
Une caricature du dessinateur Luz représente Mahomet la larme à l'œil et tenant une pancarte « Je suis Charlie ». La « une » second degré de Charlie hebdo, mercredi 14 janvier, n'a été du goût ni de l'Iran ni de certaines instances musulmanes. Plusieurs responsables sont montés au créneau pour dénoncer une nouvelle « provocation ».
- Une caricature « blasphématoire » pour le Parlement pakistanais
Les parlementaires pakistanais ont voté à l'unanimité une résolution dans laquelle ils condamnent des « caricatures blasphématoires » et dénoncent un acte « haineux », « délibéré » et « malicieux » de la part du journal français. Le ministre fédéral des affaires religieuses, Sardar Yousaf, membre de la Ligue musulmane du premier ministre Nawaz Sharif, s'est lui aussi insurgé contre ces dessins :
« Les médias qui ont publié ces croquis devraient être interdits, toutes les copies devraient être confisquées et brûlées. »
Le Pakistan, deuxième pays musulman le plus peuplé au monde, avec ses près de 200 millions d'habitants, avait officiellement condamné l'attaque contre l'hebdomadaire satirique. Mais au cours des derniers jours le ton s'est durci dans le pays, notamment avec une manifestation à Peshawar (Nord-Ouest) en hommage aux frères Kouachi.
- « Pas raisonnable » pour l'Union mondiale des oulémas
L'Union mondiale des oulémas, au Qatar, a déclaré :
« Il n'est ni raisonnable, ni logique, ni sage de publier les dessins et les films offensant le Prophète ou attaquant l'islam. »
« Si on est d'accord que [les auteurs d'attentat] sont une minorité qui ne représente ni l'islam ni les musulmans, alors comment peut-on y répondre par des actes qui ne sont pas dirigés contre eux, mais contre le Prophète vénéré par un milliard et demi de musulmans ? », a encore interrogé l'organisme, présidé par le prédicateur qatari d'origine égyptienne Youssef Al-Qaradaoui, considéré comme l'éminence grise des Frères musulmans.
- Le Sénégal interdit la diffusion de « Charlie Hebdo » et « Libération » :
La diffusion et la distribution au Sénégal du nouveau numéro ont été interdites « par tout moyen » et « sur tout le territoire », ainsi que celles du quotidien Libération, qui a aussi publié la caricature du prophète Mahomet en « une ».
- « Atteinte » aux musulmans pour l'Iran
L'Iran, rappelant qu'il « dénonce le terrorisme partout dans le monde », a pointé le « geste insultant » du magazine satirique par la voix de Marzieh Afkham, porte-parole de la diplomatie iranienne. Le dessin « porte atteinte aux sentiments des musulmans [et] il peut relancer un cercle vicieux de terrorisme », selon cette dernière. Et d'ajouter :
« L'abus de la liberté d'expression, qui est répandu actuellement en Occident, n'est pas acceptable et doit être empêché. »
Le ministre des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, interrogé à Genève, a également appelé au « respect » mutuel. Un dignitaire chiite conservateur, le grand ayatollah Nasser Makarem-Shirazi, a pour sa part déclaré que les nouveaux dessins du Prophète constituaient « une déclaration de guerre à tous les musulmans ».
Lire note post de blog : L'Iran condamne la caricature insultante du Prophète
- En Egypte, le patriarche copte « refuse » l'offense aux religions, Al-Azhar appelle à « ignorer »
En réponse à une question au sujet des dessins du journal français, le patriarche des coptes orthodoxes d'Egypte, Tawadros II, a affirmé « refuser l'insulte à n'importe quel niveau » :
« L'insulte sur le plan personnel entre les hommes est refusée, et quand elle concerne les religions, ce n'est ni humain, ni moral, ni socialement [acceptable] et cela ne contribue absolument pas à la paix mondiale. »
Mardi, c'est Al-Azhar, l'une des plus importantes institutions de l'islam sunnite, qui avait appelé à « ignorer » ces nouveaux dessins représentant le prophète Mahomet, qualifiés de « frivolité haineuse ». Le grand mufti d'Egypte, Chaouki Allam, avait, lui, dénoncé « une provocation injustifiée à l'encontre des sentiments des musulmans du monde entier ».
- Une « insulte » aux musulmans pour le mufti de Jérusalem
Le mufti de Jérusalem, plus haute autorité religieuse dans les territoires palestiniens, a dénoncé mercredi comme une « insulte » aux musulmans les nouveaux dessins représentant le prophète Mahomet dans Charlie Hebdo, tout en rejetant le recours à la violence.
« Cette insulte a blessé les sentiments de près de 2 milliards de musulmans dans le monde », a déclaré le grand mufti, Mohammad Hussein.
- Jordanie : l'opposition demande des « excuses » de la part de « Charlie Hebdo »
« Aujourd'hui, contrairement à dimanche, très peu de musulmans à travers le monde sont Charlie », a affirmé pour sa par le chef de la diplomatie jordanienne, Nasser Joudeh, qui estime que Charlie Hebdo « sème de nouveau les graines de la discorde ». Le Front d'action islamique, parti d'opposition, a envoyé le même message, en exigeant de l'hebdomadaire qu'« il présente des excuse pour cette atteinte délibérée » à la personne du Prophète.
- Une caricature qui favorise le terrorisme, selon le Hezbollah
Pour le mouvement chiite libanais Hezbollah, qui avait condamné l'attentat contre Charlie Hebdo, cette nouvelle caricature de Mahomet « contribue directement à aider le terrorisme, l'extrémisme et les fondamentalistes ». La formation islamiste écrit dans un communiqué :
« Ce que le magazine français a réitéré heurte fortement les sentiments de plus de 1,5 milliard de musulmans à travers le monde et tous ceux qui appartiennent aux religions monothéistes. »
- En Turquie, un seul journal prend le risque de publier les caricatures
Quatre pages qui ont fait beaucoup de bruit. Cumhuriyet (« La République ») a pris le risque de reproduire en Turquie, république laïque à majorité musulmane, les caricatures du Prophète publiées mercredi dans Charlie Hebdo.
Cumhuriyet est pour l'heure le seul organe de presse à avoir osé cette publication dans un pays musulman. La direction dit avoir longtemps hésité avant de braver l'interdit. Le rédacteur en chef du quotidien, Utku Cakirözer, a précisé à l'Agence France-Presse :
« Nous avons publié ce supplément par solidarité avec “Charlie” et pour défendre la liberté d'expression (…), mais nous avons respecté la sensibilité religieuse de la société turque. »
Dans la nuit, la police a perquisitionné l'imprimerie du journal, à Istanbul, afin d'examiner son contenu avant de donner, après un coup de fil à un procureur, son accord à la distribution. Des policiers ont été déployés autour du siège de Cumhuriyet, à Istanbul, et de sa rédaction d'Ankara.
Par ailleurs, la justice turque a interdit mercredi la diffusion sur Internet de la caricature du prophète Mahomet. « La liberté d'expression n'autorise personne à dire tout ce qu'il veut », a argumenté le tribunal de Diyarbakir, dans le sud-est, « les mots, écrits, dessins et publications qui dénigrent les valeurs religieuses et le Prophète constituent une insulte pour les croyants ».
- « Insolence, ignorance et bêtise » pour l'Organisation de la coopération islamique
Le secrétaire général de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), le Saoudien Iyad Ameen Madani, voit dans les nouveaux dessins de Charlie Hebdo « insolence, ignorance et bêtise ». « La liberté d'expression ne doit pas justifier un discours de haine qui insulte les croyances de l'autre. Aucune personne sensée, quelles que soient ses convictions, sa religion ou sa foi, n'accepte qu'on ridiculise ses croyances », a lancé le président de l'organisation intergouvernementale lors d'une visite en Irak.
- Plusieurs centaines de manifestants contre la caricature en Mauritanie
« Tout sauf le Prophète », « Je ne suis pas Charlie Hebdo », « Non à l'insulte à notre croyance », pouvait-on lire sur les pancartes et banderoles portées par les manifestants. Une marche organisée à l'appel d'activistes sur les réseaux sociaux a rassemblé plusieurs centaines de personnes dans le centre de Nouakchott, la capitale du pays, aux environs de l'ambassade de France. La manifestation de mercredi est « la préparation d'un gigantesque mouvement de foule prévu vendredi », jour où de nombreux fidèles musulmans vont prier dans les mosquées, ont affirmé les organisateurs.
La Mauritanie est une République islamique où la charia est en vigueur. Le 24 décembre, un blogueur mauritanien de 29 ans avait été condamné à mort « pour avoir parlé avec légèreté du prophète Mahomet » dans un article.
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