VIDEO. Une campagne contre le viol ordinaire

87 000 Françaises sont victimes de viol ou de tentative de viol chaque année. Ce clip va bousculer les idées reçues : dans 80 % des cas, l'agresseur est un ami d'ami, un copain, un voisin... qu'on n'ose pas dénoncer.

Dans le clip du Collectif féministe contre le viol, cette femme côtoie son violeur, un ami qu’elle n’a pas osé dénoncer.
Dans le clip du Collectif féministe contre le viol, cette femme côtoie son violeur, un ami qu’elle n’a pas osé dénoncer. (DR)

    Un homme arrive dans une fête et fait la tournée des bises. La voix off d'une femme commente ce qu'il représente pour chaque convive : « le témoin de mariage », « l'homme le plus drôle qu'on connaisse », « le pote sur qui on peut compter ». La caméra s'arrête sur le visage bouleversé auquel appartient la voix. Elle reçoit la dernière bise, pétrifiée : « Pour moi, c'est l'homme qui m'a violée. Et ça, qui peut l'entendre ? » Dans ce clip court et percutant qui sera diffusé dès ce matin sur Internet et à partir du 27 janvier sur une quinzaine de chaînes télévisées, pas de cri, pas d'impasse mal éclairée ni d'ombre menaçante brandissant un couteau... Le viol est un cauchemar silencieux, ignoré de tous, à peine pensable, encore moins racontable, qui implique un proche au-dessus de tout soupçon. Et si le clip est fort, c'est qu'il est juste.

    « Près de 80 % des auteurs de viol sont des personnes que la victime connaît », explique Gilles Lazimi, directeur du centre municipal de santé de Romainville (Seine-Saint-Denis) et membre du Collectif féministe contre le viol à l'origine de cette campagne réalisée gracieusement par l'agence de communication New BBDO. C'est le père de votre meilleure amie, qui profite d'un moment seul à seul un week-end. Le copain qu'on héberge sur son canapé parce qu'il a soi-disant trop bu pour rentrer. Le gentil voisin qui s'est fait des idées et qui vous plaque au mur... « Assumer de porter plainte contre quelqu'un qui fait partie de votre vie, c'est extrêmement difficile. Surtout que les autres sont rarement prêts à l'entendre », poursuit Gilles Lazimi. « Il faut donc sensibiliser l'opinion... Il en va de la vie des victimes parfois, car un viol, surtout qu'on ne peut pas raconter, c'est un traumatisme dont le retentissement physique et psychique peut littéralement dévaster. »

    VIDEO. Campagne contre le viol du Collectif Féministe contre le Viol - 2015.

    Une double peine

    Elles sont très peu à porter plainte : seules 13 % des 87 000 femmes violées ou qui ont failli l'être engagent une procédure, et 1 % seulement de ces plaintes aboutiront à une condamnation. Le non-consentement des victimes est souvent mis en doute par un « il n'y a pas de fumée sans feu » insultant. « Le viol par le proche, c'est la double peine pour la victime et l'impunité garantie pour le violeur ! » résume Emmanuelle Piet, militante du collectif, dont la permanence téléphonique* traite 7 000 appels par an. « Nous sommes souvent la première et la seule oreille solidaire. Les rares femmes qui se sont confiées à leur entourage ont essuyé des c'est pas possible, un gars si gentil... Cela revient à les traiter de menteuses. Presque toutes espèrent oublier, mais bien souvent ça remonte, elles font des cauchemars... Etre reconnue comme victime, c'est essentiel. »

    * Viols-femmes-informations : 0800.05.95.95, numéro gratuit du lundi au vendredi de 10 heures à 19 heures.