Des scientifiques russes s’alarment: la présence massive d’algues sur certaines rives du lac Baïkal met en péril son écosystème. Une menace encore plus dangereuse que les rejets de l’usine de cellulose Baïkalsk, décriée par les écologistes et fermée à l’automne 2013. Inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, ce lac d’une superficie équivalant à celle de la Belgique est la plus grande réserve d’eau douce de la planète.    

La perle de la Sibérie est en danger. Des algues vertes s’amoncellent sur des rives du lac Baïkal. On en compte jusqu’à 90 kg par mètre carré. Drainées par les orages, elles se décomposent en dégageant une odeur nauséabonde. Sur ces côtes touchées par la pollution les habitants et animaux ne peuvent plus boire sans danger les eaux du lac réputées pour leur pureté.
"Le Baïkal est étudié depuis le 18e siècle et l’on n’a jamais observé un changement aussi grave de son écosystème dans toute l’histoire des recherches, alerte Mikhaïl Gratchev, directeur de l’Institut de limnologie (la science des eaux continentales) d’Irkoutsk, du département sibérien de l’Académie des sciences de Russie. Une expédition scientifique, menée en septembre dernier, a évalué le volume d’algues de type spirogyre à près de 1400 tonnes sur 10 km dans les eaux de surface au nord. Signe d’un excès de nutriments, nitrates et phosphates en particulier, elles ont commencé à proliférer en 2011 et s’amassent parfois sur 40 mètres de profondeur.

En cause: le rejet des eaux usées



A l’origine de cette pollution: les eaux usées. Les chercheurs pointent du doigt, entre autres, une station d’épuration dans la région de Severobaïkalsk. Initialement conçue pour les déchets ménagers, elle traite les eaux usées provenant du lavage des wagons de la RZD, les Chemins de fer russes. En 2010, la compagnie a changé de fournisseur au profit de détergents plus efficaces, mais plus dangereux, "un puissant cocktail de produits chimiques synthétiques, alcalins et même désinfectants", d’après Oleg Timochkine, biologiste à l’Institut de limnologie.
En amont, d’autres industries contribuent à ce phénomène en rejetant leurs eaux dans les affluents du lac. Sans oublier l’accroissement des flux de touristes face à des systèmes d’assainissement qui, quand ils existent, ne sont pas adaptés. Ni les eaux usées rejetées par les navires de la région… Selon Marina Rikhvanova, présidente de l’association Vague écologique du Baïkal, seules 1600 tonnes des 25000 tonnes d’eaux usées produites par les bateaux de la région d’Irkoutsk chaque année sont traitées.

La destruction de l’écosystème en marche


Si le lac, immense, est encore loin de se transformer en marécage, les scientifiques craignent la destruction irréversible de son écosystème naturel d’ici à une poignée d’années. Outre les bactéries entérocoques dangereuses pour la santé, ils ont constaté la mort de l’éponge qui filtre naturellement ses eaux. Avec plus de 900 espèces endémiques, selon l’Unesco (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture), le lac Baïkal est le plus riche au monde en termes de biodiversité. Or, les spirogyres étouffent les autres espèces d’algues et empêchent la reproduction de petits poissons qui sont à la base de la nourriture de l’omoul, le plus fameux – et le plus pêché – des poissons du lac. Et aucune étude n’a encore été menée sur la quantité présente dans les profondeurs.

Déjouer cette catastrophe écologique a un coût

Selon les experts, éviter cette catastrophe écologique coûterait environ 10 milliards de roubles (plus de 130millions d’euros). Cette somme permettrait de réaliser un diagnostic approfondi et de rénover ou construire de nouvelles installations de traitement des eaux tout au long de la côte.
Mikhaïl Gratchev propose également d’interdire les poudres contenant des phosphates sur tout le territoire russe. C’est ce qu’a fait la France en 2007 pour les lessives.    

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