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Pourquoi le scénario grec n'est pas d'actualité en France

Alexis Tsipras, entouré de Jean-Luc Mélenchon et de Pierre Laurent. PIERRE ANDRIEU/AFP

LE SCAN POLITIQUE/INFOGRAPHIES - Plusieurs responsables politiques à la gauche du PS croient à «l'effet domino» entre la Grèce et la France. Mais une comparaison des situations politiques et économiques des deux pays permet de relativiser ces prédictions.

Les politiques se bousculaient, lundi matin, pour commenter la victoire de Syriza en Grèce. N'hésitant pas à anticiper les conséquences de la victoire d'un front anti-austérité sur les scènes politiques européenne et française. Pour Cécile Duflot, «il est l'heure d'une alternance européenne». «On peut penser que par un effet de dominos, l'Europe peut être refondée, réorganisée de manière complétement différente», renchérit Jean-Luc Mélenchon, soutien historique d'Alexis Tsipras. Il assure qu'«un espace est en train de se dessiner» en France pour une coalition alliant le Front de gauche et les écologistes, sur le modèle de Syriza. Pouvoir affaibli, euroscepticisme galopant, ras-le-bol fiscal… La «gifle» grecque peut-elle se répéter à l'identique en France? Pas si sûr.

» La France n'a pas connu la crise grecque

La France n'est pas la Grèce: le gouvernement français ne pratique pas l'austérité comme a pu le faire son homologue grec depuis 2010. Même si certains Français, qui ont vu leur pouvoir d'achat diminuer, n'ont pas la même impression. En Grèce, le nombre de fonctionnaires a été réduit de 200.000 durant les quatre dernières années, là où il ne cesse d'augmenter en France pour atteindre le chiffre de 5,6 millions. Les revenus des salariés grecs se sont effondrés de 30% depuis 2010 quand ceux des Français a progressé de près de 5%. Autre symbole mis à mal en Grèce: les retraités, dont les pensions ont dégringolé pour certains de 40% depuis 2010. À titre de comparaison, entre 2010 et 2012, les pensions moyennes des retraités français ont augmenté d'environ 6%.

» En France, le pouvoir n'a pas été «kidnappé»

Outre la crise, le ras-le-bol exprimé par les Grecs lors de ces élections législatives tient aussi d'un particularisme local: depuis la chute des colonels, en 1974, jusqu'en 2011, le pouvoir était aux mains de trois dynasties familiales. Celle des Mitsotakis, héritiers du fondateur de la Grèce moderne Elefteros Vanizelo (un premier ministre, Constantin, de 1990 à 1993). Celle des Caramanlis, (Constantin, premier ministre pendant 14 ans puis président de la République, puis son fils Costas, premier ministre de 2004 à 2009). Et enfin celle des Papandréou, (Andréas, premier ministre de 1981 à 1989, puis de 1993 à 1996, puis Georges, premier ministre de 2009 à novembre 2011), qui a créé et dirigé le Pasok, le PS grec, devenu très impopulaire. Depuis ce dimanche, et pour la première fois depuis 40 ans, les Papandréou ne sont plus représentés au Parlement. Là encore, rien de comparable en France, où le Parti socialiste, bien qu'impopulaire, n'est pas associé à une oligarchie familiale et ne s'expose donc pas au même vote-sanction que son frère grec.

» En France, la coalition de la gauche radicale peine à s'unir

Syriza est une coalition de plus de 15 partis de gauche radicale, alliée aux écologistes, qui s'est peu à peu consolidée depuis le début des années 2000. En France, les tentatives d'alliances à la gauche du PS sont plus récentes et moins larges. Le Front de gauche, qui réunit le PCF et le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, s'est constitué au moment des européennes de 2009, mais ses succès électoraux sont en dent de scie et sa solidité s'émousse au gré des tensions à répétition entre ses deux principaux partenaires. Pour renforcer l'attelage en vue de 2017, Jean-Luc Mélenchon cherche à l'élargir aux écologistes. Un meeting commun a été organisé la semaine dernière et des alliances locales sont en discussion. Mais l'affaire est loin d'être gagnée, au vu des ambitions présidentielles de Cécile Duflot, et des réticences exprimées par l'aile droite du parti écologiste.

» En France, la dynamique est du côté du FN

En Grèce, Syriza a profité du vide laissé par un Parti socialiste en déliquescence, sur lequel l'extrême-droite n'a en revanche pas réussi à capitaliser. Avec 6,88 % des suffrages, le parti Aube Dorée perd 60.000 voix et un siège au Parlement. Bien loin de la dynamique engagée par le Front national en France depuis 2012. Un exemple: lors des dernières européennes, le Front de gauche n'a récolté que 6,3% des voix, contre près de 25% pour le FN. Les commentaires réjouis de Marine Le Pen sur la victoire de Syriza démontrent que le Front national compte bien continuer à disputer au Front de gauche l'électorat eurosceptique et anti-austérité.

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