Non, Roland Dumas n'a pas sauvé la République !

L'ancien président du Conseil constitutionnel dit avoir décidé de ne pas invalider l'élection de Chirac en 1995. Or, il n'en avait pas le pouvoir !

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La décision du Conseil constitutionnel n'a en rien sauvé la République, elle a juste coûté au contribuable.
La décision du Conseil constitutionnel n'a en rien sauvé la République, elle a juste coûté au contribuable. © Joël Saget/AFP

Temps de lecture : 2 min

Roland Dumas partage avec son homonyme le goût du roman. Depuis quelques jours, son entretien au Figaro à l'occasion de la sortie de son livre, Politiquement incorrect (Cherche Midi), fait quelques vagues au motif que l'ancien président du Conseil constitutionnel se targue d'"avoir sauvé la République en 1995". La nature de cet exploit : avoir fermé les yeux sur les dépassements des comptes de campagne d'Édouard Balladur et de Jacques Chirac. L'anecdote était connue, à vrai dire, puisqu'un ancien membre du Conseil constitutionnel de l'époque avait vendu la mèche.

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"Que faire ? s'interroge Roland Dumas en se replaçant dans le contexte de cette présidentielle remportée par Chirac. C'était un grave cas de conscience. J'ai beaucoup réfléchi. Annuler l'élection de Chirac aurait eu des conséquences terribles. J'ai pensé à mon pays. Je suis un homme de devoir. Nous avons finalement décidé, par esprit républicain, de confirmer, à l'unanimité au deuxième tour, son élection présidentielle."

Étouffer un scandale

C'est ici que Dumas se trompe. Les comptes irréguliers d'un candidat à l'élection présidentielle n'entraînent pas l'invalidité de son élection en cas de victoire. Le Conseil constitutionnel ne dispose pas de ce pouvoir dans ce cas de figure. En tant que juge de l'élection, il peut invalider des législatives ou des sénatoriales. Mais, s'agissant d'une élection présidentielle, son rôle est différent. Il est juge des éventuels recours formés par les candidats contestant les décisions rendues sur leurs comptes de campagne par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Cela signifie qu'il n'a pas le pouvoir d'invalider une présidentielle pour ce motif mais seulement d'interdire le remboursement des frais de campagne du candidat.

Autrement dit, en 1995, le Conseil constitutionnel n'avait pas le pouvoir d'annuler la victoire de Jacques Chirac. Il pouvait décider de proclamer ses comptes irréguliers et refuser la prise en charge publique de son compte de campagne. Roland Dumas n'a donc pas "sauvé" la République, il a juste coûté à la République ! Le contribuable a remboursé la campagne Chirac, évitant à celui-ci d'organiser, à l'image du Sarkothon, un "Chiracthon" qui eût été, en effet, piteux pour un président élu... Dumas peut se vanter d'avoir évité un scandale en l'étouffant. Y a-t-il vraiment de quoi pavoiser ? Et à parler d'"esprit républicain" ?

Pour que le Conseil constitutionnel invalide une élection présidentielle, il faudrait qu'il découvre une fraude électorale. Et encore, que celle-ci soit suffisamment massive pour porter atteinte à la sincérité du scrutin. Fort heureusement, ce ne fut pas le cas en 1995. Du moins, aucun sage n'a encore jeté le doute sur les scores d'une présidentielle...

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Commentaires (39)

  • zorro99

    Quand tu es fonctionnaire et que tu fais une erreur tu es sanctionné ou et viré, , quand tu es employé du privé et que tu fais une erreur tu es sanctionné et viré, quand tu es un homme politique, ministre, député, sénateur, conseiller régional, ou général, maire d'une grande ville, il y à toujours un moyen moins radical, L a justice est toujours différente pour eux, la révolution de 1789, à supprimée des privilèges à certains, mais en a distribués à d'autres. Vive l'égalité et vive la justice toujours à la recherche de sa vérité, Dumas, ancien président du Conseil Constitutionnel devrait donner l'exemple ;

  • hamilton

    Il ne faut guère de temps pour que les mauvaises habitudes reviennent au galop.
    Quel intérêt de ressortir de vielles histoires. Nos politiques n'ont toujours pas compris que pour avancer il faut regarder devant et pas sans cesse dans le rétroviseur.

  • jopic

    Avec des chaussures a ce prix la c'est vrai qu'il etait important le pote a tonton la magouille.