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ÉGYPTE

"L’activiste égyptienne Shaimaa al-Sabbagh a été tuée trois fois par la police"

Shaimaa al-Sabbagh a été tuée, samedi 24 janvier, lors de la dispersion d’un rassemblement d’opposants dans le centre-ville du Caire. Touchée par des tirs de chevrotine, c’est Sayyed Abou al-Alaa, un autre manifestant, qui a essayé désespérément de la secourir alors que la police faisait tout pour les disperser.

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Un activiste égyptien essayant de secourir Shaimaa al-Sabbagh. Photo prise par le photographe Eslam Gamal, et postée sur sa page Facebook

Shaimaa al-Sabbagh a été tuée, samedi 24 janvier, lors de la dispersion d’un rassemblement d’opposants dans le centre-ville du Caire. Touchée par des tirs de chevrotine, c’est Sayyed Abou al-Alaa, un autre manifestant, qui a essayé désespérément de la secourir alors que la police faisait tout pour les disperser.

La mort de l’activiste a suscité une vive émotion en Égypte alors que le pays commémore le quatrième anniversaire de la chute de Moubarak.

Seule une cinquantaine de manifestants participaient au rassemblement, place Talaat Harrb. Des activistes du parti de l’"Alliance populaire socialiste" qui voulaient déposer une gerbe de fleurs en hommage aux victimes de la révolution du 25 janvier 2011. La manifestation n’étant pas autorisée, les policiers ont chargé après quelques minutes tirant des gaz lacrymogènes comme le montre cette vidéo

C’est à ce moment que Shaimaa al-Sabbagh s’effondre sur le trottoir. Un des manifestants, Sayyed Abou al-Alaa, la prend alors dans ses bras pour tenter de la secourir mais en sera empêché par les policiers.

Sur cette vidéo tournée par des journalistes d’Alyoum7, Sayyed Abu al-Alaa soulève Shaimma qui est effondrée sur le trottoir, puis traverse la rue en courant devant les policiers qui continuent de tirer des gaz lacrymogènes dans leur direction.

Quelques heures plus tard, le rapport du médecin légiste indique que Shaimaa a été atteinte de trois tirs de chevrotine à une distance entre 3 et 8 mètres, ce qui a provoqué "une lacération du poumon et du cœur et une forte hémorragie au niveau du thorax".

Si les autorités ont annoncé l’ouverture d’une enquête dès samedi, le ministre de l’Intérieur, Mohamed Ibrahim, a cherché à disculper la police lors d’une conférence de presse lundi : "S’il s’avère qu’un policier a tiré sur elle, je le livrerai moi-même à la justice. Mais je tiens à souligner qu’aucun policier ne porte d’arme mis à part le gaz pour disperser les rassemblements, car l’usage de chevrotine est interdit".

Le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Hani Abdellatif, avait, lui, déclaré la veille que seules deux grenades à gaz lacrymogène ont été tirées lors du rassemblement.

Des déclarations d’autant plus étonnantes que plusieurs photos de la manifestation montrent clairement que certains policiers encadrant ce rassemblement portaient des fusils.

Par ailleurs, sur les images tournées sur place et qui circulent sur les réseaux sociaux, on peut entendre au moins trois détonations.

Certains médias, proches du pouvoir, accusent des membres des Frères musulmans – qu’ils présentent comme des parias depuis le renversement de Mohamed Morsi -, d’avoir infiltré la manifestation et tiré sur Shaimaa.

Le journal en ligne Al-Tahrir a, quant à lui, publié la photo d’un homme en civil pointant une chevrotine, en indiquant qu’il s’agissait de l’assassin de Shaimaa. Mais des internautes ont démontré que cette photo avait été postée deux jours avant le rassemblement sur Internet.

"Les forces de l’ordre ont tiré au gaz lacrymogène et à la chevrotine sans sommation"

Sayyed Abou al-Alaa, membre de l’"Alliance populaire socialiste".

Pour disperser le rassemblement, les forces de l’ordre ont tiré au gaz lacrymogène et à la chevrotine sans sommation aucune. Shaimaa marchait sur le trottoir droit de la rue Talaat Harrb, en direction de place Tahrir. Elle se trouvait au niveau de l’agence d’Air France quand elle a été touchée.

Des policiers marchaient quelques mètres derrière elle, sur le trottoir d’en face, au niveau de la librairie al-Chourouk. C’est de là que provenaient les tirs sur les manifestants qui tentaient de s’enfuir.

Elle a fait cinq ou six mètres puis a été atteinte d’un tir de chevrotine. Moi, je marchais derrière elle. J’ai entendu les détonations sur ma gauche, et aussi le bruit des impacts des tirs sur la vitrine d’Air France. Elle était à terre et j’ai vu le sang couler sur le bas de sa tête, du côté gauche.

Cette photo montrant Sayyed Abou al-Alaa portant Shaimaa dans ses bras est devenue virale sur les réseaux sociaux.

Mon ami et camarade Houssam Nasr [militant de l’Alliance populaire socialiste] a essayé de la porter, mais les policiers ne l’ont pas laissé faire. Ils l’ont interpellé rapidement. Je l’ai alors portée moi-même et j’ai traversé la rue avant de m’engouffrer dans le passage qui fait le coin avec Café Riche [Passage al-Bustan al-Saïdi]. Je me suis assis avec elle par terre. Mais la police poursuivait les manifestants en tirant. Je ne peux pas dire avec quelles armes. À ce moment, un officier est apparu dans le passage. Je ne connais pas son nom mais je n’oublierai jamais son visage. J’ai crié qu’il fallait porter secours à Shaimaa, mais il n’a rien fait pour nous aider.

Ensuite, un autre camarade Mustapha Abdel Aal l’a prise dans ses bras, on a marché un peu puis on l’a installée sur une chaise, à côté d’un café. On a cherché une ambulance, on a essayé d’arrêter un taxi et des particuliers mais personne n’a voulu la prendre car la police avait encerclé le passage.

Capture d'écran d'une Vidéo montrant le militant Mustapha Abdel Aal (pull orange) portant Shaimaa au niveau du passage al-Bustan al-Saïdi non loin de Talaa Harrb. À 0’20’’, il lance à Sayyed qui est à côté de lui : "Essaie d’arrêter un taxi !".

"Un médecin a essayé de secourir Shaimaa, mais la police l'en a empêché" 

Un médecin, qui s’appelle Maher Nassar, était installé à une terrasse de café. Il a tenté de la secourir mais l’officier de police, que j’avais vu au début en entrant dans le passage, est réapparu. Il était accompagné d’un chef de brigade en uniforme. On leur criait : "Faites venir une ambulance ! Pourquoi vous nous encerclez ?". Mais, pour la seconde fois, ils ont ignoré nos cris de détresse. Ils n’ont rien trouvé de mieux à faire que de nous arrêter.

Shaimaa était encore vivante à ce moment-là, et elle s’agrippait à nous. Mais les policiers nous ont jeté dans un véhicule blindé. Maher Nassar n’arrêtait pourtant pas de crier qu’il était médecin. Ils ont ensuite mis Mustapha Abdel Aal et Mohammed Salah - un autre camarde du parti qui se trouvait avec nous – dans le blindé et nous ont emmenés au poste de police de Qasr Annil.

Entre le moment où Shamiaa a été atteinte de cette balle et celui où on a perdu contact avec elle, environ 15 min se sont écoulées. Quinze minutes pendant lesquelles, non seulement les policiers ne lui sont pas venus en aide mais ils ont tout fait pour nous empêcher de la secourir. Ce jour-là, Shaimaa a été tuée trois fois.

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