Russie, Qatar, Gabon, Congo, Angola, … depuis son arrivée à la tête de Total le 21 octobre dernier, le nouveau directeur général Patrick Pouyanné a beaucoup voyagé. Mais s'il apprécie les destinations lointaines, le successeur de Christophe de Margerie ne néglige pas la vieille Europe. Ces derniers jours, c'est en mer du Nord que le pétrolier a réalisé ses mouvements les plus significatifs.
Démarrages en série
Début janvier, il annonçait le démarrage de la production du gisement de gaz d'Eldfisk II, un projet de 70.000 barils équivalents pétrole par jour au large des côtes norvégiennes. Ce matin, la phase 2 de West Franklin au large d'Aberdeen qui permettra de produire 40.000 bep/j. Et ces prochains mois, Total mettra en production, toujours en Ecosse, la zone de Laggan-Tormore.
Cet activisme gazier en mer du Nord ne lasse pas d'étonner. Pourquoi y investir, alors que les deux tiers des réserves ont déjà été exploités et que le dernier tiers, plus difficile d'accès, va coûter beaucoup plus cher à extraire? Les coûts de l'offshore sont en outre élevés, tout comme les taxes britanniques. "La plupart des champs d'hydrocarbures actuellement en production vont perdre l'argent ou n'en gagneront pas", déclarait fin décembre à la BBC Robin Allan, le président de l'association des explorateurs indépendants. Le prix du brut tournait autour de 60 dollars le baril. Il est aujourd'hui à 45. Ces derniers mois, plusieurs pétroliers comme le Norvégien Statoil et les Américains ConocoPhilips et Apache ont réduit la voilure ou gelé des investissements. Aujourd'hui même, BP a annoncé 200 suppressions d'emplois en mer du Nord.
Pari à moyen terme
Total n'est pas dans ce cas de figure, notamment pour le projet de West Franklin annoncé aujourd'hui. "Le champ a été découvert en 2003, la première phase date de 2007 et le lancement du projet de 2011", indique un porte-parole du groupe. La phase 2 du projet, qui contient des réserves de 85 millions de bep devrait durer au minimum 6 ans. A quel prix sera le baril à ce moment-là? Et de toute façon, West Franklin est moins exposé, car les prix du gaz ont moins chuté que ceux pétrole.
Course locale
Autre avantage, Total a déjà massivement investi le lieu. A côté de West Franklin se trouvent les gisements de Franklin, Glenelg et Elgin. "Le nouveau champ sera à côté d'une zone exploitée, il ne sera donc pas nécessaire de récréer une nouvelle infrastructure", indique Jean-Luc Romain, analyste au cabinet CM-CIC Securities. La mer du Nord est une zone stratégique pour Total, dont la filiale britannique est la huitième du groupe, avec environ 105.000 bep par jour. Le pétrolier qui y investit quelque 2 milliards d'euros par an espère dépasser cette année les champions locaux BP et Shell.
Nicolas Stiel pour ChallengeSoir