C’est le démineur en chef de la loi Macron. Richard Ferrand, 52 ans, député socialiste, est rapporteur général de ce monstre législatif, qui est examiné par l’Assemblée à partir de lundi 26 janvier. A la manœuvre dans une "commission spéciale" qui a planché sept jours d’affilée sur cette réforme, Richard Ferrand a tenté de lever les oppositions à cette loi, jugée beaucoup libérale par une partie de son camp. Sa tâche ne sera pas aisée. Certes, trente patrons, économistes et intellectuels ont lancé un appel, dimanche, dans le "Journal du Dimanche" pour voter la réforme. Mais les frondeurs ont riposté en présentant leurs propositions alternatives. Avant de la défendre dans l’hémicycle, Richard Ferrand décrypte la loi phare du quinquennat de François Hollande.
La loi Macron fait l’objet de vives critiques dans votre camp. Est-ce une loi de gauche ?
C’est sans doute la loi la plus à gauche du quinquennat. On la taxe de libérale mais la gauche a oublié que les idées libérales, du siècle des Lumières, sont des idées de progrès. Cette loi est libérale car elle s’oppose à tous les conservatismes. Elle promeut l’égalité des chances en permettant aux jeunes professionnels du droit de s’installer et en mettant fin au système de cooptation actuel. Elle rend le travail du dimanche et de nuit plus juste, en imposant des compensations pour tous les salariés. Et elle redonne du pouvoir d’achat en améliorant la régulation des péages autoroutiers, ce qui permettra de combattre les dérives tarifaires, et en mettant plus de concurrence dans la grande distribution. Les grandes enseignes qui détiennent plus de 50 % de parts de marché, localement, devront céder des magasins.
Comment jugez-vous les critiques sur la réforme du travail du dimanche, notamment celle de Martine Aubry qui dénonce une régression sociale ?
C’est une formule très emphatique. Est-ce un enjeu de civilisation que de faire passer le nombre de dimanches travaillés de 5 à 12 par an, comme le prévoyait le projet de loi initialement ? En plus, nous l’avons amendé : les maires pourront ouvrir entre zéro et 12 dimanches. Dans les zones touristiques, il faudra obligatoirement signer un accord de branche prévoyant les compensations, en matière de rémunération. Au nom de quoi un homme de gauche peut-il s’opposer à l’assouplissement du travail du dimanche dans ces conditions ?
Cécile Duflot estime que cette loi est anti-environnement. Que lui répondez -vous ?
Elle souhaite mettre en échec la loi Macron, comme elle l’a déclaré. Mais elle ne l’a pas lue. Nous allons simplifier le droit de l’environnement par ordonnance mais n’avons pas donné, pour autant, un chèque en blanc au gouvernement. Le dispositif sera élaboré avec le Conseil national de la transition écologique, où siègent des représentants des associations écologiques.
C’est une loi hors norme, véritable monstre législatif. Comment l’avez-vous géré ?
C’est sans doute la loi la plus volumineuse jamais examinée par le Parlement. Elle atteint 200 articles, 1743 amendements ont été déposés en commission et 495 adoptés. La commission a siégé 82 heures en une semaine. Emmanuel Macron, le ministre de l’Economie, y a travaillé de bout en bout et répondu à tous les amendements, dans les moindres détails. Il a été excellent : franc, courtois et plein d’humour. La droite l’a même applaudi à la fin des travaux
On vous considère comme l’un des démineurs de la loi. Comment avez-vous essayé de lever les oppositions ?
Au sein de cette commission spéciale, l’alchimie a été positive. Nous avons réussi à lever les craintes et les points de blocage. Je pense être assez fédérateur au sein de la famille socialiste. Je suis mitterrandiste, proche de personnalités différentes comme Claude Bartolone, Louis Mermaz ou Henri Emmanuelli. Dans l’équipe de "rapporteurs spéciaux" de la loi, j’ai choisi des députés qui connaissent bien leur domaine et de sensibilité différente. Certains font même partie de ce qu’on appelle les "frondeurs".