RASSEMBLEMENT - C'est très impressionnant, une marée humaine presque silencieuse, sans slogans. La rue qui mène Boulevard Voltaire est bloquée par des barrières métalliques, le temps que passent les officiels étrangers. Une heure durant où la foule reste paisible, se réchauffe comme elle peut, chante la Marseillaise et sort ses portables pour tenter de joindre des proches coincés 100 mètres plus loin. La police est ovationnée, du jamais vu.
RASSEMBLEMENT - C'est très impressionnant, une marée humaine presque silencieuse, sans slogans. La rue qui mène Boulevard Voltaire est bloquée par des barrières métalliques, le temps que passent les officiels étrangers. Une heure durant où la foule reste paisible, se réchauffe comme elle peut, chante la Marseillaise et sort ses portables pour tenter de joindre des proches coincés 100 mètres plus loin. La police est ovationnée, du jamais vu. Des pancartes proclament "Je suis Charlie, je suis juif, je suis musulman, je suis policier". Quand sur l'écran muet de la télé du café devant lequel nous sommes arrêtés, un sous-titre annonce la présence des représentants de l'Emir du Qatar, dont le pays est soupçonné d'être lié au financement des mouvements terroristes, une légère protestation s'élève, et encore: l'ampleur de l'événement dépasse tout.
On sait déjà que l'affluence est inouïe. Près de 4 millions dans toute la France, 300.000 à Lyon, 140.000 à Bordeaux, 80.000 à Marseille, un million et demi à Paris. Paris, qui a connu les foules de la Fête de la Fédération de 1790, des journées de février de 1848, de l'enterrement de Victor Hugo le 1er juin 1885, celles de mai 1936, d'août 1945, de mai 1968 a dépassé son meilleur. De la "soumission" houellebecquienne, je n'ai rien vu, et au contraire du climat de décadence ou de résignation qu'on nous sert, une foule fraternelle a depuis mercredi, répété que la division, l'intolérance, le racisme, l'antisémitisme, ce n'était pas elle. Not in my name...
C'est en fait à une catharsis que nous avons assisté, une libération par notre inconscient de nos terreurs et de nos traumatismes. "Nous n'avons pas peur", disaient les pancartes que portaient jeunes et moins jeunes, comme pour conjurer les peurs qui, au contraire, les assaillent: peur du déclin, peur du racisme, peur de la désunion, peur de l'insécurité, peur d'une société lézardée. Le peuple français, qui s'est levé en masse a choisi d'exorciser ses effrois en communiant dans ses contraires, la ferveur, la générosité, la résistance.
Mais que se passera-t-il demain ? Craignons les célébrations sans suite et les désillusions après l'euphorie. Dans un autre registre, celui de la joie partagée et non celui du deuil, la foule des Champs Elysées en juillet 1998, glorifiant sa jeunesse Black-blanc-beur lors de la victoire de la Coupe du Monde de football, devait aussi annoncer des lendemains qui chantent. On a vu ce qu'il en était: d'élections en faits divers, de haines proclamées en attentats antisémites, de vexations contre les minorités en racisme anti-arabe, la France s'est endormie, chacun barricadé dans sa crainte de la différence, dans sa crainte de l'avenir, dans sa méfiance, dans ses rancoeurs. Et tous les fondamentaux de la société française ont commencé de se fissurer : l'école dénigrée, les quartiers abandonnés, l'Etat méprisé, le travail raréfié, la solidarité entamée, la politique dégradée. Le chanteur et réalisateur français, Abd al malik, disait dimanche soir sur France 2 qu'il aimerait que la fraternité soit enfin, "pour de vrai" disait-il, une de nos valeurs-drapeau, et qu'on ne parle plus, "juste pour parler".
Ajoutons qu'il faut que la France se pose enfin les vrais questions: pourquoi produisons-nous des djihadistes, qu'avons nous fait ou pas fait de nos cités, allons-nous fabriquer de l'inclusion après tant d'années d'exclusions? Et mille autres questions. Pour que nous honorions vraiment les dix-sept morts tombés cette semaine il faut que le sursaut magnifique de tous les Charlie ne vive pas seulement ce que vivent les roses, l'espace d'un matin.
Ils sont Charlie - Louise, la vingtaine, étudiante en classe prépa en région parisienne: "Si j'ai décidé de venir marcher ce dimanche, c'est parce que j'ai été motivée par le sentiment d'unité qu'il est très important de manifester en ce jour."
Ils sont Charlie - Pierre Munier, 23 ans, graphiste, et Nina Ballester-Moulin, 19 ans, étudiante en école de théâtre Nina: "ce drame m'a touchée personnellement parce que je connaissais l'une des victimes (le dessinateur Tignous, NDR). Nous sommes venus pour la liberté, avec des amis et de la famille". Pierre: "C'est un moment de partage, pas un moment de tristesse. C'est beau d'être tous ensemble".
Ils sont Charlie - Jérôme Mabire, 33 ans, postier: "Je suis là aujourd'hui car j'avais envie de retrouver tout le monde après cette dure semaine et qu'on soit tous les uns à côté des autres. Juste être là et dire non à ce qui s'est passé".
Ils sont Charlie - Albin Baptiste, étudiant à Paris: "J'ai choisi de venir manifester avec le drapeau du Gabon, pour montrer la solidarité de son pays. Il est important de dire non à la barbarie et oui à la liberté."
Ils sont Charlie - Jean-Marc Minetto, 53 ans, à son compte et président des délégués départementaux de l'Education nationale de Seine-Saint-Denis: "Je suis là aujourd'hui parce qu'il y a des valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité à rappeler. Quelque part, ce qui s'est passé, nous renforce encore plus à rappeler ces valeurs à nos jeunes".
Ils sont Charlie - Martine, 56 ans, travaille à l'Education nationale: "Je suis là aujourd'hui parce que je veux témoigner de ma peine mais aussi de ma révolte. Dire aussi à ces gens, "ça ne passera pas". On résistera et j'aimerais qu'on soit tous ensemble à le faire".
Ils sont Charlie - Valérie, 52 ans, travaille dans la finance: "Je suis là aujourd'hui parce que je me sens très profondément touchée par ce qui se passe. Je pense que ça a atteint les gens à l'intérieur. J'aime mon pays, j'aime les valeurs de mon pays et c'est important de les défendre".
Ils sont Charlie - Ariane (à droite), 23 ans, artisan, entourée de ses colocataires "J'ai voulu représenter la liberté guidant le peuple un crayon à la main, parce que c'est un tableau français et que la liberté est une valeur française. Nous avons voulu dire que nous étions prêts à nous battre pour notre liberté d'expression."
Ils sont Charlie - Florine, 28 ans, ingénieur en bâtiment: "Je suis là aujourd'hui d'abord pour défendre la liberté d'expression et pour apporter un message de paix et d'amour. Dire qu'on est tous soudés et solidaires, c'est important".
Ils sont Charlie - Jérôme Daumont, 58 ans, cadre administratif dans une entreprise: "Je suis là aujourd'hui pour la liberté, qu'elle quelle soit. On a le droit de pas être d'accord avec Charlie mais on a pas le droit de les faire taire de cette manière. Il y a un moment où la République est en danger et il faut la défendre, à tout prix. Je suis pas manifestant habituel, c'est peut être la première ou deuxième manifestation de ma vie".
Ils sont Charlie - Saliha Bala, 33 ans, comédienne intermittente du spectacle: "Je suis là aujourd'hui car quelque chose de à laquelle on de doit pas toucher a été touchée au coeur. On n'a pas le droit d'infliger la mort à des gens avec qui on est pas d'accord. On n'a pas le droit de dévoyer l'héritage de 1789. En tant que citoyenne, laïque, musulmane, c'était plus qu'un devoir d'être là". Alexis Santelli, 34 ans, professeur d'histoire-géographie: "Je suis là aujourd'hui, parce qu'au-delà de l'émotion, je ne tolère pas que dans notre pays on puisse tuer des gens pour des dessins. Il y a un morceau de nous, qui représente la France et l'esprit français, qui a été touché."
Ils sont Charlie - Vincent, 42 ans, chef de projet dans les télécoms: "Je suis là aujourd'hui car ce qui s'est passé mercredi a été un gros choc. Je me sentais proche de gens comme Cabu, Wolinski ou Bernard Maris. Au-delà de ça, on est là pour défendre les fondamentaux, la démocratie et le liberté d'expression. Charlie Hebdo n'avait pas beaucoup été soutenue pendant l'épisode des caricatures et donc c'est important que les Français se rassemblent".
Ils sont Charlie - Ariane Hagege, 42 ans, en reconversion, et Maella, sa fille, 8 ans, en CE1: "Je suis là aujourd'hui parce que je suis d'origine africaine et j'ai décidé de venir en France pour une chose, la paix qui y existe et les droits de l'homme, des valeurs qui me sont chères. Dès qu'on y touche, on me transperce le coeur. Et j'ai tenu venir avec ma fille pour qu'elle comprenne cela. A tout moment, on doit pouvoir dire ce qu'on pense, sans avoir peur de le dire, c'est ce que m'a permis la France".
Ils sont Charlie - Jean-Nicolas Germain, 30 ans, éducateur spécialisé/ "Je suis là aujourd'hui parce qu'au quotidien, en tant qu'éducateur spécialisé, mon arme, c'est le stylos. J'ai pas les mots mais j'ai les stylos".
Ils sont Charlie - Colette, 76 ans, retraitée: "je suis là aujourd'hui parce que c'est indispensable d'être là. Pour la liberté d'expression, la liberté du culte et la possibilité d'être en paix".
Ils sont Charlie - Ronald. "J'ai décidé de venir place de la Bastille avec le drapeau d'Haïti parce dessus, il est écrit une phrase particulièrement importante: L'Union fait la force."
Ils sont Charlie - Van Tru Than, réfugié politique, et ses amis membres de la communauté vietnamienne "Certains d'entre nous sont arrivés en 1975, d'autres un peu après. Aujourd'hui, nous sommes venus partager la défense de la démocratie. Notre message aux terroristes: arrêtez d'attaquer les innocents".
Ils sont Charlie - Jean-Claude Lavielle, 70 ans, retraité "J'ai toujours lu Charlie et Hara Kiri. Je suis là pour la liberté. Je ne suis pas surpris par l'ampleur de ce rassemblement, même si certains ne mériteraient pas d'y être".
Ils sont Charlie - Laurence, 35 ans, décoratrice "Je ne manifeste jamais. Mais aujourd'hui, c'est le symbole de la France et de la liberté. On n'empêchera pas notre liberté de penser".
Ils sont Charlie - Michel Taupin et Cuba Si France "Cuba Si France a toujours été proche de Charlie Hebdo, notre président d'honneur était Wolinski. Charb était un de nos piliers. Aussi, même si nous partageons ce moment de rassemblement pour nos amis, nous ne partageons par la récupération de Hollande, de Sarkozy, de Netanyahou et de l'UMP, si proches du Qatar de l'Arabie Saoudite. Tout d'un coup, tous ces gens seraient Charlie? C'est indécent. Le peuple français, lui, ne s'y trompe pas."
Ils sont Charlie - Fouzia, 30 ans, consultante en recrutement "J'ai voulu rendre un dernier hommage aux victimes et dire non à la terreur. Je ne veux pas laisser la peur s'installer. Je suis musulmane et la religion des terroristes n'est pas ma religion. Je n'étais pas une lectrice de Charlie Hebdo mais je défends la liberté de diffuser ce journal et leur liberté de dessiner."
Ils sont Charlie - Christian, 62 ans, retraité de la fonction publique "Il a fallu attendre qu'il y ait tous ces meurtres pour qu'on pense à se réunir aujourd'hui. On aurait pu les éviter. C'est vrai, Charlie Hebdo, ce n'était pas ma came. Mais aujourd'hui je suis venu en famille. Ma mère de 82 ans voulait aussi venir, à cause de son âge, elle a dû rester à la maison."
Ils sont Charlie - Julie, 19 ans, étudiante dans une école de mode "Il faut qu'on soit le plus nombreux possible. Certains de mes amis avaient peur de venir aujourd'hui. Mes parents se sont décidés hier et nous sommes venus tous ensemble".
Ils sont Charlie - Katsutoshi, 50 ans, professeur des sciences de l'éducation au Japon. Il a pris un an de congé sabbatique pour vivre en France. "J'ai beaucoup de respect pour la liberté d'expression. J'ai voulu me joindre aux Français aujourd'hui pour les soutenir."
Ils sont Charlie - Dounia, 22 ans, responsable de magasin "Je veux vraiment dénoncer cet acte terroriste même si je condamne Charlie Hebdo pour ses propos envers toutes les religions. Je n'ai pas de pancarte parce que je ne suis pas Charlie. Je suis toutes les victimes. Je considère tous les gens qui sont là aujourd'hui comme mes frères et mes soeurs. Je sais ce que prône ma religion je n'ai pas à me justifier, je sais que l'Islam prône la paix."
Ils sont Charlie - Marie-Pierre, 36 ans, assistante commerciale, Julien, 35 ans, assistant avion et leur fils, Tom, 2 ans et demi. "Nous sommes Français et nous voulons vraiment qu'il n'y ait pas d'amalgames. Cette fraternité que nous avons vue dans la rue nous a beaucoup ému. Nous sommes fiers d'être Français. Il était important que notre fils nous accompagne aujourd'hui. Il ne comprend pas vraiment la portée du moment mais ce sera un joli souvenir pour plus tard."
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Ils sont Charlie - Louise, la vingtaine, étudiante en classe prépa en région parisienne: "Si j'ai décidé de venir marcher ce dimanche, c'est parce que j'ai été motivée par le sentiment d'unité qu'il est très important de manifester en ce jour."