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Franc suisse : les frontaliers s’enrichissent mais redoutent des retours de bâton

Les 140.000 résidents français qui travaillent en Suisse gagneront plus. Le commerce se frotte les mains. Les sous-traitants de l’industrie suisse restent dans l’expectative

Par Matthieu Quiret, Monique Clémens, Gabrielle Serraz, Christian Lienhardt (Correspondant à Strasbourg)

Publié le 18 janv. 2015 à 16:04

Depuis le déplafonnement du franc suisse, jeudi, les frontaliers français se ruent chez leurs banquiers. Ces travailleurs nomades habitent en France et mais perçoivent leur salaire de l’autre côté de la frontière , en Francs suisses. Pour changer leurs économies en euros, ils négocient annuellement un taux de change bloqué sur un an avec leurs banquiers. Cette année, si les banques suivent à 1,05 euro le franc suisse, contre 0,80 en 2014, 2015 s’annonce belle pour ceux qui continueront à traverser la frontière tous les jours. Un pouvoir d’achat qui fait un bond de 20 à 30 % ne peut que « réjouir les salariés. » constate Laurence Coudière, porte-parole du Groupement Européen des Frontaliers.

Fin 2014, 71.160 résidents de Haute-Savoie travaillaient dans le canton de Genève. Plus marginal, le millier de frontaliers suisses payés en euros va perdre 20 % de son pouvoir d’achat. Reste que « Les revenus des frontaliers montent de 20 à 30%, ce qui va être renforcé par la tendance à la diminution du nombre de frontaliers, un phénomène résultant de récente la votation sur l’immigration » souligne Roland Pascal, délégué général de la société de prospective, Haute-Savoie Avenir. Des quotas pour limiter le nombre de frontaliers sont en discussion et pourraient doper le nombre d’heure des salariés étrangers épargnés.

Peur des licenciements

Certains ont néanmoins peur de voir leurs salaires diminuer ou d’être payés en euros. « Au groupement des frontaliers on s’attend plutôt à des licenciements massifs « estime Laurence Coudière. « Quand les entreprises suisses vont perdre de leur compétitivité et des marchés, il est certain que les conséquences sur l’emploi se feront sentir : elles seront obligées de baisser les salaires ou de licencier» indique Jean-François Pissettaz de la Fiduciaire éponyme en France et de la Corraterie à Genève. Enfin certains frontaliers qui ont emprunté en francs suisses pour de l’immobilier voit leurs endettement augmenter de 13 à 15 %.

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Dans la région mulhousienne, les 34.500 travailleurs frontaliers actifs en Suisse se frottent les mains. « Pas besoin de négocier une augmentation cette année, elle tombe du ciel », plaisante Fabien qui travaille dans la chimie bâloise et habite Saint-Louis. « Bien sûr, on dira que les frontaliers sont encore plus riches », s’agace pour sa part Jean-Luc Johaneck, le président du Comité de défense des travailleurs frontaliers. Pour lui, le surplus de salaire en euros permettra « au mieux de compenser le surcroît de cotisations sociales imposé par la France, en moyenne 300 à 500 euros de plus par mois ». De plus, Jean-Luc Johaneck craint l’effet d’un affaiblissement de l’économie helvète et la tentation des entreprises suisses de jouer dumping social, comme en 2011, en réduisant les salaires des seuls frontaliers sous prétexte que convertis en euros il n’y aurait aucune perte en pouvoir d’achat. « A l’époque, plusieurs cas avaient fait l’objet d’actions en justice et les frontaliers avaient eu gain de cause », rappelle Jean-Luc Johaneck. Toutefois, pour éviter une rupture de contrat, plus de 3.000 travailleurs frontaliers avaient accepté, rien que dans le canton de Bâle, une baisse de 10% de leur salaire et un accroissement de la durée du travail.

Mêmes réactions mi-figue mi-raisin en Franche-Comté, où 22.500 Français vont chaque jour travailler côté Suisse. « La nouvelle frontière entre la France et la Suisse, c’est désormais le taux de change », sourit-t-on à la CCI du Doubs. « La conséquence sur les salaires est encore fictive puisque les frontaliers ne toucheront leur paie qu’à la fin du mois », explique prudemment Valérie Pagnot, juriste de l’Amicale des Frontaliers qui compte 13.000 adhérents en Franche-Comté. « Mais nous avons une vive inquiétude sur les conséquences sur l’industrie et l’économie suisses et sur l’emploi frontalier. » A la CCI du Doubs, on redoute aussi le risque de récession dans l’horlogerie suisse. La chambre consulaire craint par ailleurs une demande plus forte côté suisse pour les emplois qualifiés, et donc davantage de difficultés de recrutement pour les entreprises franc-comtoises, ainsi qu’un dumping salarial côté Suisse.

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