
ENTREPRISES - Voilà un patron qui a pris au pied de la lettre les recommandations de l'économiste Thomas Piketty: il a décidé de donner une augmentation à plusieurs milliers de ses salariés. Mark Bertolini a annoncé lundi qu'Aetna, une grande société d'assurance-santé américaine, allait relever le plafond pour ses employés les moins bien rémunérés. A partir d'avril, le tarif horaire minimum sera relevé à 16 dollars, selon un communiqué de la compagnie.
Le Wall Street Journal rappelle que Mark Bertolini avait récemment recommandé aux dirigeants d'Aetna de lire Le Capital au XXIème siècle, l'ouvrage mondialement plébiscité du Français Thomas Piketty. Le livre, qui a été salué comme "l'ouvrage le plus important du siècle", décrit les lois mécaniques et les causes conjoncturelles de la répartition inégale des richesses entre personnes, sur trois siècles et à l'échelle mondiale.
Chez Aetna, 5700 salariés seront concernés par cette mesure et verront leur rémunération augmenter en moyenne de 11%. Pour les moins bien payés, actuellement à 12 dollars de l'heure, l'augmentation sera même de 33%. Aux Etats-Unis, le salaire minimum est fixé à 7,25 dollars depuis 2009 et il n'a jamais été envisagé de relever ce seuil. Avec l'initiative d'Aetna, on entrevoit la possibilité que les entreprises parviennent à empêcher le creusement des inégalités.
"C'est un nouveau pacte social"
"Ce n'est pas juste une histoire d'augmenter les gens, il s'agit d'un nouveau pacte social", a expliqué Mark Bertonili au Wall Street Journal. "Pourquoi les entreprises privées n'imagineraient pas des solutions innovantes pour améliorer les choses ?" Selon Aetna, le coût de ces mesures se chiffrera à 14 millions de dollars en 2014, puis 25,5 millions en 2016.
D'autres facteurs ont pu influencer Aetna pour augmenter les salaires. L'Obamacare, du nom de la réforme sur la protection sociale promulguée par Barack Obama, a permis à des millions d'Américains de s'assurer gratuitement. Ce qui signifie que les compagnies d'assurance doivent améliorer leurs services pour rester compétitives. En augmentant les salaires de ses employés, ces derniers disposeront du pouvoir d'achat nécessaire pour contracter des protections supplémentaires.
Un comportement qui rappelle celui d'Henry Ford en 1914, qui avait augmenté les salaires de ses employés pour établir une solide classe moyenne capable d'acheter ses voitures. Qualifié à l'époque de "grand humaniste" ou de "socialiste fou", Ford ne pensait pourtant qu'au bien de son entreprise.
Actuellement sur la voie de la guérison, le marché du travail américain pourrait favoriser l'augmentation globale des salaires. Le mois dernier, il n'y a jamais eu autant d'embauches depuis 1999 et le taux de chômage est tombé à 5,6%. Cela dit, malgré ces bonnes statistiques, les salaires n'ont pas suivi la même courbe et peinent toujours à augmenter. Ces grandes entreprises (comme Aetna, mais aussi Starbucks ou Gap) font encore figure d'exception.