
PRIMAIRE UMP - "Je suis pour aller très loin dans l'ouverture, y compris jusqu'aux sarkozystes". La boutade de 2007 prêtée à Patrick Devedjian prend une toute autre résonance en ce 20 janvier 2015. Car si tout le monde s'accorde à dire que la primaire UMP de 2016 aura bien lieu et que Nicolas Sarkozy sera candidat, le parti s'interroge encore sur le degré d'ouverture de cette compétition interne censée désigner le champion de la droite et du centre pour l'élection présidentielle de 2017.
"Sarkozy a changé deux fois de stratégie sur les primaires. Il a pris l'UMP pour les éviter. Puis il s'est laissé convaincre par l'idée d'une primaire réduite aux sympathisants. Son score à la présidence de l'UMP et la certitude que l'unité passait par des primaires ouvertes ont fait le reste", se félicite un cadre du parti.
Reste à savoir qui voudra et surtout qui pourra se qualifier pour lui contester l'investiture suprême. La commission pour l'organisation des primaires, présidée par le lemairiste Thierry Solère, doit justement se réunir ce mardi pour évoquer cette question cruciale des candidatures et des parrainages. "Il faut que tous les candidats sérieux puissent se présenter tout en empêchant les candidats zozos", résume de manière lapidaire un des membres de la commission.
La primaire socialiste a aiguisé les appétits
Trop restrictifs, les critères de sélection risqueraient en effet de faire polémique, voire de précipiter une candidature dissidente. Trop ouverts, et c'est le risque d'une avalanche de candidatures qui n'est pas à exclure. D'autant que l'exemple socialiste aiguise les appétits. "En 2011, Montebourg a fini troisième, il a été ministre. Valls a fait 5%, il est à Matignon. Baylet a fait moins de 1%, il a un groupe parlementaire", rappelle-t-on à l'UMP. Autrement dit, sans filtre, le scénario d'un scrutin à 10 candidats est ouvert.
L'UMP pourrait donc s'inspirer des règles de l'élection présidentielle pour limiter le nombre de postulants, à savoir 500 parrainages de grands élus UMP provenant d'au moins 30 départements différents. Autre hypothèse: imposer un nombre de parrainages parlementaires (députés, sénateurs et eurodéputés) venant d'un certain nombre de circonscriptions.
En son temps, le PS avait opté pour la règle dite des 5%: soit 5% des parlementaires socialistes (17 parrainages à l'époque), soit 5% des membres du conseil national du PS (16 parrainages), soit 5% des conseillers régionaux ou généraux socialistes (100 parrainages), soit 5% des maires socialistes des villes de plus de 10 000 habitants (16 parrainages).
Ce système avait eu l'avantage de ne léser aucun profil, qu'il s'agisse des anciens premiers secrétaires du PS (François Hollande et Martine Aubry), des anciens candidats à la présidentielle (Ségolène Royal) ou des francs-tireurs (Arnaud Montebourg et Manuel Valls).
La grande inconnue des centristes?
Deux inconnues risquent de compliquer encore un peu plus la tache de la commission. Quelle place accorder aux partis-fondateurs de l'UMP, à commencer par l'ex Parti Chrétien démocrate de Christine Boutin, très proche de la Manif pour tous et désormais présidé par le député Jean-Frédéric Poisson?
Autre incertitude de taille, la participation des centristes est encore loin d'être acquise et fait l'objet d'une véritable guerre de positions. François Bayrou fait la fine bouche et Nicolas Sarkozy a clairement invité ses partenaires de l'UDI à présenter un candidat tout en fermant la porte au Modem, accusé d'avoir appelé à voter Hollande en mai 2012. Hypothèse récusée par Alain Juppé, proche du maire de Pau, et par Jean-Christophe Lagarde, le tout nouveau patron de l'UDI.
"Mon sentiment personnel est qu'une primaire n'a de sens que pour avoir un candidat unique de l'opposition républicaine. Elle doit donc concerner l'UMP, l'UDI et le MoDem. Mais si François Bayrou refuse d'y participer, la primaire n'a plus d'objet et devient une élection interne à l'UMP", a tranché le successeur de Jean-Louis Borloo en décembre dernier.
La question d'une participation de l'UDI à la primaire sera finalement validée par les adhérents lors d'un congrès au premier semestre 2016. S'il décide de présenter un candidat, le parti centriste pourrait bénéficier d'une invitation officielle, comme le PRG de Jean-Michel Baylet en 2011, avec un généreux accord électoral pour les législatives en prime.
Vers une "primaire pour tous" les 9 et 16 octobre 2016
Pour le reste, les choses avancent d'autant plus vite que la primaire socialiste de 2011, pourtant très critiquée par la droite à l'époque, fait aujourd'hui figure de référence. Les dates du 9 et 16 octobre 2016, déjà choisies par le PS cinq ans auparavant, ont le vent en poupe. Deux autres dates sont évoquées mais présentent des inconvénients majeurs: les 16 et 23 octobre tombent en plein milieu des vacances de la Toussaint, et les 6 et 13 novembre sur un 11 novembre férié.
Du côté de l'électorat autorisé à participer, là aussi, les choses se sont rapidement décantées au sein de la Commission où siègent notamment le sarkozyste Brice Hortefeux, le juppéiste Edouard Philippe ou la constitutionnaliste Anne Levade. La formulation de la charte des valeurs que devront signer les électeurs est la plus large possible et s'adresse directement aux centristes: "Je partage les valeurs de la droite et du centre et je m’engage pour l’alternance afin de réussir le redressement de la France". Pas de quoi rebuter les citoyens non-encartés et les adhérents de l'UDI qui souhaiteraient participer.
Ces conditions collent d'ailleurs aux exigences posées par le maire de Bordeaux Alain Juppé qui a fait de l'ouverture du scrutin la condition sine qua non de sa participation. La compétition doit être "largement ouverte à tous ceux qui ne veulent pas du Front national et à tous ceux qui pensent que l'expérience en cours doit être interrompue", avait-il réclamé. C'est a priori chose faite.
Autre point d'accord qui semble faire l'unanimité: l'UMP a tiré un trait sur le scénario d'un vote électronique, certes moins coûteux mais incompatible avec les exigences d'un scrutin ouvert. Comme pour le Parti socialiste en 2011, la primaire UMP 2016 passera donc par un scrutin physique avec des centaines de bureaux de vote ouverts aux Français inscrits sur les listes électorales.