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Récit

Un enfant de 8 ans au commissariat pour «apologie du terrorisme»

Le directeur de l'école a porté plainte contre le père. Il aurait aussi infligé des «brimades» à cet écolier de CE2, selon l'avocat de la famille.
par Sylvain Mouillard
publié le 28 janvier 2015 à 19h42
(mis à jour le 28 janvier 2015 à 23h08)

8 janvier 2015, au lendemain de la tuerie à Charlie Hebdo. Dans une école primaire de Nice, les élèves d'une classe de CE2 discutent du drame avec leur instituteur. «Etes-vous Charlie ?», demande-t-il. Ahmed, 8 ans, répond que non. Pourquoi ? «Parce qu'ils ont caricaturé le prophète. Moi, je suis avec les terroristes.» Le prof alerte son directeur. Ce dernier décide de convoquer le gamin, puis ses parents, qui raisonnent leur rejeton. Mais il ne s'arrête pas là. Le 21 janvier, le directeur de cette école, située dans le sud de la ville, dépose plainte au commissariat pour «apologie du terrorisme», selon l'avocat de la famille de l'enfant, Me Sefen Guez Guez.

Contacté mercredi soir par Libération, le ministère de l'Education confirme qu'une plainte a bien été déposée contre le père de l'enfant, qui aurait fait «intrusion» dans l'enceinte de l'école. Et qu'un «signalement a été fait à la protection de l'enfance».

«A partir de là, la machine judiciaire est lancée», explique à Libération Me Sefen Guez Guez, l'avocat qui défend Ahmed. Convoqué ce mercredi après-midi au commissariat de Nice, dans le cadre d'une audition libre, l'enfant y reste près de deux heures. La suite ? L'avocat la raconte dans une série de tweets, sous le pseudo «IbnSalah».

«Placer un enfant de 8 ans en audition libre, c'est dire l'état d'hystérie collective actuelle autour de cette notion d'apologie du terrorisme. Dans ce genre de cas, il faut de la pédagogie», considère Me Guez Guez, furieux. «On ne pense pas en rester là, l'attitude du directeur est inadmissible.» Il l'accuse d'avoir infligé des «brimades» à Ahmed, en le «mettant au coin» et le «privant de récréation».

Selon l'avocat, l'enfant a aussi raconté avoir essuyé cette remarque alors qu'il jouait dans le bac à sable : «Arrête de creuser, tu ne vas pas trouver de mitraillette pour tous nous tuer.» Ahmed, diabétique, aurait même une fois été privé de sa prise d'insuline, toujours selon l'avocat. Contacté par Libération, le procureur de la République de Nice confirme l'existence de cette audition libre, mais n'a pas plus de commentaire à apporter.

«Dans le contexte actuel, le directeur de l'école a décidé de signaler ce qui s'est passé à la police», a expliqué à l'AFP le commissaire Marcel Authier, en notant qu'il ne s'agit aucunement d'une plainte. «On a convoqué l'enfant et son père pour essayer de comprendre comment un garçon de 8 ans peut être amené à tenir des propos aussi radicaux», a indiqué le directeur départemental de la sécurité publique. «Visiblement, l'enfant ne comprend pas ce qu'il a dit. On ne sait pas où il est allé chercher ses propos», selon lui. L'école primaire, fermée, était injoignable dans la soirée de mercredi.

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