Durant toute la semaine dernière, à partir du premier attentat perpétré dans les locaux de Charlie Hebdo, le compte Twitter de la Gendarmerie nationale a été très actif. Appels à témoins, soutien aux victimes, informations pratiques (pour signaler des propos vus sur les réseaux sociaux, fermetures d'écoles et de routes) mises en garde, démenti de fausses informations, suivi des opérations sur le terrain, photos et vidéos... Une communication très remarquée, et relayée. En une semaine, la Gendarmerie a gagné 19 000 followers sur Twitter, et 39 000 abonnés à sa page Facebook. Sur l'assaut de Dammartin en Goële, elle a été la seule à diffuser des images, celles tournées par la presse étant beaucoup plus lointaines, car les environs immédiats étaient bouclés.

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Le lieutenant-colonel Gwendal Durand, chef du bureau médias au SIRPA Gendarmerie, est la personne en charge des réseaux sociaux pour l'institution. Son équipe compte quatre personnes qui se consacrent à Twitter, et trois à Facebook. Elle gère également des comptes Flickr et YouTube. Il a supervisé toute l'affaire et nous explique la ligne éditoriale suivie par la Gendarmerie.

La Gendarmerie nationale a-t-elle mis en place un dispositif exceptionnel pour les réseaux sociaux durant la semaine des attentats?

C'est la première fois que le dispositif était aussi conséquent. Mais nous n'avons pas fait un "coup" vendredi dernier (le jour des assauts à Dammartin et Vincennes, ndlr). Cela correspond à une vraie stratégie éditoriale, que nous avons redéfinie il y a environ 18 mois. Nous avons mis en place une nouvelle ligne éditoriale sur Facebook en octobre 2013, qui comprenait la création de pages pour les groupements départementaux. Aujourd'hui, 59 groupements disposent de leur page, soit plus d'un sur deux. Cette stratégie a payé puisque nous avons gagné 170 000 fans en 2014. Aujourd'hui notre compte Facebook, ouvert en juillet 2010, compte plus de 281 000 "fans". Et le 21 janvier 2014 nous avons ouvert notre compte Twitter, qui réunit plus de 68 400 abonnés.


Vous en avez gagné beaucoup grâce à votre couverture des derniers événements. Avez-vous été surpris?

C'est effectivement assez surprenant, hors norme en tout cas. Nous avons eu une forte exposition, qui s'est traduite par une forte accélération. +35% de followers sur Twitter.

Quelle est cette nouvelle stratégie éditoriale?

Les comptes diffusent de l'information de proximité, utile, notre actualité opérationnelle, et des conseils pratiques de prévention. C'est un peu un format magazine. Sur Twitter, nous faisons attention, en particulier, à être dans le temps de l'actualité et des médias, et à diffuser de l'information directement opérationnelle. L'objectif est d'avoir un retour en termes de sécurité. Par exemple, sur des gros événements perturbateurs, des intempéries... Et nous produisons aussi de plus en plus de contenu en propre.

A ce sujet, vous avez publié vendredi des photos et une vidéo de l'assaut à Dammartin-en-Goële. Etait-ce une première?

Non, ce n'étaient pas les premières images exclusives. Nous l'avions fait début mai 2014, pour la poursuite d'une voiture depuis un hélicoptère de la Gendarmerie. Nous avions suivi l'opération jusqu'à l'interpellation plusieurs centaines de kilomètres plus loin. Cela correspond à la volonté de montrer comment la Gendarmerie travaille. En revanche, dès vendredi matin nous avions un photographe, un vidéaste, et deux officiers de presse à Dammartin, nous n'avions jamais travaillé avec une si grosse équipe.


Le photographe et le vidéaste sont aussi des gendarmes?

Le photographe fait partie de notre équipe, et le vidéaste fait partie de la Délégation à l'information et à la communication du ministère de l'Intérieur. Ce sont des gendarmes qui ont une bonne expérience du terrain, et qui ont été formés aux techniques photo et vidéo. Ainsi ils travaillent en connaissant les règles de sécurité et le respect du secret de l'enquête.

Votre politique consiste-t-elle à diffuser des images que dans les situations où la presse ne peut pas le faire?

Nous sommes organisés en rédaction, comme une agence de presse. Nous ne sommes cependant pas là pour concurrencer la presse. Ce que nous faisons est encore plus fort quand les médias sont tenus à l'écart mais on peut le faire sur n'importe quelle opération. Nous sommes complémentaires. Nous obéissons à des règles particulières, par exemple, nos contenus n'ont pas été publiés tout de suite, mais seulement après la fin de la conférence de presse du procureur de la République. Ensuite nous avons profité de la caisse de résonnance de Twitter, dans un temps où ces images pouvaient être réutilisées par les médias, en tenant compte des délais de bouclage de la presse papier.


Quelles sont les retombées pour vous? Gagner des abonnés n'est pas un but en soi pour la Gendarmerie.

Le nombre d'abonnés est important. Plus on en a, plus la caisse de résonnance est forte, et c'est valable pour tous les conseils utiles que nous diffusons, que ce soit pour gérer une crise, rassurer, mettre en sécurité... D'autre part, il y a une vraie volonté de proximité avec la population, de dialogue moins formel et institutionnel. Il nous arrive de répondre à certains messages, cela fait partie des codes des médias sociaux. C'est du reste notre axe de développement principal : le dialogue avec le public.

Quelles limites vous fixez-vous dans votre communication sur les réseaux sociaux?

Nous restons la Gendarmerie. Donc on ne peut pas se permettre de choquer. Il faut que chaque publication soit utile, nous ne sommes pas là pour faire la promotion de la Gendarmerie nationale. Enfin, l'information doit être crédible, vérifiée.


Avez-vous eu un débat sur les images publiables vendredi?

Non, tant qu'on respecte ces limites, les choix se font surtout pour préserver nos modes d'action. Si nous avons montré les impacts de balles sur le véhicule de la gendarmerie départementale, c'était pour montrer leur rôle dans l'opération, il n'y avait pas que le GIGN. Quant à la vidéo, elle ne montre rien d'exceptionnelle, c'est le son qui fait sa force. On comprend vraiment qu'ils sont dans un combat, l'intensité de la scène.

Quel est le message qui a battu le record de partages?

C'est celui de dimanche soir, la vidéo de l'escadron de gendarmes mobiles qui se fait applaudir. En dehors de cette semaine-là, ce sont les appels à témoin. En mai 2014, un appel à témoin pour retrouver une adolescente de 13 ans dans le Morbihan a fait environ 2200 retweets, qui ont dépassé nos frontières. Ce large partage a permis à un hôtelier espagnol de la reconnaître. C'est très rapide, cela ne coûte pas cher, et c'est efficace.






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