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Le Brésil peine à sortir de sa panne de croissance

Malgré l’inflexion de la politique économique, incarnée par le nouveau ministre des finances, le très orthodoxe Joaquim Levy, les marchés doutent du retour de la croissance en 2015 dans la première économie latino-américaine.

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Publié le 29 janvier 2015 à 16h35, modifié le 19 août 2019 à 13h37

Temps de Lecture 5 min.

Un gouvernement qui, pour sa première réunion le 27 janvier, défend des mesures d’austérité et argumente que celles-ci sont nécessaires à la relance de l’activité économique. Une banque centrale qui, une semaine plus tôt, relève ses taux directeurs - donc le coût du crédit - en indiquant qu’il s’agit de freiner l’envolée des prix, mais au risque de freiner dans l'immédiat la reprise de l'investissement et donc de l’activité... En ce début d’année, les signaux envoyés par le Brésil peuvent apparaître un peu contradictoires. Et suscitent des interrogations sur la capacité du pays à retrouver rapidement le chemin de la croissance.

Excès de pessimisme ou lucidité ? Les marchés, eux en tout cas, continuent de douter de la capacité du Brésil à renouer en 2015 avec une hausse de son produit intérieur brut (PIB), après une année 2014 marquée par une légère récession. Ils n’excluent pas que la première économie latino-américaine, en difficulté depuis 2011, connaisse une deuxième année consécutive de stagnation.

Dans l’enquête hebdomadaire Focus, réalisée par la Banque centrale brésilienne auprès d’une centaine d’institutions financières, la prévision de croissance du PIB a été révisée à la baisse, lundi 26 janvier, de 0,38 % à 0,13 %, et celle d’inflation revue en hausse, de 6,67 % à 6,99 % très loin de l’objectif officiel de 4,5 % par an (avec une bande de fluctuation de 2 points).

  • Le « choc de crédibilité » peine à convaincre

Un peu plus de deux mois après la constitution par la présidente Dilma Rousseff, réélue le 26 octobre et en fonction depuis le 1er janvier, d’une équipe économique taillée pour l’austérité, les premières mesures prises par le ministre des finances, Joaquim Levy, pour tailler dans les dépenses et enrayer la dérive des comptes publics n’ont pas encore totalement convaincu.

À peine nommé, M. Levy a annoncé son intention de porter l’excédent budgétaire primaire - celui qui permet de stabiliser la dette - de 0,6 % en 2014 à 1,2 % en 2015 et à plus de 2 % en 2016.

Il s’emploie ainsi à restaurer la confiance des investisseurs et à éviter une dégradation de la note souveraine brésilienne, après une « piteuse » année 2014 sur fond de croissance zéro, d’inflation élevée et de creusement des déficits extérieurs, résume Jean-Louis Martin du Crédit agricole.

Pour redresser les finances publiques, M. Levy, ancien haut fonctionnaire passé par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque interaméricaine de développement, a commencé à tailler dans les dépenses.

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M. Levy a réduit certains des avantages dont bénéficiaient les fonctionnaires retraités et leurs ayants droit, durci les conditions d’indemnisation du chômage, mis fin aux subventions accordées aux entreprises d’électricité et réduit les subventions implicites dont bénéficiaient les entreprises empruntant à la BNDES, la banque de développement.

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De nouvelles coupes budgétaires et de nouvelles hausses d’impôt, après celles annoncées en décembre, sont à prévoir.

Issue, comme l’ancien président Lula, de la gauche et, plus précisément, du Parti des travailleurs, Mme Rousseff a défendu, mardi 27 janvier, lors de la première réunion de son gouvernement l’inflexion de la politique économique brésilienne qui est critiquée par une partie de sa majorité.

« Les ajustements sont nécessaires pour maintenir le cap, tout en préservant les priorités sociales et économiques », a fait valoir la présidente non sans préciser que « des comptes publics en ordre sont nécessaires pour le contrôle de l’inflation, la croissance économique et la garantie durable de l’emploi et des revenus. »

Les marchés ont salué à leur manière ce changement de cap. « Le real, qui s’était beaucoup déprécié mais reste surévalué, est un peu remonté ces dernières semaines », analyse M. Martin (Crédit agricole).

Lire également : Au Brésil, le bilan économique de Dilma Rousseff résumé en 3 graphiques

  • Le difficile pas de deux entre limiter l’inflation et relancer l’investissement

Parallèlement, l’arme monétaire a été utilisée pour essayer de contenir l’inflation. Mercredi 21 janvier, pour la troisième fois depuis le mois d’octobre 2014, la Banque centrale du Brésil a relevé le taux du Selic.Cette dernière augmentation, de 50 points de base, l’a porté à 12,25 %. Une quatrième hausse de même importance est attendue en février.

Mais les pressions inflationnistes restent fortes, la Banque centrale elle-même prévoyant une augmentation de 9,3 % des prix administrés en 2015, qui tirera l’indice des prix vers le haut.

On voit mal dans ces conditions comment le gouvernement pourrait tenir son objectif de ramener l’inflation de 6,41 % en 2014 à 4,5 % par an. Or, l’inflation élevée pèse sur le pouvoir d’achat des ménages et sur leur consommation. Donc sur la croissance.

Dans un pays qui souffre d’une insuffisance chronique d’investissement, la hausse répétée du taux directeur de référence peut par ailleurs avoir des conséquences fâcheuses.

Dans un article sur l’économie brésilienne intitulé « Le patient brésilien », Sylvain Bellefontaine, économiste de BNP Paribas, a observé, en décembre 2014, que l’investissement était reparti au troisième trimestre 2014 (+ 0,9 %) après quatre trimestres consécutifs de repli.

La hausse du Selic pourrait freiner cette reprise et compliquer le redémarrage du pays.

  • Des obstacles structurels qui demeurent

La magie des années 1990 (+ 1,9 % de croissance par an en moyenne) et des années 2000 (+ 3,4 %) n’opère plus, qui permit au Brésil d’augmenter de 60 % son PIB par habitant (12 200 dollars en 2013), de réduire les inégalités et de développer une classe moyenne de quelque 100 millions de personnes.

Le géant latino-américain a bien résisté à la dernière crise : le PIB ne s’est contracté que de 0,3 % en 2009 et il est reparti très fort en 2010 (+ 7, 5 %). Mais, depuis 2011, ses performances décevantes inquiètent.

Faiblesse de l’investissement productif, perte de compétitivité de l’industrie (les coûts salariaux s’envolent notamment pour les personnels qualifiés), infrastructures en piteux état, lourdeur de la bureaucratie, climat des affaires terni par des scandales de corruption, au premier rang desquels celui de Pétrobras : les économistes pointent tous les mêmes obstacles structurels à la croissance.

Carlos Quenan, économiste et professeur à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (IHEAL) n’exclut pas qu’en raison de ces difficultés et pour cause d’impact récessif des coupes dans les dépenses publiques, le pays puisse retomber en récession.

Même si ce n’est pas le cas, le Brésil va devoir engager des réformes structurelles sans croissance et sans pouvoir compter sur un environnement international porteur.

À la fin des années 1990, déjà, le pays avait connu une crise de change et quatre années difficiles sur le plan économique avant de réussir à repartir d’un bon pied.

Mais l’environnement international était alors plutôt bon, alors que le ralentissement chinois, la fin du super-cycle des matières premières et le ralentissement du commerce mondial constituent aujourd’hui un handicap supplémentaire pour l’économie brésilienne.

Dans de telles conditions, le second mandat de Dilma Rousseff s’annonce redoutable sur le plan économique et social.

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