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Emotion à Béthune après des actes islamophobes

La future mosquée a été taguée d’un « Dehors les Arabes » après l’attentat contre « Charlie Hebdo ».

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Publié le 17 janvier 2015 à 03h59, modifié le 19 août 2019 à 13h45

Temps de Lecture 4 min.

Dans le local de l'Association des musulmans de l'agglomération de Béthune, le 16 janvier.

Vendredi 16 janvier, à Béthune (Pas-de-Calais), avant la prière du soir, la discussion est animée dans la petite salle de prière aménagée tant bien que mal à 200 mètres de là, au rez-de-chaussée d’un autre immeuble de la zone à urbaniser en priorité (ZUP) de Mont-Liébaut, seul lieu de culte musulman de la ville.

La salle se trouve à quelques mètres du chantier de la future mosquée, qui s’éternise faute de financement, et dont la palissade a été taguée d’un « Dehors les Arabes » inscrit à la peinture noire dans la nuit du 8 au 9 janvier. L’Association musulmane de l’agglomération béthunoise (AMAB) a porté plainte, des empreintes digitales ont été relevées sur les lieux. Une enquête est en cours.

« Ce n’est pas le premier incident : des ouvriers ont été caillassés, des pieds et des têtes de porc ont été jetés par-dessus la palissade… », raconte Yassine Brahim, président de l’Association des musulmans de l’agglomération béthunoise.

« La mosquée sera un lieu cultuel »

« Nous n’avons pas ébruité ces incidents pour ne pas perturber la campagne », reconnaît Stéphane Saint-André, député (PRG) et ancien maire battu aux élections de mars 2014, présent à la conférence. « Ce projet de mosquée, c’est moi qui en ai délivré le permis de construire, mais ce n’est pas ça qui m’a coûté mon élection », assure-t-il.

Son successeur, Olivier Gacquerre (UDI), partage l’émotion de ses concitoyens : « Nous avons dès que possible fait effacer le tag. Je connais bien le quartier du Mont-Liébaut, dont je suis un enfant, confie-t-il. Je défends ce multiculturalisme, ce brassage. Je suis moi-même catholique et ma femme musulmane. La mosquée sera un lieu cultuel, pas de prosélytisme. »

« La société française nous permet de pratiquer notre religion. A nous d’ouvrir nos mosquées »

Jamais avouée franchement, l’opposition à la mosquée de Béthune existe pourtant bel et bien. Jimmy (qui souhaite rester anonyme), ouvrier, habitant de cette ZUP, ne cache pas son hostilité : « Des mosquées, il y en a déjà partout dans la ZUP, et chez eux, on n’a pas le droit de construire des églises ! », lance-t-il.

« Nouvelle provocation »

« C’est vrai que la nouvelle de cette construction n’a pas été accueillie de gaieté de cœur par les habitants de la cité des Cheminots, qui ont été mis devant le fait accompli », admet Jacques Guyot, président de l’association des habitants de cette résidence. Cet ensemble d’après-guerre de 230 maisons de brique, plutôt coquettes avec leurs jardinets, héberge pour l’essentiel des retraités du rail qui ne communiquent guère avec leurs voisins de la ZUP. Le projet de mosquée est d’autant plus mal passé qu’il a été implanté sur un terrain de la SNCF où il y avait un foyer et une bibliothèque qu’ils fréquentaient.

Comme chaque trimestre, l’AMAB, créée en 2006, organise une conférence à la Maison des associations qui accueille chaque vendredi la grande prière. Le but : montrer que la laïcité à la française ne signifie pas l’hostilité aux religions. Dès le début de la conférence, l’imam s’est montré ferme : « Musulmans, arrêtez de pleurer sur vous-mêmes. Vous n’êtes pas français à moitié, affirmez votre identité nationale. La société française nous permet de pratiquer notre religion. A nous d’ouvrir nos mosquées », lance l’imam Hassan Iquioussen aux quelque 150 fidèles de Béthune, hommes et femmes séparés, venus l’écouter, vendredi soir. Le thème de la conférence, « Quel regard porter sur l’islam d’aujourd’hui ? », choisi bien avant les récents événements, prend encore plus de sens.

« Oui, il faut le reconnaître, il y a, dans notre confession, des tarés qui sont très dangereux et que nous devons dénoncer, insiste l’imam Iquioussen. Si vous trouvez qu’il y a des choses à changer dans la société française, parce qu’il y a trop de chômage ou parce que vous pensez qu’il faudrait une loi contre l’islamophobie, votez, allez voir votre député. »

« Nous condamnons la tuerie et ces actes barbares, mais la couverture du dernier numéro de Charlie Hebdo, qui représente à nouveau le Prophète, m’a anéanti. C’est une nouvelle provocation et j’ai peur du cercle vicieux, explique Mohammed Elgarcham, boulanger dans un des derniers commerces de la ZUP, et je ne suis pas Charlie. »« Moi si, je suis Charlie, mais aussi Mohamed, Pierre… », lui répond Salem Bouzbaya. Surgit alors Roger, 82 ans, habitant du quartier, un catholique qui vient régulièrement retrouver ceux qu’il appelle ses « frères ». « Je préfère prier ici qu’à l’église, avec eux je suis heureux, je les aime. »

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« Devons-nous quitter la France et nous installer dans un pays musulman, pour vivre notre foi ? », s’interrogent finalement des participants à la fin de la conférence. « Ne rêvez pas : bien des pays musulmans ne vous offrent pas autant de liberté que la France. Vous êtes cependant libres de vous expatrier si vous voulez. Et, comme la France est généreuse, vous gardez votre nationalité », conclut l’imam.

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