dans les rédactions du monde entier, témoignent que la communauté internationale en est parfaitement consciente.

Face à ces menaces, le chef de l’Etat, son prédécesseur Nicolas Sarkozy et, avec eux, tous les responsables politiques l’ont martelé : dans l’épreuve, la France doit se rassembler, faire bloc, rester unie dans la défense de ses valeurs, prévenir tout amalgame entre les auteurs de l’attentat et l’ensemble des musulmans, entre le fanatisme et la foi. Les principaux responsables religieux, de toutes confessions, ont tenu un discours similaire.

L’on n’en attendait pas moins des uns et des autres. Mais il est impératif que ce consensus résiste, demain, à la tentation de trouver dans ce drame l’occasion de polémiques politiciennes. Aux formations politiques de se montrer à la hauteur de ce défi lancé à la démocratie. Car c’est bien devant nos responsabilités que nous place cette tuerie. Celle de ne pas céder à la récupération malsaine, à la tentation liberticide et sécuritaire, à la stigmatisation des musulmans de France. Celle de répondre à cette attaque contre la liberté et le vivre-ensemble par plus de courage et d’intelligence.

La réaction des Français démontre qu’ils l’ont compris. C’est réconfortant et rassurant. Par dizaines de milliers, place de la République à Paris comme au cœur des principales villes du pays, ils sont venus spontanément, gravement, exprimer leur émotion, leur solidarité, leur indignation, leur volonté de faire front, ensemble, debout, libres. Ils étaient porteurs d’un message qui résumait tous ces sentiments : « Je suis Charlie. »

Oui, « nous sommes tous Charlie ». Au-delà de la traque engagée par la police pour les retrouver, c’est la meilleure réponse que nous puissions adresser aux auteurs de cet acte de guerre contre la France et les Français. Nous le devons aux victimes, nos amis.

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