Pourquoi les socialistes adorent soudain le prélèvement à la source
PETITS CALCULS - Chaque semaine, Nicolas Prissette, journaliste au service politique du JDD, décrypte les politiques économiques et sociales. Cette semaine, il revient sur les déclarations de Jean-Marc Ayault sur le prélèvement de l'impôt à la source.
Mercredi matin, Jean-Marc Ayrault a estimé sur RTL que prélever l’impôt à la source, "ça serait sûrement plus simple" . Le Premier ministre a ainsi dévoilé une première piste de sa réforme fiscale. Une déclaration bien calculée. Le prélèvement à la source n’a rien pour effrayer l’opinion - tant qu’on ne rentre pas dans les détails. Il est plébiscité par les députés PS, avec qui le chef du gouvernement l’a évoqué lundi lors de leur réunion à huis clos.
En fait, les élus socialistes pressent Ayrault d’agir en ce sens, les avantages politiques l’emportant selon eux sur les inconvénients (l’hostilité des syndicats, la conjugalisation…). Le prélèvement à la source a deux vertus majeures, explique-t-on dans les couloirs de l’Assemblée. D’une part, les Français y verraient un changement concret, une preuve d’action – quand bien même cela ne changerait pas forcément grand chose à leur vie quotidienne. D’autre part, ce modus operandi rend l'impôt indolore, comme le sont déjà les cotisations sociales. Quel salarié sait dire combien il paye de CSG, prélevée sur sa feuille de paye? L’impôt indolore, donc, un soulagement pour les majorités présentes et futures!
Avec son petit bout de phrase matinal sur le prélèvement à la source, Jean-Marc Ayrault a ainsi marqué davantage son territoire et conforté son aura retrouvée sur les députés. Pour les sujets qui fâchent, on verra plus tard. Le Premier ministre devait préciser le calendrier et la méthode de sa réforme en début de semaine avant son départ en Chine. On attendait notamment de savoir si un organisme ou une instance serait chargée de plancher sur la fiscalité des particuliers. Mais rien n’a été précisé.
C’est le nœud du sujet. Qui va se pencher sur la CSG? Une vraie réforme de fond, pour le coup, est en jeu. Cet impôt inventé par Michel Rocard devrait être rendu progressif, avec l’instauration de taux différents en fonction des niveaux de salaires. Un totem à gauche. Le groupe socialiste y tient mordicus. "Si on ne le fait pas, c'est la fin d'Ayrault et surtout la fin du quinquennat", entend-on. Mais cela impliquerait un transfert politiquement suicidaire des catégories modestes vers les classes moyennes et supérieures. Là, les candidats ne se pressent pas…
Jean-Marc Ayrault dispose d’un levier pour mener la réforme de la CSG en la baissant pour les pauvres sans l'augmenter pour les riches : réaliser des économies supplémentaires. Le Premier ministre a d’ailleurs évoqué à la radio le montant de 50 milliards d’euros, alors qu’il parlait jusqu’ici de 45 milliards (sur trois ans). Mais, en matière d’économies, aucune piste ne fuite du gouvernement, aucun groupe de travail n’est lancé à l’Assemblée, et aucune concertation n’est prévue. Seul un rapport est attendu, confié aux anciens ministres Alain Lambert et Martin Malvy. Il doit être remis… après les municipales.
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Source: JDD papier
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