Ils n'étaient que 200. Un chiffre anodin et pourtant lourd de signification. Car c'était la première fois, depuis les attentats du néonazi Anders Breivik, en 2011, que l'extrême droite norvégienne se manifestait en aussi grand nombre.

C'était lundi dernier à Oslo. Répondant à l'appel du mouvement PEGIDA (Patriotes européens contre l'islamisation de l'Europe), ils ont défilé en rangs pour protester contre l'immigration musulmane. Des drapeaux norvégiens flottaient dans les airs. Et il y avait beaucoup de policiers.

«Notre objectif est d'attirer l'attention sur le fait qu'on a de gros problèmes liés à l'influence des musulmans en Norvège», a déclaré Max Hermansen, qui est à l'origine de la marche, l'une des premières à se tenir en dehors d'Allemagne, où le mouvement est né.

Hermansen, enseignant de profession, reproche notamment aux musulmans d'être surreprésentés dans les statistiques de chômage et de criminalité en Norvège. Il considère que leur présence est une «catastrophe économique» pour le pays. «C'est l'éléphant dans la pièce. Il faut en parler.»

D'autres craignent que la Norvège s'islamise au point de perdre son identité. «Nous ne sommes pas racistes, mais avouez qu'il y a un vrai danger, lance Mona en tenant fermement son drapeau norvégien. Regardez dans les écoles. On ne parle plus que de charia. On ne peut même plus montrer des images de cochons.»

Phénomène marginal?

Ils n'étaient que 200. Beaucoup moins qu'à Dresde, en Allemagne, où les manifestations de PEGIDA attirent désormais plus de 25 000 personnes. Mais en Norvège, où l'extrême droite est marquée au fer rouge depuis les attentats terribles d'Anders Breivik, qui a tué 77 personnes en 2011, cette manifestation anti-islamique montre que le mouvement est toujours bien en vie.

Dans la foulée des attentats de Paris, cette mobilisation n'a «rien de surprenant», souligne de son côté Singre Bangstad, professeur d'anthropologie sociale à l'Université d'Oslo. PEGIDA est un parfait exutoire pour l'islamophobie ambiante. «Le climat est favorable au recrutement», dit-il.

Les experts hésitent toutefois à tirer la sonnette d'alarme. Contrairement à la Suède, où le mouvement néonazi est solidement implanté, l'extrême droite norvégienne est un phénomène relativement marginal.

L'immigration n'en demeure pas moins un dossier épineux dans ce pays de 5 millions d'habitants, dont 14% sont d'origine étrangère. Signe d'un malaise: la coalition au pouvoir comprend le Parti progressiste norvégien, une formation de droite qui préconise un resserrement de l'immigration, et dont certains membres se déclarent ouvertement islamophobes.

«C'est une réalité, résume Singre Bangstad. En Norvège, le sentiment anti-immigration est partie prenante de la politique. Dans un pays où 9 personnes sur 10 sont pour une plus grande restriction de l'immigration, il ne fait aucun doute qu'un parti qui aurait une politique d'immigration plus libérale serait voué à l'échec.»

Inquiétude

Les musulmans de Norvège, eux, ne cachent pas leur inquiétude devant la montée de PEGIDA. Il y a déjà beaucoup de discrimination. Ils craignent que le clivage s'intensifie.

«Les préjugés sont forts, résume Thee Yezen, militant antiraciste rencontré devant le parlement norvégien, à deux coins de rue de la manifestation néonazie. Ils nous appellent "terroristes", "violeurs", "voleurs", "criminels"... C'est très difficile.» Pour le jeune musulman, la solution devra passer par le dialogue. «On ne s'est jamais parlé. On s'est juste détestés. Maintenant, il y aura un débat. On doit se parler.»