Liberté d'expression : le match France-Amérique

Un juriste américain doute de la liberté d'expression en France. Ce n'est vraiment pas mieux dans son pays. L'analyse de Sophie Coignard.

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Aux États-Unis, Dieudonné ne trouverait peut-être pas de salle pour abriter son spectacle, mais il ne serait pas interdit.
Aux États-Unis, Dieudonné ne trouverait peut-être pas de salle pour abriter son spectacle, mais il ne serait pas interdit. © AFP PHOTO / PATRICK KOVARIK

Temps de lecture : 2 min

"Ce qui menace la liberté d'expression en France, ce n'est pas le terrorisme, ce sont les Français." À la mi-janvier, le professeur de droit constitutionnel américain Jonathan Turley a publié sous ce titre provocateur une tribune dans le Washington Post. Turley est certes considéré comme un original pour ses prises de position qui ne correspondent à aucun alignement politique, mais, pour une fois, beaucoup d'Américains partagent son point de vue. Aux États-Unis, la liberté d'expression est garantie par le premier amendement de la Constitution. Il est donc possible de tenir des propos racistes ou haineux sans être inquiété. Ainsi, un Dieudonné américain ne trouverait peut-être pas de salle pour abriter son spectacle, avec un peu de chance ses vaticinations n'intéresseraient personne, mais il ne serait pas interdit.

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La France, vue d'Amérique, regorge de moyens pour limiter la libre parole. En plus des textes de loi, fort nombreux, la parole des dirigeants politiques va toujours dans le même sens, celui de la limitation. Alors que sont publiées les caricatures de Mahomet, en 2006, Jacques Chirac rappelle que la liberté d'expression doit s'exercer dans un esprit de responsabilité. Six ans plus tard, sur le même sujet, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault met en garde à son tour en rappelant "les limites imposées par la loi".

Le délit de blasphème revisité

Beau joueur, le professeur de droit reconnaît que les pouvoirs publics américains sont animés par la même tentation qu'en France. Il raconte comment l'administration Obama a envisagé d'instaurer un délit de blasphème "pour éviter de créer de nouvelles divisions". Hillary Clinton, quand elle était secrétaire d'État, a même reçu des délégations pour tenter de faire avancer ce dossier. En France, un tel retour en arrière ne viendrait à l'esprit d'aucun décideur sensé. Et c'est Barack Obama qui a déclaré, à la tribune des Nations unies, que "l'avenir ne doit pas appartenir à ceux qui calomnient le prophète de l'islam". Ce qu'omet de préciser Jonathan Turley, c'est que beaucoup de journaux américains, à commencer par le New York Times, n'ont reproduit ni les caricatures ni la couverture du dernier Charlie Hebdo. Au pays du premier amendement aussi, la liberté d'expression est menacée, avant tout par... les Américains.

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Commentaires (51)

  • Bashing

    Entre 28 et 40 ans, j'ai passé 12 ans de ma vie aux USA, j'ai donc eu tout le loisir d'observer le fonctionnement des différentes strates de la nation américaine. Effectivement, en apparence, le 1er amendement garantit une liberté d'expression totale. Dans de nombreux squares, vous pouvez trouver des "Speakers'Corners" qui vous permettent d'haranguer la foule nombreuse (?) qui ne manquera pas de venir vous écouter.

    Voilà pour l'apparence... Sauf que derrière, la société américaine est restée imprégnée du haut en bas de l'échelle par les règles non écrites de son puritanisme fondateur. Il y a donc énormément de règles non-écrites qui limite cette liberté infiniment plus que ne le font, et que le feront jamais les textes de loi en France. Alors, M. Turley me fait bien rigoler avec son "analyse". Et le pire, c'est que ce n'est pas seulement la liberté d'expression qui est ainsi limitée par ces règles non-écrites, mais tout un pan des comportements humains au quotidien. Exemple simple : plus aucun homme de moins de 60 voire 70 ans (il y a une certaine tolérance au-delà) n'acceptera d'aller seul dans un ascenseur d'un hôtel ou d'un magasin quelconque, en même temps qu'une inconnue seule également. Il préférera attendre l'ascenseur suivant pour ne pas risquer d'être accusé d'agression sexuelle pour un regard, ou simplement pour la concentration trop forte de phéromones sexuels qu'il risque de dégager dans cet endroit exigu (cas authentique plaidé devant les tribunaux américains).

    Personnellement, je préfère que ma liberté d'expression soit contrôlée par des lois votées, revoquables, modifiables, plutôt que par une chape de béton pluri-séculaire indestructible...

  • bv

    Pour une fois bravo voilà un article qui remet à leur place nos chers amis américains et même britanniques, les donneurs de leçons reçoivent pour une fois des leçons et ce n'est pas plus mal. Eh oui tout arrive, même l'impossible

  • MIRA.B

    Pourquoi défiler en masse pour CONSERVER " une liberté d'expression " qui est morte en France depuis belle lurette ?

    C'est un gigantesque NON-SENS.
    Un fantastique, effrayant MALENTENDU.

    Cet américain a raison.
    Mais là-bas les citoyens ne sont pas plus épargnés que nous.