Philippe Esnol : "On a reçu l'ordre de fermer les yeux sur le port de la burka"

Après Malek Boutih, le sénateur radical Philippe Esnol (ex-PS) met les pieds dans le plat à propos de la montée du fondamentalisme religieux. Entretien.

Propos recueillis par

Philippe Esnol, ancien maire de Conflans-Sainte-Honorine, a quitté le Parti socialiste en 2013 pour rejoindre la Parti radical.
Philippe Esnol, ancien maire de Conflans-Sainte-Honorine, a quitté le Parti socialiste en 2013 pour rejoindre la Parti radical. © HALEY/SIPA

Temps de lecture : 3 min

En octobre 2013, le sénateur Philippe Esnol quitte le Parti socialiste avec fracas. L'ancien maire de Conflans-Sainte-Honorine, désormais inscrit chez les radicaux de gauche, rejoint les propos alarmants de Malek Boutih sur la montée du fondamentalisme religieux et la complicité de certains élus. Philippe Esnol a fait partie du groupe de parlementaires consultés lundi par Bernard Cazeneuve afin de renforcer les moyens de la sécurité face aux nouvelles menaces terroristes. Il livre son expérience sur le terrain. Entretien.

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Le Point : Malek Boutih a dénoncé ici la connivence entre certains élus locaux et le communautarisme religieux pour des raisons électoralistes. Partagez-vous son constat ?

Philippe Esnol : Malek Boutih a tout à fait raison. J'ai pu le constater notamment à propos du port de la burka. Il y a huit mois, alors que j'étais encore maire de Conflans-Sainte-Honorine (la ville a basculé à droite en mars 2014, NDLR), j'ai reçu la visite du procureur de la République qui m'a confié que des ordres avaient été donnés pour qu'on ferme les yeux sur le port de la burka afin de ne pas reproduire les émeutes qui, à la suite d'un contrôle de police, avaient mis le feu à Trappes à l'été 2013. J'ai interpellé Najat Vallaud-Belkacem au groupe PS sur cette question à l'époque où elle était ministre du Droit des femmes, au moment où l'on examinait la loi sur l'égalité femmes-hommes. L'égalité salariale, très bien, mais la condition des femmes dans les banlieues, quand en parle-t-on ? Ma question ne lui a pas plu. Elle a botté en touche. Avez-vous déjà fait un tour sur un marché à Mantes-la-Jolie ? C'est l'Arabie saoudite ! Une femme non voilée s'y sent mal à l'aise. J'ai été l'un des premiers au PS à défendre, avec Manuel Valls, l'interdiction de la burka. À l'époque, nos camarades socialistes nous traitaient d'"intégristes laïques"...

En tant que maire, avez-vous eu à traiter avec les communautés ?

J'ai dû faire face à une pression incessante des communautés religieuses. Quand ce n'est pas sur l'alimentation, on m'a demandé des horaires aménagés à la piscine. Je n'ai jamais voulu céder. Je suis un laïque et d'autant plus à l'aise pour en parler que je me suis battu pour offrir aux musulmans de ma ville un lieu de culte. Les musulmans ont parfaitement le droit d'exercer leur foi en toute quiétude. Mais pas dans la sphère publique ! Or, certains membres de cette communauté débordent constamment de la sphère privée. Et il faut le dire : cette religion n'a aucun recul sur elle-même et aucune capacité à l'autodérision. Ils ne comprennent pas la laïcité. J'en sais quelque chose, l'affaire de la crèche Baby Loup, c'est chez moi !

Avez-vous tenté d'alerter les autorités ?

J'ai demandé à voir Jean-Louis Bianco, le président de l'Observatoire de la laïcité. J'ai demandé par de nombreux canaux un rendez-vous. Jean-Louis Bianco (*) n'a jamais voulu me recevoir, et pourtant Françoise Laborde et David Kessler ont intercédé. Rien n'y a fait. Bianco a finalement pondu un rapport qui minimise tous les problèmes. Autre exemple vécu : quand une association salafiste ouvre une école coranique, un maire ne peut pas s'y opposer et le procureur de la République non plus dès lors que l'association a reçu l'accord du rectorat. Donc, nous savons que l'enseignement qui y est proposé tourne le dos aux valeurs de la République, mais nous sommes impuissants. J'ai par ailleurs également dû affronter les foudres des protestants évangéliques.

À quel moment ?

Dans ma mairie, une fonctionnaire de cette confession faisait du prosélytisme qui devenait gênant pour ses collègues. Elle était proche de la retraite, je me suis donc contenté de la déplacer, sans conséquence sur son traitement. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre d'insultes que j'ai reçues de la part des protestants évangéliques avec des mails qui venaient même du Canada où l'on me traitait d'"éradicateur du protestantisme". Accusation inepte ! J'ai moi-même deux enfants baptisés protestants...

François Hollande a tenté, ces jours-ci, d'apaiser les tensions communautaires. Que pensez-vous de son attitude ?

Il a eu raison de rappeler que toutes les religions avaient les mêmes droits et les mêmes devoirs. Et je le redis : il est légitime que les musulmans disposent de lieux de culte décents. Mais quand il ajoute que les musulmans sont les premières victimes du fanatisme, je considère que c'est une faute politique. C'est un aveuglement qui profitera au Front national.

(*) Jean-Louis Bianco réagit aux affirmations de M. Esnol : "Jamais M. Esnol n'a demandé à M. Bianco un rendez-vous. Nous découvrons cette demande dans votre article. M. Kessler n'est jamais intervenu auprès de M. Bianco. Mme Laborde est membre de l'Observatoire et n'a pas non plus fait savoir à M. Bianco que M. Esnol souhaitait le voir "avec insistance". "


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Commentaires (434)

  • Ambroudiane

    C'est l'une des inventions linguistiques de nos pleutres pour ne pas dire foulard islamique (à quand ces foulards portant des inscriptions en arabe ?), tout comme on dit meurtre à l'arme blanche pour ne pas dire "égorgement". Quel vilain mot ! Quelle laideut il laisse entendre. Il faut se voiler... La face : c'est ce qu'exigent nos bienpensants bien protégés des réalités que vivent les sans dents.

  • JPP5761

    On se doit de réagir, si on ne le fait pas c'est du laxisme qui mène aux attentats car plus on permet plus il en faut

  • Le guerrier silencieux

    Pour régner il faut diviser et sa ils savent le faire dans tout les domaines comme les quatres attentats déjouer en France mais on garde le silence plus hebdo Charlie la on ne peut le cacher mais en entendant on se tait et le peuple il ait ou dite le moi